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Cannabis: craintes des employeurs et des syndicats

DARRYL DYCK / La Presse Canadienne Photo: DARRYL DYCK
Lia Lévesque, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Productivité en baisse, absentéisme, accidents de travail, tests de dépistage, tolérance zéro, les craintes quant au cannabis en milieu de travail sont nombreuses.

À l’occasion des consultations régionales sur le cannabis, jeudi à Montréal, tant la Fédération des chambres de commerce du Québec que la FTQ — la plus grande centrale syndicale du Québec — ont fait part de leurs craintes, depuis que le gouvernement fédéral a annoncé son intention de légaliser le cannabis l’an prochain, en laissant aux provinces le soin d’encadrer le tout.

La Fédération des chambres de commerce du Québec parle d’une situation «intenable» pour les employeurs.

Au cours d’une entrevue, son pdg, Stéphane Forget, a souligné que des études réalisées dans des pays où le cannabis a été légalisé ont démontré une diminution de la productivité des travailleurs ainsi qu’une augmentation de l’absentéisme et des problèmes de santé mentale.

M. Forget craint aussi une augmentation des accidents de travail, dans un contexte où les tests de dépistage ont leurs limites.

«On va être capable, avec certains tests, de dire s’il a consommé il y a six jours, 30 jours ou il y a six ou huit heures, mais par la suite, la capacité de déterminer s’il y a capacités affaiblies, ça, c’est très difficile à démontrer», a-t-il résumé.

Les experts ont effectivement déjà expliqué que l’alcool et le cannabis dans le sang ne peuvent être évalués de la même façon.

«On ne peut pas demander à tous les employeurs de devenir des spécialistes de la détection pour des situations qui leur arriveront à l’occasion», s’exclame M. Forget.

Les enjeux, selon lui, portent davantage sur la détermination des facultés affaiblies, les accidents du travail et le partage des coûts entre les assurances privées des employeurs, la CNESST (Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail) et la Régie de l’assurance-maladie du Québec.

«La jurisprudence est claire: les tests aléatoires ne sont pas permis. La jurisprudence tranche en faveur du droit à la vie privée des citoyens», relève le porte-parole d’employeurs.

Syndicats

Mais la FTQ, elle, continue de craindre que des employeurs généralisent les tests de dépistage et qu’ils adoptent des politiques de tolérance zéro, qui empiéteraient trop sur la vie privée des travailleurs.

«Déjà il y a de la jurisprudence sur des tests aléatoires. Les employeurs n’ont pas le droit de passer des tests pour n’importe quel motif. Il doit y avoir un motif raisonnable; ils doivent constater que le travailleur n’est pas dans un état habituel ou que son état peut mettre en danger sa santé ou sa sécurité ou celle de ses collègues de travail», rappelle le secrétaire général de la FTQ, Serge Cadieux, en entrevue.

M. Cadieux craint le manque de balises, le manque de jurisprudence, encore, sur le cannabis.

Il rappelle que des études ont déjà démontré que le cannabis reste longtemps dans le sang, bien plus que l’alcool, même quand la personne est sobre. Un travailleur pourrait donc en consommer le week-end et en avoir encore dans le sang le lundi matin lorsqu’il rentre au travail, tout en étant sobre.

Cela pourrait entraîner des congédiements à cause d’une politique de tolérance zéro dans une entreprise, par exemple, craint le numéro deux de la FTQ. «On va être obligé de plaider la Charte des droits et libertés, parce qu’on s’introduit dans la vie privée. Tout ça n’est pas encadré», déplore M. Cadieux.

La FTQ propose donc que le gouvernement mette de l’avant des mesures de prévention en amont.

Elle conseille aussi d’assujettir toutes les entreprises de plus de 20 employés aux dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, donc d’avoir des comités de prévention.

Aussi, la FTQ possède déjà un réseau de 3000 délégués sociaux qui peuvent venir en aide à leurs collègues aux prises avec des problèmes personnels.

Les consultations se poursuivront vendredi à Montréal. La CSN et le SCFP, deux organisations syndicales qui représentent des syndiqués de la Société des alcools, plaideront notamment pour que l’État prenne en charge la distribution du cannabis.

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