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Hérouxville, 10 ans plus tard

Photo: TC Media - Myriam Lortie

Dix ans après la tempête médiatique qui a fait connaitre la petite municipalité d’Hérouxville au monde, TC Media s’est entretenu avec l’auteur du controversé code de vie adopté le 26 janvier 2007. André Drouin, qui était alors conseiller municipal, persiste et signe encore aujourd’hui: le pays a besoin, plus que jamais, de se doter de normes plus claires quant à la cohabitation des différentes cultures et religions.

À cette même période, il y a 10 ans, André Drouin était sollicité de toutes parts, il recevait des centaines de demandes d’entrevues par jour, il était de toutes les tribunes. Cinq autres municipalités de la MRC de Mékinac ont alors joint leur voix à celle d’Hérouxville pour demander à Québec et Ottawa de revoir les chartes des droits et libertés, soit Grandes-Piles, Lac-aux-Sables, Saint-Adelphe, Saint-Séverin et Trois-Rives. Hérouxville sera du Bye Bye 2007 dans un sketch de Rock et Belles Oreilles: «Hérouxtyville, la tite ville intolérante».

Aujourd’hui, sachant toutes les répercussions engendrées par la rédaction de ce code de vie à l’attention des nouveaux arrivants, qui interdisait notamment la lapidation et l’excision, André Drouin ne regrette rien, il referait le tout sans hésiter, sans changer un mot ou une ligne.

«On débat, mais on ne fait rien»
Rappelons qu’en février 2007, le premier ministre du Québec Jean Charest annonçait la mise sur pied d’une Commission de consultation sur les pratiques d’accommodement reliées aux différences culturelles, dirigée par le sociologue Gérard Bouchard et le philosophe Charles Taylor.

«En 2007, le gouvernement semble avoir été pris de court. Ça a levé tellement de fumier que M. Charest a « patenté » la Commission Bouchard-Taylor. Dix ans plus tard, on débat encore, mais il n’y a jamais eu de lois, de normes. (…) On n’a pas encore été capables de se décider si au Québec, on peut se promener à visage couvert ou découvert», laisse-t-il tomber en référence au projet de loi 62 visant à favoriser le respect de la neutralité religieuse de l’État.

En 2008, le rapport déposé par la commission comprenait une quarantaine de recommandations. Parmi celles-ci, on retrouvait l’abolition des symboles religieux dans les services publics, le retrait du crucifix à l’Assemblée nationale ou l’abandon de la prière aux séances des conseils municipaux.

Pour André Drouin, l’État se doit d’être laïc jusqu’au bout. «C’est loin d’être le cas à ma connaissance. (…) Actuellement, on reconnaît la suprématie de la loi de Dieu. Aussi bien dire que nous sommes une théocratie…»

«On risque de vivre ce qui se passe en Europe»
«Si on continue à débattre trop longtemps sans poser de gestes, on risque de vivre à peu près ce qui se passe en Europe présentement», poursuit André Drouin.

«On dit aux nouveaux arrivants: « faites ici ce que vous faites chez vous ». On appelle ça le multiculturalisme. C’est une idéologie qui est complètement absurde de mon point de vue. Et je ne suis pas le seul, parce que ça ferait longtemps que je me serais fermé», poursuit celui qui se défend d’être xénophobe.

Il dit avoir plusieurs amis de différentes cultures qui l’appuient dans son discours et qui, eux-mêmes, ne souhaitent pas que les situations pour lesquelles ils ont quitté leur pays ne se reproduisent dans leur pays d’accueil.

Pas d’accommodements possibles
André Drouin a toujours été clair sur la question des accommodements raisonnables. «Un accommodement pour une religion? Zéro. Jamais», tranche-t-il. «On ne devrait jamais accommoder un croyant pour sa religion, quelle qu’elle soit. Tu rentres au travail, ce n’est pas pour prier.»

Il estime toujours que c’est plutôt aux croyants de s’accommoder au travail et à la société. «Ils devraient demander à leurs divinités de les accommoder pour le travail», propose celui qui ne se dit adepte d’aucune religion.

«Je n’ai jamais été « anti » quelque chose. Je suis pro du vivre ensemble. Maintenant, comment est-ce que tout le monde peut vivre ensemble dans une société moderne en 2017? Il va y avoir encore plus de réfugiés, d’immigration. Ce ne serait peut-être pas mauvais qu’un pays comme le Canada, et le Québec qui en fait partie, ait des processus conséquents», croit-il.

Hérouxville a tourné la page
L’actuel maire d’Hérouxville, Bernard Thompson, n’aime pas trop revenir sur cette histoire. «Les médias n’ont toujours par réussis à dissocier ce code vie d’Hérouxville des affaires courantes de la municipalité. Je vous rappelle que ce code de vie, en 2007, était l’œuvre unique d’un citoyen alors conseiller municipal.»

D’abord impliqué à titre de webmestre bénévole à la municipalité, c’est en 2009 que Bernard Thompson est devenu maire, succédant à Martin Périgny à la tête de la municipalité de 1300 habitants. Au départ, Bernard Thompson travaillait de concert avec André Drouin, n’hésitant pas à prendre part aux débats dans les journaux.

«Lorsque certains médias méprisent les élus locaux ou font d’un enjeu majeur une farce amusante digne d’un vaudeville, ils font abstraction du malaise généralisé parmi la population face aux accommodements raisonnables. Sont-ils vraiment conscients des enjeux réels exposés?», écrivait-t-il alors dans nos pages en 2007.

Coupure
«Il est à noter fortement que suite à son adoption par le conseil municipal en janvier 2007, deux semaines plus tard, par résolution, le même conseil municipal retirait ce dossier des mains de son auteur, M. Drouin, alors toujours conseiller. Il n’était donc plus question pour le conseil de maintenir des discussions à cet égard. Comme citoyen, M. Drouin a donc poursuivi sa démarche à titre personnel», poursuit Bernard Thompson.

Il déplore que les médias de l’époque n’aient jamais dissocié l’auteur du conseiller. «Ce n’est qu’en 2009, lors de mon élection comme maire que ce document fût alors jugé historique par l’ensemble du conseil et définitivement archivé. Il n’avait d’ailleurs aucune valeur légale.»

Il indique que désormais, personne à Hérouxville ne discute de ce dossier, si ce n’est de l’auteur lui-même du document. «Hérouxville est passée à autre chose. Il est de la responsabilité de nos gouvernements de juger des impacts des accommodements raisonnables consentis à travers les ans. Il n’appartenait pas et n’appartient toujours pas à un village aussi paisible qu’est encore aujourd’hui Hérouxville, de maintenir de tels débats de société», a-t-il exprimé à TC Media.  

Il ne souhaite plus prendre part à quelque discussion que ce soit à ce sujet, préférant «canaliser ses énergies à des actions positives pour ses concitoyens et concitoyennes».

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