Les violences et les pillages se sont poursuivis dimanche au Chili au troisième jour des pires émeutes qu’ait connu le pays depuis des décennies, qui ont fait deux morts et au moins trois blessés.
Pour la deuxième nuit consécutive, une mesure de couvre-feu a été décrétée à Santiago entre 19H00 et 06H00 locales. Parallèlement, l’«état d’urgence» est en vigueur dans cinq régions, dont la capitale de 7 millions d’habitants.
«La démocratie a l’obligation de se défendre», a déclaré le président chilien Sebastian Pinera pour justifier ces mesures d’exception, à l’issue d’une réunion avec les présidents de la Chambre de députés, du Sénat et de la Cour suprême.
Le général Javier Iturriaga, chargé vendredi de la sécurité publique par le président Pinera, a de son côté appelé les habitants à rester «calmes» et à ne pas sortir de chez eux.
Les émeutes, les pires depuis des décennies au Chili, se sont poursuivies dimanche. Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et policiers, sur la Plaza Italia, dans le centre de Santiago, où les forces de l’ordre ont répliqué aux protestataires avec des gaz lacrymogènes et des jets d’eau.
Au même moment, des pillages se déroulaient dans plusieurs endroits de la capitale. Les accès à plusieurs hypermarchés, qui étaient restés fermés dimanche, ont été forcés par des manifestants, en majorité des jeunes, qui en ressortaient les bras chargés de marchandises, a constaté un journaliste de l’AFP.
Près de 10 000 policiers et militaires ont été déployés. Les patrouilles de militaires dans les rues sont une première dans le pays depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990).
Selon les autorités, 1462 personnes ont été arrêtées, dont 644 dans la capitale et 848 dans le reste du pays.
Après trois jours de violences, le centre de la capitale chilienne et d’autres grandes villes, comme Valparaiso et Concepcion, offraient des visages de désolation: feux rouges au sol, carcasses de bus carbonisées, commerces pillés et incendiés, et des milliers de pierres et de bâtons parsemant les chaussées.
Ces émeutes ont fait deux morts dans la nuit de samedi à dimanche dans l’incendie d’un supermarché, à San Bernardo, dans le sud de la capitale. «Il y a eu un pillage et un incendie, au cours duquel deux femmes sont mortes et une troisième personne a été brûlée à 75%», a déclaré le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Andrés Chadwick.
Selon les autorités, deux personnes ont également été blessées par balle lors des émeutes et hospitalisées dans un état «grave» après un incident avec la police lors de pillages, également dans le sud de la capitale.
Les manifestations ont débuté vendredi pour protester contre une hausse –de 800 à 830 pesos (environ 1,53$)– du prix des tickets de métro à Santiago, dotée du réseau le plus étendu (140 km) et le plus moderne d’Amérique du Sud qui transporte quotidiennement environ trois millions de passagers.
M. Pinera a suspendu la hausse samedi. Mais les manifestations et les violences se sont poursuivies, nourries par la colère face aux conditions socio-économiques et aux inégalités dans ce pays où l’accès à la santé et à l’éducation relèvent presque uniquement du secteur privé.
Des dizaines de supermarchés, de véhicules et de stations-service ont été saccagés ou incendiés. Les bus et les stations de métro ont été particulièrement ciblés. Selon le gouvernement, 78 stations de métro ont subi des dommages, dont certaines ont été totalement détruites.
Ces dégâts dans le métro sont évalués à plus de 300 M$ et un retour à la normale sur certaines lignes pourrait prendre «des mois», a indiqué dimanche le président de la compagnie nationale de transports publics, Louis de Grange.
«Il ne s’agit pas seulement du métro, mais de tout. Les Chiliens en ont eu marre des injustices», a déclaré à une chaîne de télévision locale, Manuel, un travailleur qui tentait dimanche de gagner son lieu de travail.
Quelques rares bus circulaient dans la capitale, forçant les habitants à se rabattre sur les taxis, dont les prix s’envolaient.
À l’aéroport de Santiago, de nombreux vols ont été annulés ou reprogrammés, en raison notamment des difficultés des employés pour rejoindre leur lieu de travail.
Quelques petits commerces ont néanmoins rouvert ainsi que des stations-services où les files d’attente de voitures étaient visibles, les habitants craignant une poursuite des violences lundi alors que des étudiants ont appelé à poursuivre la mobilisation.