Le groupe chimique allemand Bayer doit désormais affronter 18 400 requêtes déposées aux États-Unis contre l’herbicide au glyphosate de sa filiale Monsanto, un nombre en constante augmentation qui empoisonne l’intégration du groupe américain racheté l’an dernier.
Les 63G$ US déboursés en juin 2018 faisaient déjà de ce mariage le plus grand pari de l’histoire de Bayer. Mais c’était sans compter l’avalanche de requêtes qui s’abattent depuis des mois sur le nouveau géant agrochimique, pour une facture finale difficile à évaluer.
Cette menace judiciaire s’est gonflée de 5 000 procédures depuis la fin avril, a indiqué mardi le groupe, déjà condamné par trois fois à indemniser un ancien jardinier, un retraité et un couple atteint d’un cancer.
Dans ces premières affaires jugées en Californie, les jurys ont estimé que l’usage ancien et répété du glyphosate avait pu provoquer le lymphome non-hodgkinien des requérants, un point contesté sans relâche par Bayer.
Ils ont par ailleurs sanctionné le «comportement répréhensible» de Monsanto visant à «entraver, décourager ou déformer l’investigation scientifique», alors que de premières études menées au sein du groupe avaient «suggéré que le glyphosate pouvait causer des cancers».
Les montants dus par le groupe dans chaque dossier ont cependant été fortement réduits par le deuxième examen d’un juge, passant respectivement de 289 à 78 millions de dollars, de 80 à 25 millions de dollars et de plus de 2 milliards à 86,7 millions de dollars.
Mais ce n’est qu’un soulagement partiel pour Bayer, qui compte faire appel pour être lavé de toute responsabilité, s’appuyant sur des centaines d’études favorables et l’aval des régulateurs du monde entier depuis la mise sur le marché du glyphosate au milieu des années 1970.
Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une émanation de l’OMS, a lui considéré en 2015 que le glyphosate était «probablement cancérigène». Il s’agit néanmoins d’une évaluation de la dangerosité du produit dans l’absolu, et non du risque lié à une exposition aux doses courantes.
Bayer promet par ailleurs mardi de «s’engager activement» dans la médiation décidée fin mai par un juge de San Francisco et confiée à l’avocat Kenneth Roy Feinberg, mais «n’envisagera un règlement amiable que s’il est financièrement raisonnable», a averti le patron Werner Baumann.
En juin et alors que le titre Bayer avait perdu 40% en Bourse en moins d’un an, les analystes de la banque Berenberg misaient sur un chèque proche d’un million de dollars par requérant, ce qui portait alors la facture à une dizaine de milliards d’euros.
Cité mardi par l’agence allemande DPA, Markus Mayer de Baader Bank penche plutôt pour un accord compris dans une fourchette de 15 à 20 milliards d’euros. D’autres analystes voient Bayer persister dans une longue et coûteuse bataille judiciaire jusqu’à la Cour Suprême.
«Nous pensons que nous finirons par gagner dans ce litige, sur la base des acquis scientifiques, et nous restons déterminés à nous défendre vigoureusement», a d’ailleurs insisté mardi Werner Baumann.
L’inventeur allemand de l’aspirine a réalisé l’an dernier la plus grande acquisition de son histoire en avalant Monsanto, misant sur le recours croissant à la chimie pour nourrir une planète toujours plus peuplée et perturbée par le réchauffement climatique.
Mais le groupe doit depuis composer avec la cascade de procédures ciblant Monsanto, au point que les actionnaires de Bayer ont infligé fin avril un cinglant désaveu à la direction en votant contre sa stratégie.
Parmi eux figure désormais le fonds activiste américain Elliott, qui contrôlait fin juin environ 2% du groupe et est réputé favoriser l’éclatement de grands conglomérats par des mises en Bourse partielles.
Enfin, Bayer doit encore mener à bien la restructuration annoncée à l’automne dernier, qui intègre la suppression de 12 000 postes et pèse sur les résultats trimestriels. Mardi vers 13h GMT, le titre cédait encore 4,60% à 56,60 euros à la Bourse de Francfort.