Des dizaines de milliers de personnes étaient dans la rue jeudi partout en France et des secteurs entiers d’activité tournaient au ralenti dans le cadre d’une mobilisation d’ampleur pour protester contre la réforme des retraites, promesse emblématique du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Les transports étaient particulièrement touchés, notamment à Paris, où 10 lignes de métro sur 14 étaient fermées, et où les syndicats ont d’ores et déjà annoncé que le mouvement durerait «jusqu’à lundi».
Dans le ferroviaire, quelque 90% des trains à grande vitesse ont été annulés et 50% des Eurostar, a annoncé la compagnie SNCF. Aux quatre coins du pays, en pleine heure de pointe, une majorité de gares étaient quasi désertes jeudi.
Le mouvement touche également les enseignants, les retraités, les étudiants, les avocats… Et la grève s’annonce comme l’une des plus suivies de ces dernières années en France. À la mi-journée, plus de 180 000 manifestants avaient battu le pavé dans une vingtaine de villes, selon une estimation de la police. À Paris, une manifestation était prévue dans l’après-midi. Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a mis en garde contre la présence de «black blocs» et de «gilets jaunes radicaux».
À l’origine de la mobilisation, le futur «système universel» de retraites par points, censé remplacer les 42 régimes existants (fonctionnaires, privés, régimes spéciaux, complémentaires). L’exécutif promet un système «plus lisible» et «plus juste», les détracteurs de la réforme s’attendent à une «précarisation» des retraités.
Les opposants les plus virulents espèrent faire durer le mouvement et mettre le pays à l’arrêt comme en décembre 1995. La mobilisation d’alors contre une réforme des retraites et de la Sécurité sociale avait paralysé les transports en commun durant trois semaines et forcé le gouvernement de l’époque à reculer.
«Heure de vérité pour Macron»
L’exécutif français joue gros dans un contexte social déjà tendu, avec la mobilisation depuis plus d’un an dans le pays du mouvement social inédit des «gilets jaunes», mais aussi des mécontentements exacerbés dans les hôpitaux, parmi les étudiants, les cheminots, les policiers, les sapeurs-pompiers, les enseignants, les agriculteurs…
Emmanuel Macron est «calme et déterminé, attentif au respect de l’ordre public et aux désagréments», a affirmé jeudi la présidence française, qui a précisé que le premier ministre Edouard Philippe annoncerait «en milieu de semaine prochaine l’architecture générale de la réforme».
Le projet précis n’est en effet pas encore connu et l’exécutif est resté dans le flou sur plusieurs points.
Fin novembre, M. Macron avait déclaré porter un «projet d’ambition pour notre pays». «Je n’y renoncerai pas», avait-il ajouté.
Plusieurs récents sondages ont montré que le mouvement était majoritairement soutenu par les Français.
«Réforme des retraites: l’heure de vérité pour Emmanuel Macron», titrait jeudi le journal Le Monde. «À travers la réforme des retraites, M. Macron joue sa capacité à poursuivre son action réformatrice», estime le quotidien.
Écoles fermées en France
«Retraite à points, travail sans fin», affichait une pancarte à Montpellier (sud-est), où la police a décompté 20 000 manifestants, parmi lesquels avocats en robe et soignants en blouse blanche.
À Lyon (centre-est), un homme brandissait une pancarte: «ta retraite, c’est de la poudre de perlim-points-points». De brefs affrontements entre forces de l’ordre et des groupes de jeunes cagoulés et de «gilets jaunes» ont éclaté en marge de cette manifestation.
Sept des huit raffineries françaises étaient en grève, sans impact pour l’instant sur les stations-service.
La tour Eiffel et plusieurs des principaux musées de Paris sont totalement ou partiellement fermés jeudi.
Nombre d’écoles sont aussi restées closes. La mobilisation dans l’éducation se traduit par un taux de grévistes de 51,15% dans le primaire et de 42,32% dans le secondaire (collèges et lycées), selon le ministère, et d’environ 70% d’après les syndicats. Les chiffres officiels sont bien inférieurs à ceux communiqués par les syndicats.
Jour de congé, nounou, grands-parents, les parents d’élèves ont dû donc s’organiser.
Côté syndical, la suite du mouvement est déjà à l’ordre du jour, avec des assemblées générales dans les entreprises ou administrations, et une réunion vendredi matin de plusieurs syndicats et d’organisations lycéennes.