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Plaidoyer pour la fin des balles de plastique

Photo: Archives

Venus manifester, ils ont été blessés gravement par des projectiles «intermédiaires» de la police. Aujourd’hui réunis dans le collectif Manifester sans peur, ils réclament l’abolition «pure et simple» de ces «armes dangereuses».

«Personne ne devrait perdre son intégrité en donnant son opinion», souligne Francis Grenier, qui a perdu l’usage d’un œil après avoir été atteint par une grenade assourdissante en mars 2012. Depuis, il dit avoir «peur de tout ce qui est détonation et bruits sourds». «Je ne vais plus dans des grands rassemblements, j’évite les foules, je n’ai plus été manifesté, témoigne-t-il. Ça me brime encore aujourd’hui dans mon droit de m’exprimer.»

Dominique Laliberté-Martineau, Maxence Valade et Alexandre Allard, qui font partie du collectif ont quant à eux été blessés lors d’une manifestation à Victoriaville, le 4 mai 2012. Les trois ont été atteints par des balles de plastique. «Ce sont des armes qui peuvent être mortelles, qui ont une force incroyable et disproportionnée par rapport à la menace à laquelle font face les policiers», juge M. Valade.

«On doit se remettre en question quant à l’utilisation de ces armes. Je refuse qu’il y ait d’autres blessés, ou qu’on attende un décès pour demander leur interdiction», soutient Mme Laliberté-Martineau.

En plus de réunir des victimes, le collectif est notamment composé de Julien Villeneuve, professeur au Collège de Maisonneuve, Marcos Ancelovici, professeur au département de sociologie de l’UQAM, et est appuyé par la Ligue des droits et libertés.

«Les armes intermédiaires d’impact et les armes explosives sont dangereuses et imprécises dans le cadre de manifestations et les différents corps policiers en font un usage désinvolte, sans égard au risque encouru par les manifestants.» – Julien Villeneuve, professeur de philosophie au Collège de Maisonneuve et membre du collectif

Si le débat refait surface, près de 17 ans après le Sommet des Amériques – où Mathieu Harvey, un autre membre du collectif, a subi une fracture du crâne – et près de six ans après le printemps érable, c’est que deux jugements favorables ont été rendus récemment envers les manifestants. Un en déontologie policière pour les événements de Victoriaville, et un en Cour supérieure dans le cas de Francis Grenier.

«C’est un peu frustrant que ça prenne un juge pour dire ce que nous on sait déjà et que ce soit pris au sérieux, mais c’est sûr que c’est positif, croit Julien Villeneuve. Ça aide à rendre notre discours plus crédible.»

Selon Dominique Laliberté-Martineau et Francis Grenier, les jugements donnent un côté «véridique à la chose», du fait que les cas sont bien documentés, avec notamment des vidéos qui ont servi de preuves. «Avant d’avoir le jugement, mes blessures et les raisons de celles-ci ont toujours été remises en cause, relate M. Grenier. Maintenant, j’ai le jugement qui en atteste. Mes blessures sont réelles.» Celui-ci a d’ailleurs obtenu 175 000$ en dommages de la part de la Ville de Montréal, à la suite du procès.

M. Ancelovici croit que ces règlements, en cour ou hors cour, sont «bien et nécessaires», mais que «le mal est fait». «La raison pour laquelle on met l’accent sur l’interdiction est que ça aurait été beaucoup mieux que ça n’ait pas lieu», ajoute-t-il.

Le collectif souhaite interpeller les différents paliers de gouvernement sur cet enjeu, d’autant plus que de telles armes pourraient être utilisées en marge de la réunion du G7, qui se tiendra ce printemps dans Charlevoix.

Aucune demande de rencontre officielle n’a été faite pour l’instant. Au cabinet du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, on indique que «si une demande est faite, nous l’analyserons».

En décembre, la responsable de la sécurité au comité exécutif de la Ville de Montréal, Nathalie Goulet, avait déclaré que «revoir toutes les techniques de dispersion de foule» et «interdire l’utilisation des balles de plastique» sont des «engagements forts» de l’administration municipale. Elle disait qu’elle s’y pencherait «dans la prochaine année», mais ne pas «avoir pu démarrer des travaux précis» avec le Service de police de la Ville de Montréal. Mme Goulet n’était pas disponible pour une entrevue mardi.

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