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Les demandes de Trump menacent l'ALÉNA

WASHINGTON — L’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) a célébré cette année son 23e anniversaire, mais on se demande de plus en plus s’il survivra à sa 24e année d’existence.

Le président américain Donald Trump a menacé de se retirer de l’entente s’il n’obtient pas ce qu’il veut. Ses demandes — d’une augmentation de la production de voitures aux États-Unis jusqu’à l’octroi de davantage de contrats gouvernementaux aux entreprises américaines — pourraient toutefois bien être inacceptables pour ses partenaires au sein de l’ALÉNA, le Canada et le Mexique.

La quatrième ronde de négociations pour une refonte de l’ALÉNA s’est ouverte dimanche à Arlington, en Virginie. Témoignant des difficultés rencontrées, les trois pays ont prolongé de deux jours, jusqu’à mardi, les pourparlers.

«Que fera l’administration (Trump)? Seront-ils patients et essaieront-ils de trouver une solution?, demande Phil Levy, un chercheur du Chicago Council of Global Affairs. Ou bien se saisiront-ils de ce prétexte pour dire, « Eh bien, nous avons essayé les négociations; elles ont échoué. Maintenant, faisons tout sauter »?»

La destruction de l’entente semble être l’option privilégiée par M. Trump. Lors de la dernière campagne présidentielle, il avait déclaré que l’ALÉNA était un désastre anéantissant les emplois. Et dans une entrevue publiée mardi par le magazine «Forbes», il a dit: «Je pense que l’ALÉNA devra être démoli si nous voulons l’améliorer. Autrement, je ne pense pas que nous puissions négocier une bonne entente.»

M. Levy estime que les chances de survie de l’ALÉNA sont inférieures à 50 pour cent.

La disparition de l’ALÉNA enverrait des secousses économiques à travers tout le continent. Les fermiers américains dépendent du marché mexicain. Les manufacturiers ont mis en place des chaînes d’approvisionnement complexes qui traversent les frontières des pays membres de l’ALÉNA. Les consommateurs profitent de coûts plus faibles. L’ALÉNA a effacé la plupart des barrières commerciales entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, menant à une explosion des échanges commerciaux entre les trois pays.

Les détracteurs de l’entente rétorquent toutefois qu’elle a délocalisé des milliers d’emplois manufacturiers américains vers le Mexique, où les entreprises profitent d’une main-d’oeuvre bon marché.

Avant le début des discussions en août, plusieurs groupes espéraient que l’administration Trump se contenterait de quelques ajustements — par exemple, en révisant l’accord pour tenir compte de l’apparition du commerce électronique. Le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, a toutefois annoncé dès le départ que Washington exigeait une refonte en profondeur.

Washington a mis sur la table trois demandes qu’Ottawa et Mexico jugeront vraisemblablement inacceptables: qu’une plus grande production automobile ait lieu aux États-Unis pour pouvoir profiter des avantages de l’ALÉNA; que davantage de contrats gouvernementaux offerts au sein de l’ALÉNA soient confiés à des entreprises américaines; et que l’ALÉNA expire si les trois partenaires ne conviennent pas régulièrement de sa prolongation.

Les États-Unis veulent aussi se débarrasser du processus de résolution de conflits auquel le Canada tient mordicus.

Trudeau reste optimiste

En visite à Washington mercredi, le premier ministre canadien Justin Trudeau a dit aux journalistes qu’il «est très important et très possible d’avoir une issue gagnant-gagnant-gagnant» aux pourparlers sur l’ALÉNA. Il a ensuite reconnu que «nous devons être prêts pour tout, et nous le sommes».

Les négociateurs font face à des pressions pour parvenir à un accord dès cette année, avant que l’élection présidentielle au Mexique et les élections de mi-mandat aux États-Unis ne fassent grimper les enjeux politiques en 2018.

«L’administration (Trump) s’est donné comme mission de procéder à une refonte en profondeur d’ici Noël, dit M. Levy. Je ne suis pas surpris que l’ambassadeur Lighthizer n’ait pas encore réussi à compléter la quadrature du cercle.»

Si les États-Unis se retirent de l’ALÉNA, les barrières commerciales avec le Canada et le Mexique réapparaîtront. L’avocat commercial Daniel Ujzco croit que le Canada et le Mexique risquent de demander un temps d’arrêt si les États-Unis insistent trop sur leurs demandes controversées.

«La stratégie du Canada et des États-Unis sera probablement de faire une pause», explique-t-il. Cela permettrait «au processus intérieur américain de s’enclencher», et on verrait différents groupes commerciaux et agricoles se porter à la défense de l’ALÉNA.

Les partisans de l’accord commercial ont d’ailleurs déjà commencé à se mobiliser. Dans un discours prononcé mardi à Mexico, le président de la Chambre de commerce des États-Unis, Thomas Donohue, a lancé une mise en garde musclée: «Nous allons nous battre comme des démons pour protéger l’entente», a-t-il promis.

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