Bataille pour le perchoir en vue: tant l’opposant Juan Guaido que son rival, l’élu d’opposition Luis Parra, revendiquent la présidence du Parlement vénézuélien et ils ont tous deux convoqué une séance dans l’hémicycle mardi, assurant chacun de son côté être investi des pouvoirs pour la présider.
Fort de sa réélection à la présidence du Parlement par 100 députés d’opposition dimanche, Juan Guaido a convoqué ses pairs pour leur séance hebdomadaire de mardi dans l’hémicycle, comme il le fait depuis sa première élection au perchoir il y a tout juste un an.
Mais pourra-t-il seulement monter à la tribune? Un autre élu d’opposition revendique lui aussi le poste et il a le soutien du président vénézuélien Nicolas Maduro. Luis Parra, en rupture de ban avec Juan Guaido, s’est autoproclamé dimanche président du Parlement et il a également convoqué une séance qu’il compte présider mardi.
Il n’envisage pas de laisser sa place à Juan Guaido. Ce dernier, a dit Luis Parra, «a toujours la possibilité de venir ici comme n’importe quel autre des 167 députés que compte la Chambre, de prendre son siège et de dire ce qu’il pense être réellement pertinent».
Dans son entreprise, Luis Parra a bénéficié du soutien de la fraction chaviste et a été adoubé par Nicolas Maduro, ce qui a poussé Juan Guaido à le qualifier de «complice de la dictature».
Dimanche, la police et l’armée ont physiquement empêché Juan Guaido de rallier le Parlement où il comptait être réélu comme président.
Alors que l’opposant tentait d’escalader les grilles du bâtiment et était repoussé par un soldat, Luis Parra se proclamait nouveau président de l’Assemblée nationale, à la faveur d’un vote à main levée. Il affirme que 81 députés, sur 150 présents, ont voté pour lui.
Luis Parra a été récemment exclu du parti d’opposition Primero Justicia après qu’un site internet l’a accusé d’avoir reçu des pots-de-vin. Malgré son exclusion, il affirme être toujours dans l’opposition.
Juan Guaido et ses alliés ont dénoncé un «coup d’État parlementaire» et ont organisé une séance parallèle au siège du journal d’opposition El Nacional. Cent députés d’opposition lui ont apporté leur suffrage et Juan Guaido a été réélu.
Les États-Unis, mais aussi l’Union européenne, le Brésil, la Colombie ou encore le Groupe de Lima — une douzaine de pays d’Amérique latine et le Canada — l’ont félicité pour sa réélection.
Le vice-président américain Mike Pence a rapporté sur Twitter avoir dit à Juan Guaido qu’il serait «à ses côtés et avec le peuple du Venezuela jusqu’à ce que votre liberté soit rétablie», lors d’une conversation téléphonique.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a fait part de sa «préoccupation» quant à l’autoproclamation de Luis Parra. Un acte que l’Organisation des États américains (OEA) a considéré comme «nul et dénué de toute valeur juridique».
Près de soixante pays reconnaissent Juan Guaido comme président par intérim du Venezuela depuis qu’il a revendiqué la fonction le 23 janvier 2019 en invoquant la Constitution.
Pour lui, Nicolas Maduro est un «usurpateur» qui s’est maintenu au pouvoir pour un deuxième mandat à la faveur d’une présidentielle «frauduleuse» en 2018, et il a mené le Venezuela «à la ruine».
Mais en un an, Juan Guaido n’est pas parvenu à bouter le président socialiste hors du palais de Miraflores. Et Nicolas Maduro a toujours le soutien de l’armée — clef de voûte du système politique vénézuélien — et de ses alliés traditionnels chinois, russe et cubain.
Surtout, relève le politologue Luis Vicente Leon, l’épisode de dimanche révèle combien le chavisme réussit à étendre son emprise aux dépens de Juan Guaido. «Tant que Maduro aura le contrôle sur tout le territoire et sur l’armée, la capacité d’action exécutive et législative» de l’opposant restera très limitée, estime-t-il, tout en soulignant la valeur «symbolique» de Juan Guaido.
D’autant que le Parlement unicaméral, où l’opposition a la majorité, n’a plus aucun pouvoir. Depuis trois ans, la Cour suprême annule toutes ses décisions et le travail législatif est effectué par une Assemblée constituante uniquement composée de chavistes.
Et des élections législatives doivent avoir lieu cette année pour renouveler l’Assemblée nationale dont la législature de cinq ans arrive à son terme. Un nouveau casse-tête pour l’opposition, très divisée sur le sujet.
Juan Guaido dit, lui, ne pas vouloir aller à des élections législatives organisées par le pouvoir et il exige une présidentielle «libre et transparente» sans la participation de Nicolas Maduro. D’autres élus sont prêts à y participer.
Il existe donc un nouveau «risque de fractures» dans les rangs de l’opposition dont le PSUV, le parti de Nicolas Maduro, pourrait tirer profit, souligne Luis Vicente Leon.
Le chef de l’État s’est d’ailleurs dit «certain» la semaine dernière le PSUV allait «reconquérir» l’Assemblée nationale qui lui échappe depuis 2015.