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Irak: entre grèves et manifestations, la contestation enfle

Irak: entre grèves et manifestations, la contestation enfle

Manifestation place Tahrir à Bagdad

Rédaction - Agence France-Presse

La contestation grossit mardi en Irak avec des manifestations étudiantes et piquets de grève à travers le sud du pays. Le couvre-feu nocturne de l’armée a quant à lui été bravé à Bagdad dans un concert de klaxons.

La ville sainte chiite de Kerbala a toutefois connu une nuit de violences avec des tirs à balles réelles, ont rapporté des correspondants de l’AFP. Selon la Commission gouvernementale des droits de l’Homme, un manifestant a été tué. La médecine légale a confirmé la mort d’un homme de 24 ans mais les autorités locales l’ont fermement démentie.

Ailleurs dans le pays, des dizaines de milliers de manifestants continuent à réclamer pour le sixième jour consécutif la «chute du régime», une nouvelle Constitution et la fin d’un système créé il y a 16 ans pour remplacer le dictateur Saddam Hussein qui, disent les Irakiens, est arrivé à bout de souffle.

Moqtada Sadr rejoint les manifestants

L’influent leader chiite irakien Moqtada Sadr a d’ailleurs rejoint mardi les milliers de manifestants antigouvernementaux à Najaf, ville sainte chiite au sud de Bagdad, a constaté un correspondant de l’AFP.

Peu avant, des sources à l’aéroport de Najaf avaient annoncé que l’ex-chef de milice devenu héraut des manifestations anticorruption, avait atterri d’Iran à Najaf, où il réside. Dès le début du mois, Moqtada Sadr avait appelé à la démission du gouvernement en Irak.

Depuis le 1er octobre, l’Irak est secoué par une contestation – inédite parce que spontanée – qui a été marquée par près de 250 morts et plus de 8000 blessés.

La première semaine du mois a été particulièrement meurtrière avec 157 morts, quasiment tous des manifestants abattus par les balles de tireurs que l’État n’a jusqu’ici ni identifiés ni arrêtés.

Mais le second épisode de manifestations, entamé jeudi soir, a des allures bien plus festive. Dans les provinces du sud, chiite, tribal et très conservateur, de nombreuses femmes se mêlent désormais aux dizaines de milliers de protestataires.

Les étudiants et les élèves ont cessé d’assister aux cours alors que les administrations à Hilla, Diwaniya, Kout et Nassiriya étaient quasiment toutes restées fermées, selon des correspondants de l’AFP. Les syndicats nationaux des enseignants, des dentistes et des avocats ont décrété la «grève générale».

Sur la place Tahrir de Bagdad, épicentre de la contestation contre le gouvernement d’Adel Abdel Mahdi, un indépendant sans base partisane ou populaire, des cortèges de manifestants affluent toujours, ont constaté des journalistes de l’AFP.

«Le gouvernement pensait qu’on allait rester à la maison? Pas du tout! On est sorti exprès dans la rue», lance Doua, 30 ans, à l’AFP.

Du changement en Irak

Car le couvre-feu nocturne imposé par l’armée dans la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe a été brisé à la seconde même où il était imposé par des milliers d’Irakiens qui klaxonnaient et circulaient en agitant des drapeaux irakiens.

«Nous, en Irak, on dit: ‘tout ce qui est interdit est attirant’» lâche en riant un autre manifestant, masque à gaz remonté sur le front, alors que les forces de sécurité continuent de tirer grenades lacrymogènes et assourdissantes pour empêcher les manifestants de Tahrir d’approcher de la Zone verte voisine où siègent les autorités.

«Tahrir ne se videra pas tant qu’il n’y aura pas de changement», prévient un autre.

Le changement, explique une femme, voilée de noir, qui agite un drapeau, c’est «un gouvernement de transition et une nouvelle Constitution», pour remplacer celle votée en 2005 sous supervision américaine.

Dans un pays où, de source officielle, la corruption a déjà englouti 410 milliards d’euros de fonds publics, la rue réclame que les «gros poissons» de la corruption soient forcés de rendre cette somme qui représente deux fois le PIB de l’Irak, deuxième producteur de l’Opep.

Lundi, le Parlement a annoncé qu’il allait former une commission chargé de réfléchir à des amendements constitutionnels.

A Diwaniya, à 200 kilomètres au sud de Bagdad, cette décision n’a fait qu’attiser la colère de plus de gens, ont assuré des manifestants à l’AFP. Ce que les manifestants veulent, ont-ils scandé au milieu des tentes et des couvertures sous lesquelles certains avaient passé la nuit, c’est «la chute du régime».

Comme lundi, les étudiants et les élèves étaient nombreux sur les places de Nassiriya, Bassora ou Hilla, dans le sud de l’Irak, où 60% de la population a moins de 25 ans et un jeune sur quatre au chômage.

Le Parlement doit de nouveau se réunir mardi mais quatre députés sur 329 ont démissionné et la cinquantaine de députés du turbulent leader chiite Moqtada Sadr ont entamé samedi un sit-in en solidarité avec les manifestants.

Ils ont aussi annoncé rejoindre l’opposition, quittant la majorité parlementaire de M. Abdel Mahdi qui garde un allié de poids, la liste des puissants paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi.

Depuis vendredi, des dizaines de sièges de partis et de factions du Hachd ont été incendiés. Des protestataires ont été tués par balles par des gardes protégeant ces bâtiments ou asphyxiés par la fumée.

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