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Surveillance de P. Lagacé: Pichet était au courant

Montreal Chief of Police Philippe Pichet speaks to the media about the tapping of a newspaper reporter's smartphone at a news conference, Monday, October 31, 2016 in Montreal.THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz Photo: Archives Métro
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — La haute direction du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), incluant son directeur Philippe Pichet, savait que le journaliste Patrick Lagacé ferait l’objet d’une surveillance avant que le mandat l’autorisant ne soit demandé.

Comparaissant devant la Commission Chamberland sur les sources journalistiques, mardi, le directeur Pichet a raconté qu’il avait réuni trois membres de son état-major spécialisés dans les enquêtes pour se pencher, le 12 janvier 2016, sur la demande de mandat préparée par la division des affaires internes, qui enquêtait sur un de ses policiers qu’elle soupçonnait de couler des informations au journaliste.

Philippe Pichet a toutefois eu du mal a clarifier le contexte de cette réunion, disant que son rôle n’était pas d’autoriser le mandat, mais bien d’en être informé, tout en affirmant qu’il ne l’aurait pas autorisé s’il avait estimé que la demande de mandat s’était située en dehors du cadre légal.

La manière dont le SPVM traite les journalistes semble d’ailleurs avoir été entourée d’un flou, puisque le bras droit de M. Pichet, le directeur adjoint Didier Deramond, avait témoigné plus tôt en journée qu’aucune directive particulière n’encadrait les enquêtes impliquant des journalistes avant que n’éclate le scandale de la surveillance de journalistes l’automne dernier.

Cependant, M. Deramond avait aussi reconnu que les policiers devaient tout de même se soumettre aux principes formulés par la Cour suprême en 1991 sur les critères qui encadrent et justifient le fait de mener des perquisitions dans les locaux d’un média.

Selon lui, «les journalistes ne disposent d’aucune protection légale parce qu’il n’existe pas de définition légale de leur statut», contrairement aux avocats, aux juges ou aux députés. Toutefois, la décision du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, d’imposer de nouvelles règles pour l’obtention de mandats visant des journalistes — apparentées aux règles entourant les mandats visant des juges, avocats et députés — a mené le SPVM à émettre des directives internes pour mieux encadrer ces pratiques.

Neuf mois de délai

Les commissaires ont par ailleurs appris que le SPVM a mis neuf mois à sécuriser les données qu’il avait colligées à partir de l’interception des métadonnées du téléphone cellulaire du journaliste Patrick Lagacé, et ce, malgré le fait que la haute direction croyait qu’elles avaient été mises à l’abri dès leur collecte.

Les dirigeants du corps policier ont eux-mêmes appris seulement ce mardi que les informations en question avaient été placées sur une clé USB à double encryption le 27 octobre dernier, alors qu’il avait été convenu de le faire neuf mois plus tôt, soit le 19 janvier 2016.

Le directeur Pichet et son directeur adjoint Deramond ont été pris de court par l’avocat Christian Leblanc, qui représente plusieurs médias, lorsque ce dernier a exhibé une déclaration sous serment du sergent-détective Iad Hanna, de la division des affaires internes, indiquant qu’il avait sécurisé les informations le 27 octobre.

Loyauté et discrétion avant tout

À l’ouverture de son témoignage, Philippe Pichet avait par ailleurs dit croire que le serment de loyauté, d’allégeance et de discrétion de ses policiers a préséance sur la liberté de presse et le droit du public à l’information puisqu’il leur est imposé par la loi.

En présentant les modes de fonctionnement du corps policier, M. Pichet a ainsi ouvert une partie de son jeu quant à la position que le SPVM entend défendre devant cette commission.

Le directeur a souligné le fait que le règlement sur la discipline interne des policiers et la Loi sur la police obligent entre autres les policiers à assurer la confidentialité des informations qu’ils détiennent.

«Ces obligations ne sont pas un frein à la liberté de presse ou au droit du public à l’information; ce sont des paramètres que la loi impose aux policiers, surtout quand il y a un risque d’entrave à une enquête», a affirmé le directeur Pichet.

Transparence et image

Le directeur a également été appelé à défendre les politiques de son service en matière de relations de presse et de transparence.

Me Leblanc l’a ainsi confronté à une sortie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) qui, le 22 juin 2016, condamnait l’opacité grandissante de l’organisation et la dégradation de l’accessibilité de l’information, tant face à l’administration du service policier qu’aux incidents qui surviennent sur le terrain.

Brandissant l’offre d’emploi du SPVM, qui est à la recherche d’un directeur des communications, Me Leblanc s’est demandé si le service policier était davantage soucieux de préserver son «image de marque» que de faire preuve de transparence.

Constamment placé sur la défensive, le directeur Pichet a répliqué que «la transparence doit être au rendez-vous», bien qu’il ait été forcé d’admettre que les nombreux exemples soulevés par la FPJQ avaient démontré une gestion des communications déficiente à plusieurs égards.

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