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Vieillir en marchant

OLYMPUS DIGITAL CAMERA Photo: Andréanne Chevalier/TC Média

La population du Québec vieillit. Quand les gens verront leurs capacités à la conduite automobile s’amenuiser, comment pourront-ils profiter de leurs quartiers et vaquer à leurs occupations? La professeure Paula Negron s’est intéressée à la marchabilité des quartiers pour les personnes âgées.

«Vous voyez? Le trottoir s’arrête ici et c’est fini. Et pourtant, c’est une rue super achalandée. Tous ceux qui veulent aller au centre commercial se trouvent à passer ici, parce que l’autobus est là-bas», fait remarquer Mme Negron. Nous sommes au coin de la rue Joliette et de la rue Saint-Charles ouest, à Longueuil, à quelques pas du centre commercial Place Longueuil. Ce secteur fait partie des endroits étudiés, dans le cadre de l’audit MAPPA (Marchabilité pour les personnes âgées), par Paula Negron, professeure à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal et directrice de l’Observatoire de la mobilité durable.

MAPPA évalue, selon quelques 46 critères, la marchabilité de secteurs de la région métropolitaine de Montréal, du point de vue des personnes âgées. La rue Joliette, près de Saint-Charles, est très passante, mais elle obtient le pire classement de l’audit, c’est-à-dire, «pas du tout marchable». Au total, cinq types de marchabilité ont été déterminés, de «pas du tout marchable» à «totalement marchable». À l’heure actuelle, MAPPA présente en ligne les résultats de ses analyses pour le Vieux-Longueuil, Laval-des-Rapides et Duvernay (Laval), ainsi que pour les arrondissements montréalais de Rosemont, de Lachine et le quartier de Bois-Franc (dans Saint-Laurent).

«C’est un faux débat, celui de la ville contre la banlieue. Les vieux quartiers n’ont pas été aménagés pour les piétons. Ils ont été aménagés pour la mobilité qu’on avait à ce moment-là. C’est facile d’aménager des quartiers pour les piétons quand il n’y avait que des piétons!» -Paula Negron, professeure à l’École d’urbanisme et d’architecture de paysage de l’Université de Montréal et directrice de l’Observatoire de la mobilité durable

En 2061, les personnes âgées devaient représenter 28,5% de la population du Québec (en 2011, cette proportion était à 15,7%), selon l’Institut de la statistique du Québec. D’après Mme Negron, le vieillissement de la population est particulièrement visible dans les secteurs de première couronne, comme ceux étudiés. «C’est des secteurs qui se sont développés surtout dans les années 1960. Les bébé-boumeurs y ont déménagé pour avoir une famille. Maintenant, les enfants sont partis, mais les gens aiment leur coin. Ils y sont attachés. Tant qu’ils conduisent, ça va, mais qu’est-ce qui va arriver quand les gens ne pourront pas conduire?»

La recherche ne vise pas à déterminer si tout peut se faire à pied dans ces secteurs, mais cherche plutôt à voir si les déplacements à pied et en transport en commun des personnes âgées les aideront à participer à la vie urbaine et contribueront à leur qualité de vie. «Sinon, c’est quoi l’option? Une fois qu’ils ne conduisent plus, les gens restent chez eux et ne sortent pas? On ne peut pas leur dire: “vous arrêtez de conduire, mais vous n’aurez plus accès à l’épicerie, au médecin, au parc…”», rappelle Mme Negron.

Quest-ce qui fait marcher les personnes âgées?

Croisée au parc Saint-Charles, Francine, 78 ans, trouve que le secteur du Vieux-Longueuil est très bien, du point de vue de la marchabilité. «On a des endroits où se reposer, on ne se fait pas trop achaler». Sa soeur Micheline, 75 ans, souligne toutefois que certaines zones de traverse pourraient être améliorées.

La typologie utilisée pour MAPPA tient compte de facteurs comme la présence de trottoirs; le fait que le trottoir soit continu ou interrompu; la présence de marges avant (l’espace entre un bâtiment et le trottoir), aménagées ou non; s’il y a une zone tampon entre le trottoir et la rue (le stationnement sur rue ou une piste cyclable peut créer une zone tampon); s’il y a des lampadaires, etc. Parmi les éléments importants pour favoriser la marche, Mme Negron note que l’environnement doit être ou sembler sécuritaire («on parle souvent d’activité commerciale, de maisons qui ne sont ni trop proches ni trop loin de la rue», par exemple) et que l’ambiance joue un rôle. «Si vous voulez que les gens marchent pour le plaisir, il faut qu’il y ait quelque chose à voir.»

Certains éléments, importants pour les personnes âgées, sont moins apparents pour les personnes qui n’ont pas de problèmes de mobilité. C’est le cas, par exemple, des entrées de cour ou de garage, où le trottoir s’incline pour faciliter le passage des voitures. «Pour les personnes âgées, c’est très problématique. Vous perdez pied. Les gens peuvent tomber, surtout en hiver».

«Quand on vieillit, on devient plus sensible à l’environnement, et de plus en plus craintif. Une personne âgée, à un passage piétonnier, va passer seulement quand la voiture s’arrête.»

Des suggestions du public pour MAPPA

La plateforme MAPPA est actuellement en ligne, en version beta.

  • Les intéressés peuvent soumettre des propositions de nouveaux secteurs de la région métropolitaine de Montréal qu’il serait intéressant d’étudier. Ces suggestions permettront de dresser un portrait plus détaillé de la marchabilité pour les personnes âgées sur le territoire du Grand Montréal.
  • Les données de MAPPA peuvent être utiles pour monsieur et madame Tout-le-monde ou pour des tables de concertation, par exemple, précise Mme Negron.

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