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Un caporal de la GRC fustige son grand patron

Photo: La Presse Canadienne
Michael Tutton, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Un caporal de la GRC qui a «perdu trois amis» lors de la fusillade de Moncton en 2014 condamne vertement le témoignage du grand patron de la police fédérale lors du procès au civil pour violations du Code du travail.

Dans une lettre ouverte publiée sur Facebook, le caporal Patrick Bouchard soutient que le commissaire Bob Paulson a fait preuve d’un manque de leadership flagrant dans son témoignage la semaine dernière. Il le tient par ailleurs «responsable personnellement» de la mort des trois collègues de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) abattus par Justin Bourque le 4 juin 2014.

Le caporal soutient que le «gestionnaire», qu’il refuse d’appeler «dirigeant», a placé l’argent et l’image devant la sécurité des policiers qu’il avait juré de protéger en prêtant son serment d’office. M. Bouchard soutient que le grand patron de la GRC a laissé tomber ses policiers.

La GRC est accusée d’avoir violé le Code du travail parce que ses agents, selon la Couronne, ne disposaient pas de l’équipement et de la formation nécessaires pour assurer leur sécurité lors de fusillades comme celle de Moncton.

Dans son témoignage au procès, jeudi dernier, le commissaire Paulson a soutenu qu’au moment de décider d’armer ses agents de carabines, l’état-major de la GRC craignait qu’une trop grande «militarisation» de la police fédérale serait mal reçue par la population.

Or, ces carabines de fort calibre n’avaient pas encore été distribuées à Moncton lors de la fusillade de 2014. Plusieurs témoins ont soutenu au procès que ces armes, plus puissantes que le pistolet de service, auraient pu modifier le cours des événements face à ce forcené lourdement armé. La décision de les acquérir a été prise en 2011 mais le déploiement, qui devait se faire progressivement, a subi plusieurs retards.

Arsenal ostentatoire
M. Paulson a par ailleurs soutenu au procès que les policiers de la GRC devaient pouvoir démontrer leur capacité à utiliser la force sans pour autant l’exhiber de façon ostentatoire. «Nous avons des chars d’assaut, des drones et des mitraillettes, mais est-ce qu’on va se présenter avec une carabine pour un vol à l’étalage?», a-t-il plaidé.

Le caporal Bouchard, policier à la GRC depuis 15 ans, a travaillé à Moncton avec les victimes de la fusillade. Il a «reçu comme une gifle» le témoignage du commissaire Paulson. Dans une entrevue téléphonique, il ne comprend pas pourquoi le grand patron de la GRC était prêt à sacrifier la sécurité de ses agents pour éviter que la police fédérale «ait l’air trop dure».

«La militarisation de la police reflète ce qu’est devenue la société. Si vous enlevez aux policiers les outils pour accomplir leur travail, vous leur coupez les deux jambes.»

M. Bouchard, aujourd’hui affecté au détachement de Miramichi, estime que le commissaire Paulson doit assumer l’entière responsabilité pour le retard qui a entouré le déploiement des carabines à l’échelle du pays. «C’est resté sur son bureau alors que c’était à lui, à titre de dirigeant, de prendre la décision finale.»

Le caporal soutient que la lettre ouverte a aussi été envoyée au commissaire Paulson, qui n’y aurait pas répondu. M. Bouchard soutient par contre qu’il a reçu depuis des dizaines d’appels et près de 800 mentions «J’aime» sur Facebook, plusieurs provenant d’anciens ou d’actuels agents de la GRC.

M. Paulson, qui doit prendre sa retraite à la fin du mois, n’a pas répondu à nos demandes d’entrevue, jeudi.

Les plaidoiries finales dans ce procès au civil sont prévues pour le début de juillet, devant le juge Leslie Jackson, de la Cour provinciale.

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