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Construction: les menaces se multiplient

Photo: Archives Métro
Pierre Saint-Arnaud, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Ce n’est pas une simple épée de Damoclès qui est suspendue au-dessus des acteurs de l’industrie de la construction, mais bien une véritable armurerie alors que se multiplient les menaces de toutes parts.

La plus importante, qui est aussi à l’origine des autres, est celle d’une grève générale illimitée dont le déclenchement est prévu à minuit, mardi, si aucune entente n’intervient dans l’actuel blitz de négociation.

«À moins d’un miracle — et je ne crois pas beaucoup aux miracles — on se dirige vraiment vers une grève générale et illimitée ce soir (mardi). Depuis le tout début des négociations, on n’a jamais senti une réelle volonté des syndicats d’en arriver à une entente», a affirmé le porte-parole de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), François-William Simard, en entrevue avec La Presse canadienne.

La seconde menace provient celle-là du gouvernement Couillard, qui promet une loi spéciale très rapidement, bien que la ministre du Travail, Dominique Vien, ait refusé mardi après-midi de préciser les modalités de son éventuelle application.

«Si nous étions dans une telle impasse ce (mardi) soir, j’agirais», a déclaré la ministre dans un très bref point de presse à Québec.

«Nous ne souhaitons pas aller vers une loi spéciale», a-t-elle ajouté, tout en reconnaissant que «c’est l’option que nous regardons actuellement.»

Mme Vien a répété que, selon son ministère, une grève entraînerait des pertes de 45 millions $ par jour pour l’économie du Québec. «On n’a pas les moyens de ça», a-t-elle dit.

«Videurs de chantier»

Pendant ce temps, une autre menace a été évoquée, alors que les associations patronales disent craindre l’apparition d’escouades de «videurs de chantiers» une fois la grève déclenchée.

L’Association de la construction du Québec (ACQ — secteur industriel, institutionnel et commercial) dit avoir fait part à la Commission de la construction du Québec (CCQ) de ses préoccupations face à la possibilité que de telles escouades soient en train de se former.

«Dans les médias sociaux, on a vu des gens qui s’organisent, des ‘videurs de chantiers’. Ça nous préoccupe. On ne voudrait pas qu’il y ait des situations déplorables demain (mercredi)», a indiqué le porte-parole de l’ACQ, Éric Côté, en entrevue téléphonique.

Tant l’ACQ que l’APCHQ disent avoir constaté que des appels en ce sens circulent sur les médias sociaux depuis lundi, notamment sous la forme d’invitations à des rassemblements à divers endroits de la province.

Les associations patronales rappellent que les travailleurs de la construction ne sont pas assujettis aux dispositions anti-briseurs de grève dans le Code du travail.

«Il y a des chantiers qui peuvent se poursuivre si les travailleurs indiquent qu’ils souhaitent continuer à travailler pendant la grève, mais encore faut-il qu’il y ait de la main-d’oeuvre au rendez-vous», a noté M. Simard. Il a toutefois ajouté que la décision de se présenter ou non sur un chantier en cas de grève appartient aux travailleurs qui n’ont pas à subir d’intimidation.

«Ce genre de pratique serait complètement inacceptable et c’est interdit par la loi. On ne veut plus avoir ces pratiques qui sont dignes des années 70», a-t-il dit.

Le porte-parole de l’Alliance syndicale, Michel Trépanier, a très mal accueilli ces propos, faisant valoir que, justement, il y avait eu des directives très claires envoyées aux syndiqués «comme quoi on ne tolérerait aucune intimidation ou violence».

«C’est sûr qu’il va y avoir des comités d’information et on a une certaine liberté aussi pour exprimer notre droit de grève, mais dans aucun cas on ne voudrait voir d’intimidation ou de violence», a martelé M. Trépanier, déplorant cette sortie des associations patronales qu’il juge inappropriée.

«Je trouve ça maladroit d’insinuer ça dans différents médias, que c’est une tactique qui va être envisagée de notre part, parce que présentement toute notre énergie est consacrée à l’effort pour en arriver à une entente négociée», a-t-il ajouté, refusant d’abandonner l’espoir d’une entente négociée malgré l’heure tardive.

«J’espère encore parce qu’aux différentes tables, il y a des négociations intensives qui sont toujours en cours. Il nous reste beaucoup de temps encore», a-t-il affirmé à moins d’une douzaine d’heure de l’échéance.

Le déclenchement d’une grève toucherait l’ensemble des secteurs: construction résidentielle, génie civil et voirie, industriel, institutionnel et commercial. Les cinq organisations qui forment l’Alliance syndicale représentent 175 000 ouvriers.

Conciliation, salaires et inondations

Déjà, au moins deux syndicats, la FTQ et la CSN, dénoncent l’adoption éventuelle d’une loi spéciale, accusant le gouvernement de faire le jeu des associations patronales en empêchant le rapport de force de s’exercer.

La FTQ rappelle que les travailleurs de la construction sont parmi les rares syndiqués québécois qui n’ont pas droit à la rétroactivité, ce qui encourage, selon elle, la partie patronale à laisser traîner les négociations.

Les horaires de travail et le temps supplémentaire sont au coeur du litige dans le secteur industriel, institutionnel et commercial, où la partie patronale cherche à obtenir une plus grande flexibilité des travailleurs, alors que ceux-ci estiment que les demandes patronales portent atteinte à la conciliation famille-travail.

L’ACQ représente plus de 60 pour cent de l’activité de construction au Québec.

Dans le cas des secteurs résidentiel et de la voirie et du génie civil, la pierre d’achoppement se situe davantage du côté des salaires, l’écart entre les demandes syndicales et l’offre patronale étant considérable.

Quoi qu’il en soit, les sinistrés des inondations printanières seront épargnés par un éventuel conflit: l’Alliance syndicale a déjà annoncé que les travaux dans les résidences situées en zones inondées pourront se poursuivre dans le cas du déclenchement de la grève le 24 mai prochain.

Les conventions collectives sont arrivées à échéance le 30 avril.

Aucune des associations patronales n’a pour sa part l’intention d’exercer son droit de lock-out.

«Nous n’avons pas sollicité de mandat à cet effet parce qu’on juge que de faire un lock-out, ce serait se tirer dans le pied, a expliqué Éric Côté. Notre industrie a besoin de marcher, de rouler. Si on interrompt nous-mêmes l’activité, ce n’est pas bon pour l’économie et ce n’est pas bon pour les entrepreneurs.»

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