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Cannabis: Ottawa violera peut-être des traités

Justice Minister Jody Wilson-Raybould introduces Agriculture Minister Lawrence MacAulay during a news conference in Vancouver, B.C., on Tuesday August 15, 2017. MacAulay announced that the Canadian Food Inspection Agency will lead two projects that use new DNA-based technologies to reduce quarantine testing time of fruit plants being imported and exported. THE CANADIAN PRESS/Darryl Dyck Photo: Darryl Dyck/La Presse canadienne
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le Canada violera possiblement pendant un certain temps les traités internationaux sur le trafic de stupéfiants dont il est signataire en légalisant le cannabis au pays, reconnaît-on au gouvernement fédéral.

Le cabinet n’a pas encore pris de décision sur la marche à suivre pour les trois conventions internationales en jeu, mais cela devrait être fait au courant de la session d’automne, a indiqué jeudi une source gouvernementale.

«Peut-être y aura-t-il un moment où on violera des traités, mais on aura signalé notre position. On veut saisir l’occasion pour dire au monde pourquoi on a pris cette décision, en espérant que d’autres pays verront que la guerre contre la marijuana ne fonctionne pas», a dit la source.

Les libéraux souhaitent que la substance soit légalisée d’ici le 1er juillet 2018. Ils auraient dû annoncer le 1er juillet dernier que le Canada souhaitait se retirer des conventions internationales contre les stupéfiants dans le délai requis d’un an — ce qui n’a pas été fait.

Un retrait pur et simple du Canada des traités dont il est signataire ne semble pas une option que l’on privilégie — ce serait «difficile», car ils concernent le contrôle de toutes les drogues illégales, et non spécifiquement la marijuana, a indiqué la source du gouvernement.

Ottawa pourrait par ailleurs tenter de convaincre suffisamment de pays signataires d’autoriser une «réserve» — un astérisque que l’on ajouterait aux textes pour préciser que le Canada est en contravention pour le cannabis, mais que les autres pays acceptent qu’il demeure signataire.

L’option de renégocier carrément les traités onusiens, elle, ne semble pas réaliste — car «quand on ouvre un traité, on ne sait pas où ça mène; c’est un petit peu comme la Constitution canadienne», a illustré la source gouvernementale.

Le porte-parole de la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, a signalé jeudi que «plusieurs éléments, dont le respect de nos obligations internationales», étaient en cours d’analyse.

«Notons que quatre États américains ont déjà légalisé la marijuana alors que quatre autres ont voté pour la légalisation», a soutenu Adam Austen, soulignant qu’Ottawa travaille «avec ses partenaires internationaux en matière de promotion de la santé publique et de lutte contre le trafic de drogue».

Les trois traités internationaux que pourrait violer le Canada sont la Convention unique sur les stupéfiants de 1961, la Convention sur les substances psychotropes de 1971 et la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes de 1988.

Le comité permanent de la santé entendait jeudi un panel d’experts venus exposer certaines des implications internationales de la légalisation du cannabis, qui se fera avec l’adoption du projet de loi C-45.

Selon un mémoire déposé par l’un de ces témoins, Steven Hoffman, professeur à l’Université York, si les efforts visant à établir une réserve échouaient, Ottawa devrait «se retirer de ces traités afin d’éviter de miner le droit international et sa position à l’échelle internationale».

Un autre témoin, Beau Kilmer, du RAND Drug Policy Research Centre, a discuté d’une autre ramification internationale de la légalisation du pot: celle des Canadiens qui se voient refuser l’entrée en sol américain en admettant aux douaniers qu’ils ont consommé de la marijuana.

«On ne sait pas clairement si les États-Unis changeront d’approche (…) ni si, le cas échéant, leur approche serait plus ou moins stricte», a-t-il fait remarquer dans son mémoire, l’un des 114 reçus par le comité permanent de la santé en date du 14 septembre.

À la toute première journée des audiences du comité, lundi, une responsable de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a affirmé que cet enjeu avait été identifié et discuté avec les autorités américaines, mais «pas résolu».

En conférence de presse à Ottawa, jeudi, le député néo-démocrate Don Davies a enjoint au gouvernement libéral «d’entamer immédiatement des pourparlers avec les autorités des États-Unis pour conclure une entente qui empêchera tout traitement injuste à la frontière».

Il s’agit d’une première requête officielle que formule le Nouveau Parti démocratique (NPD) à la lumière des témoignages devant le comité, qui poursuivait jeudi son étude intensive du projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis.

Plusieurs des témoins qui ont défilé jeudi devant les élus ont fait état de leur inquiétude par rapport à la volonté du gouvernement de Justin Trudeau de faire adopter C-45 à toute vapeur, comme d’autres l’avaient fait au cours des journées précédentes.

Des représentants de communautés autochtones, dont le chef régional de l’Ontario, Isadore Day, ont regretté de n’avoir pas été suffisamment consultés par le gouvernement libéral, notamment sur les questions de la gouvernance et de la vente sur les réserves.

À l’issue de sa comparution, le chef Day a signalé que certaines des quelque 130 communautés de l’Ontario voudront probablement invoquer des dispositions de la Loi sur les Indiens pour empêcher la vente de marijuana sur leur territoire.

«Les communautés y auront recours (…) Certaines communautés vont dire: ‘Écoutez, nous ne sommes pas prêtes’ (…) Ce sera le droit et la décision collective de chaque communauté», a-t-il exposé.

Le comité permanent de la santé, qui a été convoqué avant la reprise officielle des travaux à Ottawa, se réunira de nouveau vendredi. Mardi soir prochain, alors que les députés seront rentrés au boulot à Ottawa, trois ministres témoigneront devant les élus.

Les députés auront alors l’occasion de questionner les ministres de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, de la Justice, Jody Wilson-Raybould, et de la Sécurité publique, Ralph Goodale.

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