Le Brexit pèsera sur l’économie britannique dans tous les cas de figure, mais l’accord négocié par Theresa May limiterait les dégâts tandis qu’une sortie de l’Union européenne sans accord plongerait le pays dans la crise, ont fait valoir mercredi plusieurs estimations officielles.
Effondrement de la livre de 25%, montée en flèche du chômage à 7,5% et de l’inflation à 6,5%, plongeon de 30% des prix de l’immobilier… Un Brexit sans accord causerait un choc énorme à l’économie britannique, a prévenu la Banque d’Angleterre dans son évaluation des différents scénarios de sortie de l’UE.
Dans le cas de ce scénario le plus noir, le produit intérieur brut (PIB) britannique serait amputé de 7,8% à 10,5% d’ici à 2024.
Le gouverneur de la Banque, le Canadien Mark Carney, qui se fait régulièrement accuser de vouloir faire peur avec ses scénarios, a relevé devant la presse que son travail était précisément de «se préparer au pire».
Peu auparavant, un rapport du gouvernement avait évalué la perte de PIB à 9,3% en 15 ans. Il a toutefois insisté sur le fait que l’accord scellé par la première ministre, Theresa May, avec l’UE, mais décrié jusqu’au sein de son Parti conservateur, limiterait la casse en coûtant 3,9% au PIB (1,2% à 3,8% d’ici à 2024, selon la BoE).
Les chiffres de l’exécutif partent du principe que le Royaume-Uni pourra conclure tous les accords de libre-échange qu’il espère, affirme le rapport, soulignant toutefois que ces projections doivent être prises avec des pincettes «en raison des incertitudes inhérentes à ce type d’analyse économique».
Cette avalanche de chiffres est opportunément venue conforter Theresa May, qui se démène pour convaincre le pays et les députés que son accord est «le meilleur» et «le seul possible».
«Cette analyse ne montre pas que nous serons plus pauvres à l’avenir», a-t-elle déclaré devant les élus, qu’elle essaie avec difficulté de convaincre de voter le 11 décembre pour l’accord de divorce conclu après 17 mois de négociations difficiles. «Elle montre que nous irons mieux avec cet accord».
Mais à moins de deux semaines du vote, Mme May est loin de disposer du nombre de voix requis et les critiques essuyées à nouveau mercredi lui ont rappelé la résistance qui l’attend. «Il est maintenant clair que le Parlement ne soutiendra pas ce plan», lui a lancé le chef de l’opposition travailliste, Jeremy Corbyn, estimant qu’il était «temps de travailler à un autre plan».
Outre les travaillistes, l’allié nord-irlandais de Theresa May, le petit parti unioniste DUP, des députés conservateurs favorables à un Brexit dur, les europhiles du Parti libéral-démocrate et les députés écossais indépendantistes s’opposent à l’accord.
Pour convaincre ses concitoyens, Mme May s’est engagée dans une tournée du pays qui l’a menée mercredi après-midi près de Glasgow, plus grande ville d’Écosse. «C’est un accord qui est bon pour les employeurs écossais et qui protégera les emplois», a-t-elle déclaré, tentant tout particulièrement de rassurer sur la question de la pêche, hautement sensible en Écosse.
La veille de sa visite, la première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, cheffe du parti indépendantiste SNP, avait fustigé l’accord, s’appuyant sur une étude publiée par son gouvernement selon laquelle il rendrait les Écossais «plus pauvres», et le qualifiant d’» inacceptable».
Theresa May et ses principaux soutiens espèrent qu’une fois confrontés au vote, les parlementaires se montreront raisonnables.
Un sondage publié mercredi par le tabloïd Daily Mail, spectaculairement passé de l’europhobie militante à une position très modérée à l’occasion d’un changement de rédacteur en chef, est venu réconforter Mme May: 52% des 1.030 personnes interrogées en ligne par l’institut Survation pensent que son accord est le meilleur possible, contre 19% qui pensent le contraire.
Mais dans le même temps, 48% des sondés réclament un second référendum (contre 34%). Cette solution a reçu le soutien inattendu du responsable pour les questions économiques du Parti travailliste, John McDonnel, le Labour s’y étant jusqu’ici officiellement opposé, comme Theresa May.