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Un comité recommande un système proportionnel

Joan Bryden, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Un comité composé de représentants de tous les partis aux Communes recommande au gouvernement Trudeau de proposer un nouveau mode de scrutin proportionnel et de le soumettre ensuite aux Canadiens par référendum. Mais les libéraux membres du comité demandent au premier ministre de renoncer à sa promesse et de reporter la réforme.

Justin Trudeau avait promis en campagne électorale que le scrutin de 2015 serait le dernier scrutin uninominal majoritaire à un tour au Canada. Le Parti libéral est par ailleurs opposé à la tenue d’un référendum national sur une réforme du mode de scrutin.

Le député néo-démocrate Nathan Cullen, l’un des deux vice-présidents du comité spécial sur la réforme électorale, trouvait «étrange», jeudi, que ce soient les quatre partis de l’opposition qui insistent auprès du premier ministre pour qu’il ne suive pas les recommandations des membres libéraux de ce comité parlementaire.

«Le comité a travaillé d’arrache-pied pour en venir à une recommandation consensuelle», a rappelé de son côté le député néo-démocrate Alexandre Boulerice, aussi membre du comité spécial. «Nous avons fait notre travail; c’est maintenant au tour du gouvernement libéral de faire le sien.»

Pressée en Chambre d’accepter le rapport du comité, la ministre nommée par Justin Trudeau pour élaborer cette réforme du mode de scrutin s’est plutôt moquée de l’absence de recommandation sur un modèle précis de représentation proportionnelle. «Le seul consensus dégagé par le rapport, c’est qu’il n’y a pas de consensus sur cette réforme électorale», a lancé Maryam Monsef, ministre des Institutions démocratiques, lors de la période de questions aux Communes.

Le rapport du comité spécial de 12 députés, où l’opposition était majoritaire, ne se prononce pas sur un modèle précis de représentation proportionnelle. Le comité, qui a entendu près de 200 experts et des milliers de Canadiens, conclut cependant qu’une majorité «de ceux qui voulaient du changement» était favorable à un système de représentation proportionnelle mixte.

La ministre Monsef a accusé les membres du comité d’avoir baissé les bras devant un arbitrage difficile, et de vouloir soumettre à la population une «formule incompréhensible». Selon elle, l’opposition souhaite tenir un référendum où l’on demandera aux Canadiens «s’ils préfèrent la racine carrée de la somme des carrés de la différence entre le pourcentage de sièges de chaque parti et le pourcentage des voix exprimées».

Elle s’est aussi moquée du prétendu consensus dégagé au comité, puisque les néo-démocrates et les verts, dans des ajouts au rapport, se disent contre un référendum.

Les deux partis ont cependant accepté de mettre cette divergence de côté pour arriver à un rapport consensuel.

Les réponses de la ministre Moncef ont fait bondir l’opposition, jeudi après-midi. «Jamais, en 40 ans de vie politique et quelques années de parlementarisme, je n’ai vu une ministre aussi arrogante, déplacée», a soutenu à l’extérieur de la Chambre le leader parlementaire du Bloc québécois, Luc Thériault, qui était aussi membre du comité spécial.

«C’est inacceptable de traiter (ainsi) des gens qui ont travaillé aussi fort, qui ont travaillé aussi dans une démarche non partisane. On avait un mandat de la Chambre. Je n’ai jamais vu un pouvoir exécutif disqualifier comme ça les représentants du peuple. Je pense qu’on s’en va progressivement vers la tablette (…) Quand je regarde l’attitude de la ministre, j’ai l’impression qu’on s’en va vers la tablette.»

La chef intérimaire des conservateurs, Rona Ambrose, a soutenu que la ministre Monsef insulte l’intelligence des Canadiens; la chef du Parti vert, Elizabeth May, l’a accusée de manquer de respect envers tous les membres du comité spécial.

