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Quand personne ne veut se présenter à la mairie

Giuseppe Valiante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Lise Déry, mère monoparentale et mairesse sortante d’une petite ville en Mauricie, a décidé de ne pas se présenter aux élections cette année pour passer plus de temps avec son fils de neuf ans. Le problème, c’est qu’il n’y a personne pour la remplacer.

Saint-Stanislas, une communauté d’environ 1000 habitants située entre Trois-Rivières et Québec, est l’une des cinq municipalités de la province où personne ne se présente au poste de maire en vue des élections municipales du 5 novembre.

De plus, les citoyens d’environ la moitié des 1100 municipalités du Québec n’auront pas à voter ce jour-là étant donné que leur candidat à la mairie a été élu par acclamation, faute d’opposition.

Le manque de choix est un problème qui touche principalement les petites villes, où la faible rémunération et l’horaire difficile éloignent plusieurs candidats potentiels — surtout les gens avec de jeunes enfants, selon des experts.

Parmi les 203 municipalités où l’ensemble du conseil municipal a été élu par acclamation cette année, 164 d’entre elles comptent moins de 2000 habitants.

Les huit plus grandes villes du Québec ont au moins trois personnes qui briguent le poste de maire et dans les trois plus populeuses — Montréal, Québec et Laval —, on compte respectivement huit, six et sept candidats.

Mme Déry, dont le revenu principal provient de son travail de technicienne en laboratoire dans une pharmacie, n’a appris que récemment combien elle gagnait comme mairesse — et c’est un bien maigre salaire.

«Je n’avais jamais pris en considération ce que c’était, puis je l’ai lu dans un autre article qui a passé, je crois, dans « Le Soleil », où on disait 10 433 $ pour l’année», a-t-elle déclaré.

Dans son cas, ce n’était pas nécessairement le salaire qui était le problème principal, parce qu’elle retourne au conseil municipal en tant que conseillère, où l’horaire est plus stable.

«Je suis une mère monoparentale. Malgré le fait que j’ai une très bonne relation avec le père (de son fils), un moment donné, quand on a des réunions pratiquement tous les soirs, ça devient plus difficile.»

«(Son fils) avait commencé à manifester le fait qu’il commençait à trouver (la situation) difficile aussi de son côté, de savoir que sa mère était toujours absente.»

Le paradoxe des petites villes
Laurence Bherer, professeure à l’Université de Montréal qui étudie l’engagement citoyen, estime que la situation dans les petites villes relève du paradoxe.

«Dans les plus petites municipalités, ce sont les endroits où il y a le plus d’élections sans opposition, mais lorsqu’il y a une élection, ce sont aussi les endroits où on vote le plus», a-t-elle analysé.

Selon la spécialiste, même les petites villes de 1000 habitants ont besoin de six membres au conseil municipal pour bien fonctionner.

Le gouvernement québécois pourrait fusionner des petites municipalités, mais dans ce cas, ce serait plus difficile pour les élus de visiter toute leur région.

«On a vraiment un problème qui n’est pas si évident», a indiqué Mme Bherer.

Sandra Breux, qui étudie la démocratie municipale à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), souligne que ce phénomène n’est pas nouveau et que chaque municipalité est différente.

Conditions difficiles
Dans les petites villes, tout le monde connaît le maire ou la mairesse, ce qui pourrait dissuader certaines personnes de briguer son poste s’il fait du bon travail.

«Il est certain que la profession d’élu municipal a besoin d’être redorée. On a besoin de montrer à quel point le travail de ces personnes est essentiel, à quel point il est chronophage, et à quel point la rémunération est faible pour toute l’énergie que cela demande. C’est sûr que le salaire n’est pas à la hauteur de la tâche», a-t-elle soutenu.

Mme Breux ajoute qu’un maigre salaire pour un maire signifie qu’il doit avoir un autre emploi en plus, et «ça veut dire que vous devez faire plein de concessions».

«C’est sûr que pour les femmes en politique qui sont mères de famille, la situation est beaucoup plus difficile, étant donné qu’effectivement, toutes les rencontres ont lieu en soirée. C’est une logistique assez difficile à organiser.»

La stabilité, un atout?
La Ville de Candiac, au sud de Montréal, s’est vue attribuer trois nouveaux conseillers pour cette élection puisque la population a récemment dépassé les 20 000 habitants.

Les huit conseillers, ainsi que le maire Normand Dyotte, ont été élus par acclamation.

«La ville a 60 ans, on est quand même une ville jeune. Je suis seulement le quatrième maire en 60 ans», a affirmé M. Dyotte, qui en est à son troisième mandat.

«Il y a une continuité qui s’est installée à Candiac, la population fait confiance à ses maires et à ses membres du conseil», a-t-il poursuivi.

Selon lui, cette continuité est un atout — les changements électoraux nécessitent une période d’adaptation, alors que certains dossiers se voient modifiés ou même annulés, a-t-il fait remarquer.

«Les gens sont heureux, restent dans la ville, ont des bons services. On a de bons employés qui donnent de bons services», a-t-il indiqué.

«Tout le monde est invité à poser sa candidature, c’est tout à fait normal. Nous, on était prêt à faire face à la musique si c’était le cas.»

À Saint-Stanislas, une nouvelle période de mise en candidature s’ouvrira à la fin du mois d’octobre pour pourvoir le poste de Mme Déry.

«On va souhaiter qu’il y ait quelqu’un qui se présente, sinon, l’étape qui suit, c’est le ministre qui pourrait nommer quelqu’un au poste.»

Les élections municipales au Québec auront lieu le 5 novembre.

Les élections municipales en chiffres

  • 8015 postes de conseillers ou de maires sont en jeu.
  • 4046 femmes se présentent aux élections, dont 385 pour un poste de mairesse, ce qui équivaut à 31,3 pour cent du total des candidatures.
  • 4382 maires et conseillers ont été élus par acclamation.
  • 79 postes municipaux sont restés vacants, dont cinq postes de maire.
  • 28 maires ont été élus sans opposition, parmi les 1100 postes à pourvoir.
  • 3854 conseillers ont été élus sans opposition, parmi les 6915 postes à pourvoir.

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