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Banque d'infrastructure: part de risque inégale?

Adrian Wyld / La Presse Canadienne Photo: Adrian Wyld
Jordan Press et Andy Blatchford, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Les investissements fédéraux dans la nouvelle Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) pourraient être utilisés afin de verser aux investisseurs privés le taux de rendement espéré si un projet ne générait pas les revenus d’exploitation escomptés.

Ces revenus, tels des péages ou des tarifs, doivent servir à attirer les investissements privés et institutionnels dans de grands projets d’infrastructures comme des routes, des ponts et des systèmes de transport public — comme le Réseau électrique métropolitain, financé en partie par la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Or, les investisseurs privés ont appris récemment qu’ils pourraient être «couverts» par la BIC si les revenus d’exploitation n’étaient pas aussi importants que prévu. Ce serait le cas si la BIC devenait créancier de deuxième ordre dans un projet: les contribuables feraient alors la file pour toucher les recettes d’exploitation si elles s’avéraient moins intéressantes que prévu.

Selon des experts, les documents déposés jusqu’ici laissent effectivement croire que les contribuables assumeront plus de risques financiers dans un projet afin d’aider les investisseurs privés, ce que conteste le gouvernement fédéral.

Brook Simpson, porte-parole du ministre de l’Infrastructure et des Collectivités, Amarjeet Sohi, soutient que la BCI ne pourrait être tenue responsable que de sa propre participation dans un projet. Selon lui, des revenus moins importants que prévu constituent la part de risque que les investisseurs privés doivent de tout temps assumer, à la hauteur de leur participation dans un projet.

«La (BCI) n’investira pas dans des projets qui seraient trop risqués pour l’argent des contribuables et qui ne sont pas d’intérêt public», a ajouté M. Simpson.

Filet de sécurité

Les libéraux estiment que la banque permettra de réaliser de grands projets d’infrastructure qui seraient trop coûteux pour le seul gouvernement et trop risqués pour le seul secteur privé. Le gouvernement prévoit injecter dans la nouvelle banque 35 milliards $ — soit 15 milliards $ en argent et 20 milliards $ en prêts et en participations. Ottawa espère attirer ensuite trois ou quatre fois plus en investissements privés pour des projets d’envergure.

Mais pour attirer ces investisseurs, les projets devront offrir un rendement, et donc dégager des revenus d’exploitation — ce qui signifie de nouveaux péages sur les routes et les ponts, par exemple.

Cheng Hoon Lim, du département Hémisphère occidental au Fonds monétaire international, a estimé mercredi que le gouvernement devrait fixer des taux de rendement ajustés sur le risque et sur l’ampleur de la participation des investisseurs.

Dans une note interne préparée en octobre pour le ministre des Finances, Bill Morneau, et que La Presse canadienne a obtenue, des hauts fonctionnaires indiquaient cependant que la BCI pourrait toucher un rendement seulement si les investisseurs institutionnels atteignaient un certain objectif de rendement minimal et «raisonnable» pour un projet spécifique.

Les investisseurs ont entendu le même message au cours des derniers mois: dans leur présentation, des fonctionnaires ont indiqué que si les revenus d’exploitation étaient «bien inférieurs aux attentes», le gouvernement, en sa qualité de créancier de deuxième ordre, servirait de filet de sécurité pour les investisseurs privés.

Un expert à l’Institut des finances publiques et de la démocratie de l’Université d’Ottawa estime que le gouvernement libéral n’a pas été aussi clair dans ses déclarations publiques. «Puisque les investisseurs privés seraient payés en premier, le risque lié aux revenus d’exploitation serait beaucoup moins grand pour eux», estime Randall Bartlett, économiste en chef à cet institut présidé par l’ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page.

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