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Sources journalistiques: Radio-Canada va en appel

Caroline Plante, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

QUÉBEC — La journaliste Marie-Maude Denis, de Radio-Canada, devra témoigner au procès Côté-Normandeau et dévoiler ses sources, a tranché un juge de la Cour supérieure, jeudi. Le diffuseur public a fait savoir sur-le-champ qu’il portera la décision en appel.

Radio-Canada a dit considérer que le jugement est mal fondé et qu’il représente un danger pour le droit du public à l’information.

«La protection des sources confidentielles est fondamentale à l’exercice du journalisme d’enquête, a affirmé Michel Cormier, directeur général de l’information à Radio-Canada, dans un communiqué. Ce principe est reconnu par une loi fédérale et a été confirmé par un jugement favorable de la Cour suprême du Canada.»

La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) s’est également dite «extrêmement inquiète» que le jugement fasse jurisprudence et change «à tout jamais le travail des journalistes au Canada».

Le juge Jean-François Émond, de la Cour supérieure, permet ainsi à la défense d’interroger la journaliste au sujet des sources qui lui ont fourni des renseignements diffusés dans le cadre de deux reportages: «Anguille sous Roche» du 12 avril 2012 et «Ratures et Ruptures» du 10 décembre 2015.

Il n’en sera pas de même pour le journaliste Louis Lacroix, de Cogeco, qui lui n’aura pas à témoigner.

«Je suis évidemment heureux de la décision dans mon cas, mais c’est une victoire partielle puisque le juge Émond maintient l’assignation à comparaître de Marie-Maude Denis pour certains de ses reportages», a réagi M. Lacroix, dans une déclaration écrite.

Les conditions dans lesquelles Mme Denis devra témoigner devront être établies par la Cour du Québec. Il pourrait notamment être question de la faire témoigner à huis clos, et/ou de faire promettre aux avocats de garder l’information secrète, comme cela se fait en matière de secret professionnel.

Chose certaine, des mesures pourront être prises pour protéger l’identité des sources, a statué le magistrat dans sa décision d’une trentaine de pages rendue publique jeudi après-midi.

Il s’est montré généralement sensible aux arguments de l’avocat de Marc-Yvan Côté, Jacques Larochelle, qui a plaidé que les nombreux reportages médiatiques ont nui à son client et l’empêchent d’avoir un procès juste et équitable.

L’avocat tente à tout prix de savoir qui est à l’origine des fuites dans les médias et de comprendre ses motivations. L’importance de ces renseignements est «incontestable», selon lui.

Il dit avoir recensé 15 épisodes de «coulage» d’information entre avril 2012 et novembre 2017. La «planification», la «logique» et la «finesse» des fuites supposent qu’elles proviennent d’un haut placé, a-t-il soutenu devant le tribunal, le 1er mars dernier.

Les fuites sont d’une gravité «indéniable», a déclaré le juge Émond dans sa décision, jeudi. Refuser à l’avocat d’interroger la journaliste pour connaître ses sources, «l’on se trouverait à fermer les yeux sur une inconduite policière systémique qui, pour reprendre les termes de l’appelant, érode le système de justice et perpétue une injustice», a-t-il poursuivi.

«Le fait que (les fuites) se soient perpétuées sur une aussi longue période sans que les autorités ne puissent y faire quoi que ce soit constitue un risque réel pour l’intégrité du processus judiciaire. (…) Ce serait un euphémisme de dire que la présomption d’innocence en a pris pour son rhume.»

Les journalistes «minimisent l’injustice dont l’appelant se dit victime», a renchéri le juge.

Le procès de Marc-Yvan Côté, un ex-dirigeant de la firme Roche, de l’ex-vice première ministre du Québec Nathalie Normandeau et de quatre coaccusés pour fraude et abus de confiance doit débuter le 9 avril prochain. Ils ont été arrêtés par l’Unité permanente anticorruption (UPAC) en mars 2016 dans le cadre d’une enquête portant sur l’octroi de financement politique en échange de contrats publics.

Me Larochelle réclame l’annulation du procès, notamment parce que les fuites auraient «heurté de plein fouet la présomption d’innocence» de son client, une «victime collatérale».

Le 12 février dernier, le juge André Perreault, de la Cour du Québec, avait rejeté sa démarche pour forcer les journalistes à témoigner, citant notamment la loi fédérale sur la protection des sources journalistiques, adoptée en octobre 2017.

Par ailleurs, le juge Perreault, qui devait rendre une décision sur les requêtes en arrêt des procédures le 26 mars, a annoncé qu’il reportait cette décision.

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