Soutenez

Jean-François Lisée: «Les jours du gouvernement Couillard sont comptés»

Photo: Chantal Levesque

Le nom du nouveau chef du Parti québécois (PQ) sera connu le 7 octobre. À l’occasion de cette course à la direction du parti, Métro a rencontré chacun des quatre candidats. Troisième de notre série d’entrevues publiées jusqu’à demain, dont l’ordre de parution a été tiré au sort: Jean-François Lisée.

Pourquoi avoir choisi de nous rencontrer à La Caféshop?
J’ai été abasourdi, quand j’ai été élu député de Rosemont, de constater qu’il y avait des listes d’attente pour intégrer des entreprises d’insertion sociale comme La Caféshop. Moi qui pensais qu’il fallait aller chercher les décrocheurs au coin de la rue pour les réintégrer au marché du travail, je me trompais: ils doivent attendre pour entrer dans une entreprise d’insertion. Depuis ce temps, c’est une de mes priorités de faire en sorte qu’il n’y ait aucune liste d’attente pour des gens qui veulent se réinsérer dans la société.

Vous avez porté le Québec jusqu’au seuil de son indépendance en 1995, mais vous avez échoué à gagner le référendum. Pourquoi les membres du PQ devraient-ils croire que vous serez en mesure de faire mieux, une fois premier ministre?
Parce que j’ai appris. Je connais le degré de difficulté, et j’ai vu comment on a construit la plus grande coalition de l’histoire du Québec. Être aguerri, avoir fait une campagne de l’intérieur, avoir vu les erreurs qu’on a faites pour ne pas les répéter, c’est un atout important.

Pourquoi, alors, votre parti s’est-il rallié à Alexandre Cloutier plutôt qu’à vous?
Il faudrait lui demander. C’est vrai que même si j’ai été le conseiller de MM. Parizeau et Bouchard, en plus d’être ministre de Mme Marois, je suis un esprit libre qui a toujours voulu faire les choses différemment. J’ai beaucoup côtoyé l’appareil politique, mais je ne suis pas un homme d’appareil. Je suis un rebelle à plusieurs égards, et je pense que les Québécois valorisent ce côté rebelle.

Comment êtes-vous devenu souverainiste?
J’avais 14 ans et les gens qui aspiraient à plus d’égalité, de liberté et de modernité étaient souverainistes. Je voulais en être : c’est un choix que je n’ai jamais regretté.

Le PQ vous a ostracisé par le passé, notamment lorsque vous avez affirmé que Pierre Karl Péladeau était «une bombe à retardement». Votre famille politique vous a-t-elle déçu?
La politique, c’est souvent en dents de scie. J’ai toujours pensé qu’on pouvait payer un prix à court terme pour dire la vérité mais que c’était toujours payant à moyen et à long terme. Je pense que c’est ce qui est arrivé.

Vous promettez de conclure des ententes de reconnaissance de diplômes avec les pays francophones du Maghreb. Comment allez-vous gérer la levée de boucliers que ces mesures risquent de provoquer au sein des ordres professionnels?
Certains ordres professionnels étaient d’accord avec la mise en place de projets-pilotes lorsque j’étais ministre des Affaires internationales: la glace est donc brisée. Avec des pays d’Afrique du Nord, il y a des degrés de difficulté différents, mais ça va être plus facile que lorsqu’on est partis de zéro. J’entrevois des difficultés avec certains ordres, comme les médecins et les vétérinaires, mais je ne vois pas d’obstacles insurmontables.

Pourquoi est-ce important pour vous que ces gens soient reconnus à la hauteur de leurs compétences?
Parce que ce sont des Québécois et il faut s’occuper de notre monde. Les libéraux, quand ils ont décidé de hausser le seuil d’accueil de 30 000 à 50 000 par année sans offrir les outils de la réussite, ç’a été la grande séduction suivie de la grande déception. Moi, je veux offrir le chemin de la réussite à chaque nouvel immigrant, peu importe d’où il vient. Et cette réussite-là passe par une connaissance du français avant leur arrivée.

Pendant ces 15 années de régime libéral, on n’a pas été à la hauteur du bon monde qu’on est. Et il y a des gens qui nous en veulent – avec raison d’ailleurs – parce qu’on leur a fait miroiter un succès qui n’était pas au rendez-vous. J’ai pris position sur l’identité, mais si je suis premier ministre, je vais d’abord commencer à travailler au succès des néo-Québécois avant de travailler au vivre-ensemble.

Vous avez pourtant ouvert un débat sur l’interdiction de la burka au cours de votre campagne. Vous affirmez donc que c’est après l’intégration socioéconomique des nouveaux immigrants que vous comptez en rediscuter?  
Exactement. Ce qui est urgent, c’est de mieux accueillir.

«Que ce soit sur la laïcité, la langue ou l’immigration, la manière est aussi importante que le fond, parce que ces questions touchent au quotidien des gens.» –Jean-François Lisée

Après la défaite du PQ en 2014, plusieurs ont annoncé la fin du clivage fédéraliste-souverainiste au profit d’une division entre la gauche et la droite. Quelle est votre lecture de cette question?
Il y a toujours les deux. Le PQ incarne à la fois la volonté d’indépendance et le progrès social. Nous traversons une période d’austérité absurde et contre-productive où le PLQ, fédéraliste de droite, se fait dire par la CAQ, fédéraliste de droite: «Tu ne coupes pas assez, tu ne vas pas assez loin.»

Ce clivage entre fédéralistes de droite et indépendantistes du progrès social va exister en 2018. L’honnêteté et la compétence seront des enjeux. Après ces années de terrible déficit de compassion des libéraux, il y aura une soif de solidarité en 2018, et je pense que les jours du gouvernement Couillard sont comptés.

L’électrification des transports est-elle une mesure prioritaire, à votre avis?
Absolument. Si on avait appliqué notre plan pour électrifier les transports, on aurait pu être dans le peloton de tête dans ce domaine. Les libéraux l’ont édulcoré de façon irresponsable, et maintenant, on a pris du retard. Des avancées ont été réalisées, mais c’est timide par rapport à nos capacités et à nos ambitions.

L’État-providence hérité de la Révolution tranquille est de plus en plus contesté. Comment comptez-vous reconnecter la population au modèle qui prédomine depuis 50 ans?
Ce n’est pas que les gens sont contre, c’est qu’ils n’en ont pas pour leur argent. Les gens sont prêts à payer plus s’ils ont un bon système d’éducation, s’ils ont un bon système de santé, s’ils ont de bonnes garderies. On ne peut pas leur dire qu’on va augmenter leurs taxes et leurs impôts tout en réduisant leurs services: c’est là la meilleure façon de détruire l’État-providence.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.