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Pitbulls: Québec dépose son projet de loi

La Ville de Montréal a adopté son règlement sur les chiens dangereux le 27 septembre. Photo: Archives Métro Média
Jocelyne Richer, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Québec a l’intention d’interdire un jour les pitbulls, mais ce sera pour plus tard à une date indéterminée, et ce sera fait par décret gouvernemental plutôt que par voie législative.

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a déposé jeudi le projet de loi tant attendu sur l’encadrement des chiens dangereux — nommément les pitbulls.

Son projet de loi 128 n’inclut pas l’interdiction de posséder un pitbull, mais en conférence de presse, le ministre Coiteux s’est engagé à faire adopter dès que possible un décret gouvernemental qui irait en ce sens, une fois la loi adoptée.

Un décret est une décision du conseil des ministres qui n’engage pas le Parlement. Rien n’indique cependant que le projet de loi et le décret promis pourront être adoptés et entrer en vigueur avant l’échéance électorale de l’automne 2018.

Le ministre Coiteux a choisi de procéder par décret pour interdire éventuellement les pitbulls afin que l’intervention gouvernementale «puisse évoluer dans le temps», au gré, par exemple, de nouveaux croisements de races de chiens agressifs. «On veut que le gouvernement soit capable de bouger rapidement» et de corriger le tir au besoin, a-t-il plaidé jeudi.

La liste actuelle des races de chiens «réputés potentiellement dangereux» inclut les pitbulls, les rottweilers, les terriers américains et les bulls terriers du Staffordshire.

Avec cette pièce législative, Québec donne plus de pouvoirs aux municipalités en matière d’encadrement des chiens dangereux, mais leur confie aussi plus de responsabilités. Les municipalités auront notamment le pouvoir d’imposer des règles plus strictes que celles incluses dans le projet de loi 128, si elles le jugent nécessaire.

Si, à la suite d’une plainte, une Ville estime qu’un chien est menaçant, elle pourrait exiger qu’il soit vu par un vétérinaire, et éventuellement déclarer que cet animal est officiellement «potentiellement dangereux». La bête serait alors soumise à des règles plus strictes que celles prévues pour les autres chiens.

Si un chien a mordu à mort une personne ou lui a infligé de graves blessures, la municipalité aurait le devoir de le faire euthanasier. Toute morsure causée par un chien devra par ailleurs faire l’objet d’une «déclaration obligatoire» aux municipalités. Le signalement sera sous la responsabilité des médecins et vétérinaires ayant traité de tels cas.

Trois classes de chiens

Avec ce projet de loi, Québec veut créer différentes catégories de chiens: les chiens «réputés potentiellement dangereux», les chiens «déclarés potentiellement dangereux», et enfin «les chiens dangereux et les chiens interdits».

Après l’adoption éventuelle de la loi et du décret qui suivra, les propriétaires actuels pourront quand même conserver leur animal, en vertu d’une «clause grand-père», sauf s’ils ont été reconnus coupables, au cours des cinq années précédentes, d’une infraction à la loi ou de certaines infractions au Code criminel. Ceux qui rêvent de posséder un pitbull ont donc intérêt à accélérer leur réflexion et à en acquérir un dès maintenant, avant l’entrée en vigueur de la loi.

Des normes minimales, définies plus tard, vont s’appliquer par règlement à tous les chiens, et d’autres normes vont viser uniquement les chiens classés dangereux.

Le ministre Coiteux s’était engagé l’été dernier à intervenir rapidement pour mieux encadrer les chiens dangereux, au besoin à l’aide d’une loi. Sa promesse faisait suite à une tragédie survenue en juin à Montréal, alors qu’une citoyenne, Christiane Vadnais, avait été mordue à mort par un pitbull dans la cour arrière de sa maison.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, s’est dit satisfait de constater que le projet de loi 128 allait dans le même sens que le règlement municipal qu’il avait fait adopter pour sa ville, notamment sur l’inclusion d’une clause grand-père.

L’opposition péquiste se demande pour sa part pourquoi le gouvernement se limiterait à interdire uniquement les pitbulls. «Il y a d’autres chiens qui sont aussi très dangereux, mais on ne prévoit pas les interdire par décret», a déploré le porte-parole péquiste André Villeneuve, qui veut aussi savoir comment on va déterminer si un chien est de type pitbull ou non.

Du côté de la Coalition avenir Québec, on dénonce l’absence de mesures destinées aux maîtres dans le projet de loi. «Je trouve que le maître a peu de responsabilités, quand on sait très bien que le comportement de plusieurs chiens est le résultat de l’élevage de son maître», a commenté la députée caquiste Sylvie D’Amours, en point de presse.

Or, «les maîtres actuels de chiens potentiellement dangereux doivent être responsabilisés davantage, ils doivent avoir une formation pour bien s’occuper de l’animal, ils doivent les faire micropucer, les stériliser à tout le moins, et on ne parle pas des engagements qu’un propriétaire actuel de chiens mentionnés sur la liste potentielle aurait à respecter. Il n’y a rien» dans le projet de loi à ce sujet, a-t-elle déploré.

L’Association québécoise des SPA et SPCA (AQSS), qui était contre, s’est dite «très déçue» par l’initiative du gouvernement, qui suggère qu’«un pitbull est automatiquement plus dangereux qu’un labrador, ce qui est faux». Les onze SPA et SPCA du Québec s’inquiètent aussi des répercussions à venir sur les refuges pour animaux, qui devront accueillir les chiens bannis.

Des SPCA à Montréal ont d’ailleurs refusé de renouveler leur contrat avec les arrondissements si on les oblige à euthanasier des pitbulls. «Pour nous, il est contre notre mission d’euthanasier des animaux qui ont un bon comportement et qui sont en parfaite santé», a rappelé jeudi Denys Pelletier, président de l’AQSS.

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