Le comité recommande que le nouveau mode de scrutin ne dépasse pas cinq sur l’«indice de Gallagher», une formule servant à mesurer «la disproportion relative entre les votes reçus et les sièges obtenus». C’est cette équation mathématique qui a été brandie par la ministre Monsef, jeudi, pour se moquer du travail du comité.

Plus l’indice de Gallagher est bas, plus le mode de scrutin est considéré comme représentatif de la volonté populaire. Le mode de scrutin actuel au Canada, dans lequel le parti au pouvoir rafle régulièrement plus de 50 pour cent des sièges aux Communes avec moins de 40 pour cent des suffrages exprimés, obtient un 17 sur l’indice de Gallagher.

En vertu d’un mode de scrutin mixte, les deux tiers des membres de la Chambre des communes seraient élus pour représenter directement des circonscriptions, et le dernier tiers serait constitué de députés régionaux «de compensation», en tenant compte des suffrages exprimés pour chaque parti.

Poids politique des Québécois

Par ailleurs, le rapport ne recommande pas une manière de tenir le référendum ni un nombre de scénarios parmi lesquels les Canadiens seraient appelés à se prononcer. Il indique cependant que le système actuel devrait se retrouver sur le bulletin.

Le comité souhaite aussi que le nouveau mode de scrutin permette d’augmenter le taux de participation aux élections, et de «renforcer la capacité de se faire élire de membres de groupes historiquement défavorisés et sous-représentés — les femmes, les personnes handicapées, les Autochtones, les minorités visibles, les jeunes et les Canadiens plus démunis».

Le rapport du comité recommande également au gouvernement de ne pas aller de l’avant, pour l’instant, avec les projets de vote obligatoire et de vote en ligne.

Le leader parlementaire du Bloc, Luc Thériault, a soutenu que sa participation au comité spécial avait permis «de s’assurer notamment qu’en aucun cas et d’aucune façon, le poids politique des Québécois ne soit diminué».

«Le Québec ne doit pas être réduit à un territoire géographique. C’est une nation et on voulait que ce soit inscrit clairement: on l’a eu», a indiqué M. Thériault. «Nous voulions qu’une réforme du mode de scrutin passe par un référendum. Nous voulions que les Québécois puissent se prononcer: on l’a eu. Nous préconisions la proportionnelle mixte compensatoire comme nouveau mode de scrutin: on l’a pratiquement eue», a-t-il indiqué en matinée, lors du dépôt du rapport.

Reste à voir si le gouvernement libéral ira de l’avant avec les recommandations du comité multipartite. Le premier ministre Trudeau a déjà laissé entendre que les Canadiens sont moins friands d’une telle réforme du mode de scrutin depuis que son parti a chassé les conservateurs du pouvoir.

La ministre Monsef répète de son côté qu’elle n’a pu dégager de consensus réel autour de cette question à la suite de consultations menées d’un bout à l’autre du pays. La ministre des Institutions démocratiques prévient que son gouvernement n’ira pas de l’avant sans un large soutien de la population, mais elle n’est pas très ouverte à l’idée d’un référendum.

Mme Monsef s’apprête à lancer une campagne de cartes postales pour inviter les Canadiens à participer à un sondage en ligne. Dans leur ajout au rapport, les membres libéraux du comité recommandent d’ailleurs de reporter la décision au-delà du scrutin de 2019, afin justement d’entendre davantage les Canadiens sur cette question.

«Elle va envoyer des cartes postales? Des cartes postales, ce n’est pas un référendum et ce n’est pas comme ça qu’on va trancher», a estimé le bloquiste Thériault. «C’est déplorable. La ministre fonctionne de façon parallèle depuis le début.»

Le Directeur général des élections, Marc Mayrand, a déjà prévenu qu’Élections Canada aurait besoin de six mois pour organiser un référendum, et d’au moins deux ans par la suite pour mettre en oeuvre un nouveau mode de scrutin.

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