Soutenez

Hydrocarbures: les libéraux imposent le bâillon

Patrice Bergeron, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — Le gouvernement Couillard met fin abruptement aux débats concernant son projet de loi sur les hydrocarbures: il va forcer son adoption avec un bâillon à la fin de la session parlementaire, vendredi.

Les libéraux estiment que l’étude du controversé projet de loi 106 a assez duré, après 140 heures en commission parlementaire. Une procédure législative d’exception, le bâillon, aura donc lieu à compter de vendredi après-midi pour accélérer son adoption, une manoeuvre que l’opposition officielle a qualifiée d’odieuse.

En point de presse, mercredi, à la sortie de la séance du conseil des ministres, le leader parlementaire du gouvernement, Jean-Marc Fournier, a soutenu qu’il y avait urgence.

«L’urgence, c’est que depuis le moment où on l’a déposé, on ne dispose toujours pas de tous les outils législatifs pour mettre de l’avant la politique énergétique de 2030, une transition vers plus d’électricité sobre en carbone», a-t-il déclaré.

À cette étape de l’étude en commission parlementaire, l’opposition officielle se livre à une guerre de tranchée avec le gouvernement, que le ministre des Ressources naturelles, Pierre Arcand, à bout de patience, a déjà condamnée comme étant de l’obstruction.

Le Parti québécois a réclamé à de nombreuses reprises la scission du projet de loi, pour que la partie sur la transition énergétique soit adoptée rapidement et que la section sur les hydrocarbures soit étudiée plus amplement.

Le leader parlementaire péquiste, Pascal Bérubé, a accusé les libéraux de sacrifier l’intérêt des Québécois au profit des intérêts des entreprises pétrolières.

«C’est odieux que ce gouvernement, avec sa majorité parlementaire, nous impose un bâillon», a-t-il dénoncé en conférence de presse à l’Assemblée nationale.

Le menu législatif a été pourtant mince au cours de la session, le temps ne manquait pas, mais la priorité aux hydrocarbures est telle chez les libéraux que les élus devront siéger toute la soirée et la nuit vendredi pour adopter la loi, a-t-il poursuivi.

À ses côtés, son collègue porte-parole en matière de ressources naturelles, le député de Richelieu, Sylvain Rochon, a renchéri, en précisant que tout le volumineux chapitre 4 sur les hydrocarbures échappera ainsi à l’étude en commission.

«Le Québec vit un moment sombre. C’est une gifle à la démocratie et c’est une gifle aux Québécois. Si la démocratie n’est pas bafouée, expliquez-moi c’est quoi.»

La députée de Québec solidaire, Manon Massé, a dit ne pas comprendre l’empressement du gouvernement, puisque selon elle, ce projet de loi exige du temps, avec près de 400 articles à étudier, dont 269 uniquement dans le chapitre sur les hydrocarbures.

En conférence de presse, elle a démoli la réputation de Philippe Couillard à titre de premier ministre vert, qui se «pétait les bretelles, l’air d’être le directeur général de Greenpeace», lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques de Paris, la COP21, à pareille date l’an dernier.

«Il va souffler sur des braises, parce que la société nous le dit de toutes les façons: les hydrocarbures, au Québec, il n’en est pas question.»

La Coalition avenir Québec a à son tour dénoncé l’imposition du bâillon, une «catastrophe annoncée», imposée par «un gouvernement extrêmement arrogant» selon le leader parlementaire François Bonnardel. Le parti estime que ce projet de loi va entraîner des hausses de tarifs d’Hydro-Québec.

Les critiques contre le projet de loi 106 sont nombreuses et viennent de partout. Les municipalités déplorent qu’il n’encadre pas la fracturation hydraulique. L’Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération des municipalités du Québec (FQM) ont exprimé leurs préoccupations.

La FQM demande d’ailleurs un moratoire de cinq ans sur la fracturation hydraulique. Elle s’inquiète aussi du droit d’expropriation qui est attribué aux entreprises gazières et pétrolières. Ce droit pourrait entrer en conflit avec les schémas d’aménagement des MRC.

L’Union des producteurs agricoles réclame pour sa part de soustraire les zones agricoles des activités liées aux hydrocarbures.

De même, l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador s’oppose au projet de loi. Elle estime qu’il contrevient à l’obligation constitutionnelle de consultation et d’accommodement qui affirme que tout projet de loi sur l’exploitation du territoire et des ressources naturelles devrait prévoir la nécessité d’obtenir le consentement des peuples autochtones.

Quant au gouvernement, il a fait valoir qu’il a déposé plus de 80 amendements à son projet de loi. Entre autres, les municipalités pourront désigner des territoires incompatibles.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.