Souvent, mes amis rient de moi quand je leur dis qu’une fois seul, alors que ma famille dort, je reste devant la télévision, fermée, à imaginer que Canadien a gagné son match alors qu’il l’a bêtement perdu. Renaud Lavoie était pourtant excité à la
télé; on aurait cru que ça y’était et que Canadien allait gagner la Coupe ce soir…
N’empêche, ces moments de solitude me donnent l’impression d’avoir accès à l’absolu. Dit autrement, une fois la télé fermée, mon imaginaire la remplit de ce qu’il veut bien. Pis, c’est pas mal plus intéressant qu’une pub de Ford F-150.
En fait, je dis moment de solitude, mais nous arrive-t-il vraiment d’être seul? Je veux dire au sens de véritablement seul, en soi et pour soi? Après tout, n’est-ce pas le chanteur français Gilbert Bécaud qui chantait que «la solitude, ça n’existe pas»? Si, j’ai googlé et c’est bien lui. Et que celui qui souhaite s’obstiner en me disant que c’est plutôt François Silly – car Gilbert Bécaud était son nom d’artiste – ne s’essaie même pas.
Ma question, donc: la solitude, ça existe-tu vraiment? En fait, on pourrait faire l’hypothèse que non. Prenons un exemple: le joueur de hockey, seul au banc de punitance, demeure en tout temps accompagné par l’altérité avec un grand A. Comme le A qu’il porte peut-être sur son chandail? Genre. En fait, cette altérité, c’est celle-là même que la psychanalyse appelle les objets internes qu’on porte en nous: notre passé, nos histoires familiales, bref, un paquet de trucs avec lesquels le joueur sur le banc de punitance peut engager un dialogue en tout temps. Donc, non, je dirais qu’on n’est jamais seul.
Semblables à des mystiques
Et justement. Je suis certain que je ne suis pas le seul non plus à faire un usage discutable de ma solitude dans sa maison une fois arrivée la fin d’un match de Canadien. Nous, les fans de Canadien, sommes comme des mystiques. Notre solitude est celle de l’âme qui cherche la transcendance, celle qui nous mènerait à la Coupe malgré notre club de bouette.
Telle une communauté religieuse, nous sommes des solitaires réunis par l’espérance de la victoire qui, malheureusement, ne demeurera toujours que le fruit d’un travail d’équipe; ainsi, je sais, faudra-t-il se rendre à l’évidence que nous, on n’en a pas vraiment. D’équipe.
Et puis c’est alors que vient le moment de monter me coucher, et de fuir la solitude en écoutant Ron Fournier. J’allume le poste de radio, le voilà qui me rassure en disant que toute est possible, que Canadien peut gagner la Coupe. Il ne va pas bien, Ron, quand on y pense.
N’empêche. Je suis le seul maître de mes rêves. En m’endormant avec de telles paroles, je sens qu’ils seront beaux cette nuit. Canadien en 4. Canadien en 4. Canadie… Zzzzzzz.