Monde

«Rendez-nous nos filles!»

Michelle Obama, Angelina Jolie, Hillary Clinton, Chris Brown… Il aura fallu quelques célébrités pour déclencher dans le cyberespace la mobilisation mondiale en faveur des 276 lycéennes nigérianes kidnappées par le groupe islamiste Boko Haram.

Quatre mots (Bring Back Our Girls) dominent ces jours-ci les réseaux sociaux. Sans cette communication virale, les médias classiques auraient tourné leurs yeux vers un autre conflit, une autre catastrophe. Il y en a tant dans le monde, et quand ils ont pour cadre un pays pauvre, ils retiennent l’attention le temps d’un battement de cils.

Si les écolières, âgées de 12 à 15 ans, avaient été enlevées dans un pays riche, la mobilisation des réseaux sociaux aurait été immédiate. Fulgurante. Les médias classiques auraient vite oublié la saga du vol MH370 de la Malaysia Airlines, disparu le 8 mars avec 239 passagers et membres d’équipage à bord. Plus rien n’aurait existé.

Bien que tardif, le sursaut des réseaux sociaux avec la campagne Rendez-nous nos filles aura permis de conscientiser l’opinion publique au sort réservé aux filles et aux femmes souvent considérées, lors des conflits, comme des «trophées» et des «butins de guerre».

En les enlevant le 14 avril, Boko Haram (l’éducation occidentale est un péché, en langue haoussa) s’est engagé à les «vendre sur le marché, au nom d’Allah». Pour une poignée de dollars, elles trouveront époux. Il y aurait dans le monde 60 millions de filles ayant été forcées à se marier avant leur 18e anniversaire. L’organisation extrémiste sait fort bien ceci: l’éducation des filles est l’arme la plus efficace contre son fanatisme religieux, sauf bien sûr quand elles se retrouvent dans les écoles coraniques. Une vingtaine de millions de jeunes Nigérians sont instruits dans ces écoles qui sont gratuites, contrairement aux établissements publics.

Un peu plus de 60% des Nigérianes savent écrire et lire. C’est beaucoup trop pour Boko Haram, qui veut éradiquer toute laïcité dans le nord du Nigeria, majoritairement musulman.

Moins de 10% du budget du Nigeria est consacré à l’éducation. C’est encore trop pour le groupe islamiste, qui depuis une dizaine d’années terrorise le pays le plus peuplé d’Afrique et ses 177 millions d’habitants.

Les talibans d’Afghanistan et du Pakistan aussi se livrent à la chasse aux écolières. Malala Yousafzai, montée au front pour les «sœurs» nigérianes séquestrées, en sait quelque chose. À 14 ans, elle a survécu de justesse à une tentative d’assassinat des talibans en octobre 2012. Elle voulait à tout prix s’instruire.

On le voit, dans bon nombre de pays l’alphabétisation des filles est un sacrilège. Ce «péché» fait très peu de bruit médiatique, même dans les réseaux sociaux. Il faut du spectaculaire, du sang, des larmes. Sans souffrance, pas de «storytelling». Il est si facile de raconter une histoire quand elle fait naître des images dans les têtes.

Articles récents du même sujet

Exit mobile version