«Chassez le naturel, il revient au galop.»
En attendant les explications officielles du club, qui seront données ce matin, le célèbre alexandrin du poète latin Horace semble on ne peut plus indiqué pour tenter de rationaliser la situation, moins de 24 h après le congédiement de Rémi Garde – le cinquième entraîneur mis à pied par l’Impact de Montréal depuis son entrée en MLS, en 2012.
Depuis le renvoi de Mauro Biello, à la fin de la saison 2017, la haute direction – que ce soit sous la présidence de Joey Saputo ou celle de son successeur Kevin Gilmore –, mousse l’idée de «projet sportif» et de «vision à long terme». Le nouveau président avait même promis de changer la culture de cette organisation, afin de la rendre plus professionnelle à tous les niveaux et l’éloigner de ses travers institutionnels historiques.
Les mauvais résultats des derniers mois ainsi que l’impasse contractuelle avec Garde auront pourtant suffi à générer la tempête parfaite pour que ce club, qui semblait pourtant authentiquement décidé en début de saison à rompre avec son caractère intempestif et son inquiétant penchant pour l’improvisation, donne un autre coup de volant inattendu, alors que le chemin était certes rocailleux, mais qu’on était encore bien loin du précipice.
Si Garde n’était pas sans reproches – son côté intransigeant, propre aux standards d’une institution comme l’OL, son alma mater footballistique, l’a notamment mal servi dans le contexte plus relâché de la MLS – le timing et la manière laissent tout de même une impression de panique et oui… d’improvisation de la part de l’Impact.
Résultat : le Bleu-blanc-noir s’est tourné vers Wilmer Cabrera, congédié huit jours plus tôt (!) par le Dynamo de Houston, pour ramener tout ce beau monde dans le chemin des séries et tenter de remporter la finale de Championnat canadien devant le Toronto FC à la fin septembre. S’il est clair qu’un changement d’entraîneur peut fouetter une troupe qui se cherche, on est loin de la vision à long terme ici.
Est-ce donc impossible que Cabrera réussisse à redresser la barre ? Pas du tout ! C’est même très plausible, surtout considérant l’acquisition récente de Bojan et le boost que cette qualification en finale de Championnat canadien est venue donner à un vestiaire éprouvé.
Garde laisse néanmoins l’Impact au-dessus de la ligne rouge des séries, et en finale de la Coupe des Voyageurs, malgré l’absence de Piatti et une multitude d’accrocs, sportifs et extrasportifs, auquel son équipe a été confrontée. Il laisse également une drôle de sensation d’inabouti, qui pourrait revenir hanter ce club si le pari extrêmement risqué qu’il vient de prendre venait à échouer.
Oui, le sport professionnel est un business de résultats, mais le respect et la confiance qu’une grande partie du noyau dur de supporters montréalais avait envers Garde et son staff – bien qu’ils se soient quelque peu étiolés au cours des derniers mois – était tout aussi important pour un club qui n’a jamais su démontrer la moindre stabilité organisationnelle ni maintenir le moindre projet sportif.
Seul le temps nous dira si cet autre changement de cap, à première vue impulsif, saura mener cette équipe à bon port, mais si le passé est garant de l’avenir, on est en droit d’avoir de sérieuses réserves.