Continuité contre «révolution»: c’est un duel de longue haleine entre Bernie Sanders et Joe Biden qui a commencé mercredi pour les démocrates américains.
Ils sont septuagénaires, veulent battre Donald Trump et sont des vétérans de la politique avec plusieurs décennies au Congrès au compteur. Là s’arrêtent les ressemblances entre Joe Biden, chef de file des démocrates modérés, et Bernie Sanders, qui prône une «révolution» politique.
Au lendemain du «Super Mardi», avec le retour fracassant de l’ancien vice-président de Barack Obama dans la course à l’investiture démocrate, c’est bien un duel entre ces deux hommes aux positionnements très éloignés qui se dessine.
Sourire éclatant, chevelure soigneusement peignée, Joe Biden est un homme politique à l’ancienne, démonstratif et volontiers tactile. Accolades, poignées de main appuyées, voire baiser sur la tête d’une ancienne élue, ses marques d’affection lui ont valu d’être au centre d’une polémique qu’il a désamorcée en arguant de sa bonne foi et des «normes sociales» changeantes.
L’ancien sénateur du Delaware de 77 ans a un capital sympathie certain, dû en grande partie au fait qu’il n’hésite pas à montrer émotions et empathie. Même ses gaffes, nombreuses, contribuent à l’humaniser.
Sa vie privée a été marquée par la tragédie. Et les deuils qu’il a connus — la mort de sa femme et de leur petite fille dans un accident de voiture en 1972, le décès de son fils Beau d’un cancer en 2015 — sont bien connus des Américains.
L’ex-bras droit de Barack Obama a repris sur Twitter son argument favori: «Nous devons bouter Trump hors de la Maison-Blanche». «Cette nation pourra surmonter quatre années de Donald Trump. Mais si cet homme est réélu, nous ne reconnaîtrons plus ce pays dans quelques années», a-t-il prévenu, revigoré après avoir remporté dix des 14 États en jeu mardi.
«C’est un sacré come-back pour Joe Bien, un incroyable come-back quand vous y réfléchissez», a concédé le milliardaire républicain.
De fait, Biden, homme politique chevronné, revient de loin.
Longtemps ultra-favori, il avait encaissé de piteux résultats lors des premiers scrutins en février, handicapé par une campagne terne et des dons parcimonieux.
L’ardeur de Sanders
Plus austère, Bernie Sanders, 78 ans, avec ses cheveux blancs rebelles, a un style plus rugueux.
Son ardeur à défendre des idées résolument à gauche a clairement apporté un nouveau souffle aux démocrates et suscite l’enthousiasme chez ses partisans, mais fait grincer des dents chez ses détracteurs qui l’accusent d’être aussi polarisant que Donald Trump.
Avec ses positions centristes, Joe Biden se place dans la continuité. Pour de nombreux Américains nostalgiques de l’époque plus apaisée de l’avant-Trump, «Oncle Joe» est rassurant et incarne une certaine normalité.
«Les gens ne veulent pas d’une révolution, ils veulent des résultats», martèle-t-il en référence aux mesures radicales proposées par Bernie Sanders.
Qui rétorque qu’«on ne peut pas battre Trump avec toujours les mêmes vieilles recettes».
Bernie Sanders est un socialiste autoproclamé et dit vouloir révolutionner l’Amérique.
Des bases différentes
Les différences entre les deux hommes sont aussi évidentes dans leur base.
Le retour de Joe Biden lors du «Super Mardi» est ainsi en grande partie dû à sa popularité chez l’électorat noir.
Il a aussi été davantage choisi par les femmes, les personnes plus âgées et les personnes diplômées.
Quant à Bernie Sanders, il a pu compter, notamment en Californie, sur les Hispaniques, et a aussi attiré les jeunes et les électeurs indépendants.
Mais le vote latino, comme les autres, est loin d’être homogène, et des déclarations de M. Sanders vantant certains aspects de la révolution cubaine ainsi que d’anciens voyages dans des pays communistes, revenus hanter sa campagne, pourraient lui nuire notamment en Floride. Cet État clé de l’élection présidentielle américaine accueille une importante communauté de réfugiés cubains.
«Bernie» croit fermement à une entière refonte d’un système de santé américain «cruel» et plaide pour une assurance maladie universelle et gratuite.
Il promet aussi d’effacer la totalité de la dette étudiante, ce qui a été applaudi par ses soutiens mais a suscité des interrogations sur le financement de cette mesure.
Joe Biden, lui, veut se présenter comme un politicien plus souple et se targue de pouvoir travailler avec les républicains. Ce qui lui a été reproché par ceux qui jugent qu’il a été trop complaisant avec eux.
Sur la dette étudiante, il va moins loin que son rival, proposant de renforcer les voies permettant aux étudiants d’alléger, ou d’annuler, leurs dettes. Il défend farouchement la réforme de la santé passée sous le mandat de Barack Obama.
M. Sanders est allé à l’offensive mercredi, en affirmant que «Joe allait devoir s’expliquer» sur son programme et son passif, évoquant notamment son vote de sénateur en faveur de la guerre en Irak. «Bernie», également élu au Congrès à l’époque, avait voté contre.
Désistements
Malgré les montants record investis — plus d’un demi-milliard de dollars tirés de sa fortune personnelle –, M. Bloomberg a tiré les conclusions de ses résultats décevants à l’issue de la journée déterminante de la veille.
«Il y a trois mois, j’ai présenté ma candidature à la présidentielle pour battre Donald Trump. Aujourd’hui, je me retire de la course pour la même raison: battre Donald Trump», a annoncé l’ex-maire de New York, estimant que Joe Biden était désormais le mieux placé pour y parvenir lors de l’élection suprême du 3 novembre.
Son désistement achève de clarifier le paysage au sein du camp modéré, après les retraits du jeune Pete Buttigieg, révélation de ces primaires démocrates, et de la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar, qui avaient apporté dès lundi leur soutien à l’ancien vice-président Biden.
Plus à gauche, la sénatrice Elizabeth Warren était également en train de «réévaluer» mercredi la suite à donner à sa candidature après avoir enchaîné les revers. «Elle n’a pris aucune décision», a dit Bernie Sanders qui lui a parlé au téléphone, appelant à «respecter le temps et l’espace dont elle a besoin».