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Cour: légitime défense pour une femme battue?

OTTAWA – La Cour suprême du Canada a entendu jeudi des arguments divergents dans une affaire qui déterminera si la légitime défense d’une femme battue doit inclure l’embauche d’un tueur à gages pour mettre fin aux jours d’un mari violent.

Le plus haut tribunal du pays a pris en délibéré le cas d’une femme de la Nouvelle-Écosse acquittée pour avoir tenté en 2008 d’embaucher un tueur à gages pour faire assassiner son conjoint. Mais le meurtrier potentiel était en réalité un agent d’inflitration de la Gendarmerie royale du Canada.

Le procureur de la Nouvelle-Écosse William Delaney soutient que les circonstances particulières de l’affaire impliquant Nicole Ryan ne lui permettent pas de revendiquer les dispositions sur la légitime défense et la contrainte du Code criminel.

La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a maintenu son verdict d’acquittement en 2010, concluant que les 15 années de mariage de Mme Ryan avaient été un réel «règne de terreur».

Selon les dires de celle-ci, son séjour dans un hôpital pour une évaluation psychiatrique avait été un véritable soulagement. «Je me sentais en sécurité. Je pourrais même dire que j’étais traitée comme une reine, avait-elle déclaré au tribunal lors de son acquittement, j’ai demandé au médecin si je pouvais rester plus longtemps, mais il a refusé. Pour une fois, je pouvais respirer, me calmer et retrouver ma fille Nicole.»

Sa fille avait été placée en garde préventive, victime elle aussi de la violence de son père.

Le procureur de la Nouvelle-Écosse allègue toutefois que Nicole Ryan ne peut souscrire à la légitime défense fondée sur la contrainte puisqu’elle n’était pas, à ce moment-là, en danger immédiat. Elle avait emménagé chez des proches et les démarches pour obtenir un divorce avaient été entamées.

Le procureur Delaney a été questionné par les neuf juges de la cour quant à savoir si les faits rapportés dans le cas de Mme Ryan pourraient être adaptés pour répondre à la définition qu’a le Code criminel de la légitime défense, qui comprend les dispositions relatives aux femmes violentées.

Selon lui, toute tentative par la cour de réécrire la loi en combinant les deux défenses représenterait un dangereux précédent qui porterait à confusion a-t-il allégué. «Vous créez ainsi un méli-mélo dans les éléments de la défense, cela devient difficile pour le jury d’interpréter et de comprendre la loi.»

Pour sa part, l’avocat représentant Mme Ryan, Joel Pink, a soutenu que sa cliente avait fini par approcher le faux tueur à gages à cause de l’accumulation des menaces — comprenant un historique d’agressions physiques, sexuelles et psychologiques.

Me Pink a ajouté que Mme Ryan avait contacté les policiers à au moins neuf reprises, les suppliant de lui fournir une protection à elle et à sa fille, sans jamais en recevoir.

Et même si Mme Ryan et son mari s’étaient séparés, le père de l’enfant continuait à se présenter à son école, augmentant les craintes qu’il puisse tenter de l’enlever, a aussi mentionné Me Pink.

La juge en chef de la Cour suprême du Canada Beverley McLachlin a eu un échange acerbe avec le procureur Delaney à savoir pourquoi les faits concernant le cas de Nicole Ryan ne pouvaient être inclus dans la définition de légitime défense du Code criminel dans le cas d’une femme battue, alléguant qu’un procès avait déjà établi que Mme Ryan avait agi ainsi uniquement pour protéger sa fille et elle.

Pour l’avocate Christine Boyle, intervenante à l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry et au Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes, il est temps que les lois soient réécrites pour protéger les femmes victimes de violence.

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