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Médias: revers pour la protection des sources

Colin Perkel, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

TORONTO — La Cour d’appel de l’Ontario confirme un jugement de première instance et ordonne à un journaliste de Vice Media de remettre à la police des informations liées à ses articles sur un présumé terroriste.

Dans une affaire qui oppose protection des sources journalistiques et travail policier, le plus haut tribunal de l’Ontario estime que le juge de première instance avait raison de conclure que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) doit pouvoir mener pleinement son enquête concernant des «allégations très graves».

Le journaliste Ben Makuch, appuyé par de nombreux médias et organismes de défense des droits, conteste l’ordonnance qui met en péril, selon lui, le lien de confiance entre les journalistes et leurs sources réclamant l’anonymat. M. Makuch a vainement plaidé que si la police se sert des journalistes dans le cadre de ses enquêtes, les sources hésiteront ensuite à se confier aux médias sous le couvert de l’anonymat, de crainte d’être un jour identifiées.

La Cour d’appel signale que le juge Ian MacDonnell, de la Cour supérieure, était pleinement conscient du possible «effet dissuasif» de son ordonnance. Mais il a pris en compte divers facteurs qui atténuent cet effet dissuasif, note la Cour d’appel. Ainsi, il a considéré le fait que la source du journaliste Makuch n’avait même pas exigé que l’on taise son identité.

Déçu de la décision, le média Vice songe à demander la permission d’en appeler à la Cour suprême du Canada. «Vice Media est prêt à faire tout ce qu’il faut pour soutenir et défendre notre journaliste et ami Ben Makuch. Ses enquêtes menées dans le milieu complexe du cyberterrorisme et de la sécurité informatique sont aujourd’hui plus importantes que jamais, écrit Vice dans un communiqué. Le travail de Ben et le principe essentiel de la liberté de presse doivent être protégés.»

Menaces terroristes

Les informations que souhaite consulter la GRC sont liées à trois articles rédigés par le journaliste Makuch en 2014 sur Farah Shirdon, de Calgary, accusé par contumace au Canada d’activités terroristes.

Les articles publiés par Vice étaient essentiellement basés sur des conversations que le journaliste Makuch avait eues avec M. Shirdon par le biais d’une application de messagerie internet. Dans un des articles, le jeune homme de 22 ans soutenait que «les Canadiens doivent subir chez eux des représailles» pour la participation du pays à la «croisade contre l’islam et les musulmans».

«Le sang doit inonder vos rues», menaçait M. Shirdon, qui soutenait alors se trouver en Irak.

La GRC souhaite consulter les captures d’écran de ces conversations. Dans le jugement de première instance, le juge MacDonnell concluait il y a un an que ces captures d’écran constituaient des éléments de preuve importants en lien avec «de très graves allégations», et que l’intérêt public penchait en faveur de l’enquête policière. Le journaliste soutenait qu’il avait déjà divulgué dans ses articles toutes les informations qui pouvaient être d’intérêt public.

La Cour d’appel a par ailleurs rejeté l’argument de Vice selon lequel la GRC devait démontrer que les informations demandées étaient vraiment essentielles à l’enquête policière. «Personne ne pourrait évaluer avec précision ce qui sera effectivement nécessaire ou non à la Couronne pour étayer sa cause au procès», conclut le tribunal. La Cour d’appel soutient qu’il faut séparer clairement le rôle du tribunal et celui de la police et de la poursuite.

Une coalition de médias et de regroupements de journalistes a déploré le jugement de la Cour d’appel, qui pourrait avoir un effet dissuasif sur les sources, craint-on.

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