Êtes-vous tannés de tout le monde ayant une opinion sur tout et son contraire? Êtes-vous tannés de cette montée au bûcher du quidam (allô Manal Drissi) pour tout et pour rien? Êtes-vous tannés de cette polarité sociale qui oblige pratiquement chaque humain à prendre un bord ou l’autre, sans compromis, sans zone grise? En avez-vous ras-le-bol de ce cynisme omniprésent? Moi si, extrêmement tannée de voir ce type de publications défiler dans mon fil d’actualité (allô Pierre Duchesneau).
Levée rapide des boucliers pour décrier la bourde de telle animatrice, dénigrer telle star trop mince ou cette chanteuse mal habillée, déblatérer sur cette fraternité méconnue qui «représente le Québec profond» (citation d’un quidam).
Frustrations sur le trafic à Montréal, la STM qui coûte trop cher et le métro toujours arrêté. Prendre bien soin de documenter sa consternation sur les réseaux sociaux.
Débats houleux au sujet des propos misogynes et racistes d’un politicien à la wave beaucoup trop dans le vent et d’une politicienne qui a le courriel malmené. Nos gouvernements, nos élus et les décisions qu’ils prennent semblent insuffisants pour le sac à critiques, on en rajoute. S’intéresser à la politique de nos voisins du Sud, non, ce n’est pas assez: il faut avoir une opinion qui s’exprime à coup de post et de repost.
Grand mouvement de dénonciation de la culture du viol. Quand l’un dit que la victime est si belle et le crime est si gai, l’autre manifeste que quand c’est non, c’est non, surtout quand c’est pas oui.
Les réseaux sociaux, c’est rendu lourd ici dedans…
Je suis en beau maudit devant le tribunal populaire. Certains diront que les Québécois se réveillent enfin, qu’ils s’expriment sur la place publique, qu’ils dénoncent, avouent. Que le Québec se lève! Mais le Québec se recouche assez rapidement et passe à un autre appel. Si toute cette mobilisation autour des sujets importants et pertinents donnait quelque chose, je ne dis pas. Mais est-ce que les choses changent? Pas tant. Je dirais même non. Le chialeux de service s’est trouvé une tribune plus grosse que les lignes ouvertes de fin de journée ou le souper du dimanche soir, il s’est trouvé une tribune à heures de grande écoute: les médias sociaux. Et c’est pas toujours plus reluisant.
Vous n’êtes pas tannés du gérant d’estrade ou du pittbull enragé? Pourrait-on plutôt élever la discussion un tant soit peu à un niveau plus intelligent? Considérer tous les aspects d’une situation avant de sortir les armes citoyens, et formez les bataillons? Depuis quand Internet et les réseaux sociaux sont-ils devenus un lieu où il est autorisé de manquer de respect, de discriminer et d’intimider? A-t-on oublié les bonnes manières? Personne ne m’a mise au courant que nous sommes rendus avec un nouveau tribunal de justice qui condamne à tout vent?
Je suis tannée du chialage. Depuis quand un individu devient-il maître du monde derrière son écran? Parce que la «liberté d’expression»? Yeah right.
Si la liberté d’expression se limite aux idées qui nous conviennent, ce n’est pas la liberté d’expression. – Noam Chomski
Stéphanie Neveu et Laurent Turcot, auteurs de Vivre et survivre à Montréal au 21e siècle indiquent dans leur récent bouquin sur les codes sociaux: «Au Québec, on ne se fâche pas, jamais, jamais, jamais. EST-CE QUE C’EST CLAIR? Sinon, intérieurement et en silence. […] Cependant, les nouvelles technologies, et avec eux les réseaux sociaux, révèlent depuis peu une nouvelle facette du caractère de certains individu, notamment ceux qui aiment déverser leur colère et leur fiel en prenant soin, bien sûr, de le faire anonymement (colère et courage sont rarement réunis).»
Tournez vos pouces 7 fois avant d’écrire, ça vous donnera le temps de prendre une bonne respiration et de repenser à votre affaire. Et si vous êtes encore insurgé, demandez-vous: et si cette colère se transformait en courage de justement changer les choses?
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Il y avait un moment que je n’avais pas publié. Vous comprenez maintenant pourquoi. J’étais tannée. Pas d’écrire, non. Tannée d’entendre chialer.