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Le saCHrement du pardon

Montreal Canadiens goalie Carey Price (31) reacts after letting in a goal during second period NHL hockey action against the Florida Panthers Tuesday, October 24, 2017 in Montreal. THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz

Pendant quelques saisons, on trouvait dans le vestiaire de Canadien l’inscription «No Excuses / Pas d’excuses». Le slogan a été retiré il y a quelques mois, ne fittant pas ben ben avec les commentaires d’après-match des joueurs.

Certains partisans ont souhaité qu’on remplace l’inscription par «Forgive Us / Pardonnez-nous». Vous me connaissez : je me suis demandé si cela aurait du bon sens. Pour ce faire, j’ai consulté de vieilles lectures collégiales de philosophie, dont les ouvrage de Vladimir Jankélévitch et de Jacques Derrida.

Selon Jankélévitch, il y a quelques conditions essentielles pour que le pardon soit un vrai pardon. D’abord, il faut qu’il y ait une demande de pardon. Ça semble tata comme argument, mais au contraire, c’est la base. Et Canadien, en vissant un panneau sur lequel il serait inscrit «Forgive Us / Pardonnez-nous», remplirait aisément la première condition du vrai pardon.

Ensuite, toujours selon Jankélévitch, il faut que l’offensé, c’est-à-dire le fan de Canadien, puisse pardonner directement à l’offenseur. Ça veut dire que je peux bien vouloir pardonner à John Kordic d’avoir perdu une bataille contre Jay Miller dans les années 1980, ça ne demeurera malheureusement qu’une belle idée, car Kordic est mort et il est impossible que je puisse lui pardonner directement.

En revanche, je pourrais, s’il m’en faisait la demande, pardonner à Price d’être arrogant en point de presse. Il suffirait de me faire accréditer pour un match et d’aller le rencontrer dans le vestiaire, disons.

Vladimir Jankélévitch dit également que le pardon n’est possible que dans un rapport de personne à personne. Canadien, en tant que collectivité, ne pourrait donc pas demander pardon à ses fans dans leur ensemble. Toutefois, des joueurs pourraient, individuellement, demander pardon à des fans, individuellement.

C’est logique, car ce ne sont pas tous les joueurs qui considèrent jouer comme des pieds et qui souhaitent demander pardon; et ce ne sont pas tous les fans qui trouvent que Canadien n’est pas bon cette année et qui considèrent que ça vaut la peine d’être pardonné pour ça. Bref, ce serait faisable, mais cette troisième condition serait tout de même difficile à remplir par Canadien afin de réaliser une demande de vrai pardon.

Cela dit, en tant que journaliste, c’est toujours bon de croiser ses sources. Ma deuxième source, pour l’occasion, sera la pensée du philosophe Jacques Derrida. À ses yeux, la condition essentielle du vrai pardon est qu’il soit impossible. Autrement dit, si le fan de Canadien pardonne ce qu’il se sait capable de pardonner, il ne pardonne pas, il excuse simplement les mauvaises performances de son club. Et, à ce que je sache, Canadien n’a pas commis de crime impossible à pardonner, genre un crime contre l’humanité.

Conclusion : il ne faut pas ajouter dans le vestiaire de Canadien un panneau avec l’inscription «Forgive Us / Pardonnez-nous», il faut plutôt en visser un avec des vis à ciment sur lequel il serait écrit «Our apologies / Toutes nos excuses».

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