CHRONIQUE – Gloria Jean Watkins, dite bell hooks, n’est plus. L’écrivaine prolifique, universitaire et militante afro-américaine, figure de proue du féminisme noir, est décédée le 15 décembre dernier. Elle avait 69 ans et s’est battue contre une longue maladie.
Rapidement, les hommages, dont celui-ci qui est absolument magnifique, ont afflué pour celle dont le nom de plume est intentionnellement écrit en minuscules. C’est que hooks souhaitait qu’on se concentre davantage sur ses idées et son propos que sur sa personne.
Certains hommages critiqués
Parmi les messages que l’on pouvait lire sur les réseaux sociaux, on trouvait plusieurs critiques à l’égard de la sincérité de certains hommages. C’est que plusieurs personnes ont attaqué hooks – notamment en raison de la grande accessibilité de ses écrits à des non-universitaires – dans ce qui aura été les dernières années de sa vie.
Au lieu d’exprimer des regrets face à leurs comportements, ces individus ont joint le concert de sollicitude pour cette intellectuelle dont l’influence a transcendé les frontières des États-Unis. Pour plusieurs, cela relève d’une certaine hypocrisie.
Protéger les Noir.es vivant.es
Cette tendance collective que nous avons à pleurer et à marcher pour des morts, même si nous les avons outragés de leur vivant, me laisse souvent perplexe. Je me le demande régulièrement: «Qui protège les personnes noires, en particulier les femmes noires, vivantes?»
Il faut, certes, répondre présent pour dénoncer les injustices et les bavures. Mais il faut aussi apprendre à répondre présent à la vie. Dans les milieux militant pour la justice sociale, nombreux sont les gens ayant les «bons» mots ou le «bon» discours, notamment sur le web, tout en faisant preuve de violence en ligne et hors ligne, peu importe sa forme, à l’égard de leurs semblables. Une incohérence certaine souvent passée sous silence.
Alors que le temps des Fêtes approche, souvenons-nous que ce n’est pas une période réjouissante pour tous.tes. Avec la COVID-19 qui repart de plus belle et le variant Omicron qui plombe les célébrations, rappelons-nous qu’il y aura plusieurs chaises vides autour de la table des réjouissances, et ce, pas uniquement en raison d’un nombre limité de convives. D’ailleurs, la COVID-19 a frappé les personnes issues des communautés racisées de manière disproportionnée.
Célébrer la vie, l’amour et les vivant.es
Apprenons à célébrer la vie lorsqu’elle est là, lorsqu’elle est. Apprenons surtout à prendre soin de celles et ceux qui nous offrent attention et amour sur un plateau d’argent. Car nous ne savons jamais de quoi demain sera fait. Nous ne pouvons rien tenir pour acquis en ce bas monde. Il ne faut qu’une fraction de seconde pour que tout bascule.
S’il y a une personne que vous appréciez, dites-le-lui. Quelqu’un à qui vous n’avez pas parlé depuis longtemps? Faites-le. Une personne que vous aimeriez apprendre à connaître davantage? Écrivez-lui. Un individu qui vous exprime sa colère face à une injustice subie? Prenez votre part de responsabilité et excusez-vous sincèrement.
L’amour est un thème qui était omniprésent dans les écrits de hooks. Je crois qu’il faut écouter sa sagesse et insister sur notre interconnexion, les uns avec les autres, particulièrement en ces temps difficiles.
Ainsi, apprenons à rendre hommage aux vivant.es de leur vivant. À ne pas attendre un scandale, un drame ou leur mort pour le faire. À exprimer notre appréciation pour ce que nous sommes simplement parce que nous sommes. À célébrer l’aventure qu’est la vie dans ce qu’elle a de plus beau, de plus fort et de si fragile tout à la fois.