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Épuisée, Françoise David quitte la vie politique

Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Françoise David a tourné avec dignité, jeudi, une page de sa vie, mais aussi de l’histoire politique du Québec.

Dans une conférence de presse émotive devant les militants de sa circonscription montréalaise de Gouin, la porte-parole et membre fondatrice de Québec solidaire a précisé qu’elle ne terminera pas son mandat actuel pour des raisons de santé.

«J’arrête avant de tomber dans le burn-out ou l’épuisement professionnel», a indiqué Mme David, se disant aux prises avec «une fatigue qui ne me quitte pas», et ce, depuis l’été dernier.

Âgée de 69 ans, Mme David a précisé qu’elle ne réclamera pas d’allocation de transition.

«L’allocation de transition, son rôle, c’est de servir de tampon entre le moment où un député perd son emploi et où il trouve un emploi. Je ne suis pas et je ne serai plus jamais à la recherche d’un emploi. Donc, je considère que je n’y ai pas droit», a-t-elle expliqué.

La politicienne a par ailleurs affirmé qu’elle n’a pas de plans dans l’immédiat, qu’elle souhaite d’abord se reposer, mais elle a aussi assuré que la militante en elle ne disparaîtra pas de l’espace public pour autant.

«Je veux continuer d’être utile à la société québécoise. Je n’ai pas l’intention de me taire devant l’injustice, l’intolérance, le sexisme, le racisme, la destruction de la planète», a-t-elle affirmé.

L’annonce n’a surpris personne dans le milieu politique; en entrevue à La Presse canadienne au début janvier, Mme David avait laissé entendre que sa retraite politique n’était pas loin.

Rêver d’une majorité

Bien qu’elle reconnaisse que sa formation, malgré sa présence dans l’enceinte du pouvoir, n’ait pu freiner l’austérité, l’accroissement des inégalités sociales et fiscales ou faire avancer d’autres causes qui lui étaient chères, elle demeure fermement convaincue que Québec solidaire est la solution politique à ces problèmes.

Plus encore, elle estime que la situation aurait été encore pire sans la présence de sa formation, aussi limitée soit-elle.

«Nous avons réussi à défendre des idées progressistes, audacieuses, novatrices qui, sans nous, ne se seraient pas frayées un chemin jusqu’à l’Assemblée nationale», a-t-elle affirmé.

«Imaginez si nous étions 12, 20 ou 63», a-t-elle laissé tomber, disant rêver du jour où sa formation serait majoritaire tout en invitant la relève à s’investir.

«Je souhaite que des plus jeunes, plus fous, sachent réinventer la vie politique et redonner espoir à celles et ceux qui croient de moins en moins en notre capacité démocratique de nous attaquer en profondeur au désordre du monde», a-t-elle dit.

L’ex-présidente de la Fédération des femmes du Québec n’a pas tracé de grand bilan de son passage en politique, disant avoir «beaucoup aimé le travail de député» et quitter «avec le sentiment du devoir accompli».

Cependant, elle n’a pas caché qu’une de ses plus grandes fiertés était d’avoir réussi à faire adopter le projet de loi 492 qui protège les locataires aînés contre les expulsions de leur logement.

Sans attaquer qui que ce soit, elle a également lancé un avertissement quant aux risques que représente la montée du populisme.

«Nous vivons une période politique trouble, morose et guerrière. Les inégalités augmentent en flèche et l’intolérance trouve un terreau fertile dans les populations du monde», a-t-elle dit.

«Plus que jamais, le Québec a besoin d’un projet politique qui s’attaque sans détour aux injustices sociales et fiscales, débusque les corrompus et les fraudeurs, propose un vivre-ensemble qui s’appuie sur des valeurs communes et respecte les différences», a-t-elle aussi déclaré.

Le départ de Françoise David obligera le premier ministre Philippe Couillard à déclencher une élection complémentaire dans la circonscription de Gouin d’ici six mois et, déjà, le nom de l’ex-leader étudiant Gabriel Nadeau-Dubois circule, une hypothèse qui ne déplaît pas au parti, même si le principal intéressé se laisse désirer.

«Ça fait depuis le printemps érable qu’on est quelques-uns à Québec solidaire à l’achaler un petit peu en lui disant: il me semble que tu serais bien chez nous. C’est à lui de répondre», a dit Mme David avec le sourire.

Un ton inattaquable

Sa collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques et amie de longue date, Manon Massé, a souligné le courage de Françoise David et aussi sa franchise par rapport aux raisons de son départ.

«C’est un bel apprentissage, cette transparence, qui est assez particulière à Québec solidaire et à Françoise», a-t-elle dit.

«La santé mentale fait partie de la santé. On n’a pas besoin d’avoir un cancer pour être malade et le burn-out est l’un de ces travers qui arrive et, oui, parfois il faut mettre un frein», a ajouté Mme Massé.

Depuis Davos, en Suisse, où il participe au Forum économique mondial, le premier ministre Philippe Couillard lui a rendu hommage, disant «reconnaître toute la validité et l’importance de la parole de Françoise David, la Québécoise, qui va continuer à parler au Québec au cours des prochaines années».

Le premier ministre a notamment insisté sur la capacité de Mme David d’imposer une civilité dans les débats.

«On peut avoir des différences d’opinion sur les orientations politiques du Québec et même des différences assez fortes parfois, mais on peut garder un ton civilisé, aimable entre les gens et elle a beaucoup contribué à ça», a dit M. Couillard.

Cette caractéristique a également été soulignée par le chef du Parti québécois, Jean-François Lisée.

«Elle arrivait à adoucir les moeurs politiques», a-t-il dit en point de presse à Montréal, rappelant «l’immense difficulté qu’avaient les chefs des autres partis dans les débats d’essayer de lui lancer une pique ou une critique. (…) Ç’aurait été déplacé.»

M. Lisée a dit avoir appris à connaître au fil des ans chez Françoise David une femme de coeur entièrement dédiée aux causes qu’elle embrassait.

«J’ai pu constater au quotidien combien cette femme a, dans sa moelle épinière, le besoin de faire avancer le bien commun avec un désintéressement total», a dit M. Lisée.

Le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, a pour sa part rendu hommage à la députée démissionnaire dans un communiqué, exprimant son «respect pour cette femme exceptionnelle».

M. Legault a salué l’intégrité et la courtoisie de la politicienne de gauche, estimant que son départ créerait un vide à l’Assemblée nationale.

Rappelant qu’elle «a consacré sa vie à la défense des plus vulnérables», le chef caquiste a notamment reconnu son implication dans le mouvement féministe et applaudi ses efforts pour faire adopter la loi protégeant les droits des locataires âgés, ajoutant qu’elle pouvait «partir la tête haute».

Françoise David, qui vient tout juste d’avoir 69 ans, a été élue à l’Assemblée nationale pour la première fois en 2012 et représente la circonscription montréalaise de Gouin depuis ses débuts.

Avant de se lancer en politique, elle a notamment été présidente de la Fédération des femmes du Québec de 1994 à 2001. Elle avait entre autres organisé la marche des femmes contre la pauvreté baptisée «Du pain et des roses» en 1995 et la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence en 2000.

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