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Des fidèles unis contre la fermeture d’églises

Paul Chiasson / La Presse Canadienne Photo: Paul Chiasson / La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Depuis plus de 150 ans, l’église de Sainte-Sophie trône au centre du village, ses cloches résonnant chaque semaine comme pour appeler les fidèles à venir prier.

Mais alors que très peu d’entre eux répondent à cet appel tous les dimanches, cette petite ville située au nord de Montréal fait face à une possibilité qui aurait semblé impossible auparavant: un avenir sans église.

Le diocèse catholique de Saint-Jérôme, dans les Laurentides, songe à diminuer considérablement le nombre d’édifices qu’il entretient et les fidèles ont déjà signifié qu’ils se battraient pour ne pas que leur église ferme ses portes.

Le comité qui examine les options du diocèse n’a pas confirmé combien d’églises pourraient être fermées, mais selon le quotidien «La Presse» et des journaux locaux, jusqu’à 33 des 54 églises du diocèse seraient menacées à partir de cet été.

Une annonce sera faite en juin, selon le diocèse.

La nouvelle n’est pas bien accueillie chez certains résidants de Sainte-Sophie, qui ont fondé un groupe pour sauver l’église.

Ses membres tentent entre autres d’augmenter l’affluence à la messe du dimanche et de démontrer aux autorités religieuses que la communauté est prête à travailler pour trouver des solutions.

Stéphan Filion, le fondateur du groupe, se demande toutefois si le comité envisage vraiment d’autres options.

«La meilleure chose qu’on a à faire, c’est de se montrer présent et de montrer notre attachement, mais est-ce qu’on va être vraiment sollicités, est-ce qu’on va vraiment être questionnés pour la suite des choses?», a-t-il expliqué en entrevue téléphonique.

«Ça ne semble pas être le cas pour l’instant, mais c’est sûr que si on reste chacun de notre côté, pis qu’on n’intervient pas, jamais personne ne va nous poser la question.»

Des frais d’entretien exorbitants

Bien que l’église ne veuille pas fermer des édifices, l’affluence décroissante et l’entretien grandissant ne leur laissent que peu de choix, selon le vicaire général du diocèse.

«Il y a des paroisses qui sont présentement en faillite technique, a déclaré Martin Tremblay en entrevue. Il y a des paroisses qui n’ont pas suffisamment d’argent pour fonctionner.»

Mgr Tremblay souligne que les frais de chauffage seulement oscillent entre 20 000 et 40 000 $ annuellement pour chaque église. Cela ne comprend pas les coûts d’assurance, d’entretien et de rénovations majeures — une facture qui peut parfois s’élever à plusieurs centaines de milliers de dollars.

Selon lui, l’église devrait investir ses ressources dans les salaires et les activités qui soutiennent sa mission de propager le message de Dieu.

Mais même les congrégations qui ne doivent pas composer avec des frais d’entretien disent avoir des raisons de s’inquiéter.

Un porte-parole pour l’église de Saint-Francois-Xavier dit avoir appris de manière «indirecte» que sa congrégation est parmi celles qui pourraient voir leur édifice menacé de fermeture, et ce, même si l’église appartient maintenant à la ville de Prévost.

Robert Lévesque, président de l’Assemblée de Fabrique de la Paroisse St-François-Xavier qui gère la paroisse, rassemble la communauté et tient des événements avec les dirigeants locaux et les paroisses avoisinantes afin de convaincre les autorités religieuses de garder son église ouverte et de lancer un projet pour attirer plus de jeunes.

Même si la commission recommande la fermeture de son église en juin, il assure qu’il ne lâchera pas.

«En réalité, c’est comme recevoir un bon coup de poing dans un match de boxe, mais je ne serai pas « knocké ». Je vais continuer à me battre, je vais faire un autre round, c’est sûr», a-t-il déclaré.

«Ce n’est pas parce qu’aujourd’hui, ils décident de nous fermer, qu’on ne peut pas aller dans un autre rencontre, une autre démarche, pis faire la preuve qu’en réalité, ce n’était pas la bonne décision, pis qu’on peut rouvrir.»

Plusieurs fermetures depuis des années

Le diocèse de Saint-Jérôme n’est pas le seul à être forcé à prendre cette décision difficile.

Selon le Conseil du patrimoine religieux du Québec, qui vise à préserver le patrimoine religieux, 500 endroits de culte — soit 18 pour cent du total — ont été vendus, fermés ou reconvertis depuis 2003.

Depuis 2011, environ 40 églises ferment par année, selon l’organisation.

Alain Faubert, évêque auxiliaire à l’archidiocèse de Montréal, indique qu’environ 50 églises ont été fermées ou vendues dans la métropole dans les 20 à 30 dernières années. Plusieurs de ces édifices ont été vendus à d’autres groupes chrétiens.

Les autorités de Montréal examinent toujours d’autres options avant d’en venir là, selon lui. Elles envisagent parfois de partager l’espace avec des organisations communautaires.

«Une église c’est plus qu’un lieu de culte, a soutenu Mgr Faubert. C’est une espèce de centre de vie, et de services de dignité et de solidarité au coeur d’un quartier.»

Les églises de Montréal ont hébergé des réfugiés, des garderies, des rencontres d’Alcooliques anonymes, des banques alimentaires et des itinérants, selon Mgr Faubert.

Mais dans des régions rurales, il y a peut-être moins d’options, reconnaît-il.

Inquiétudes pour l’avenir

Devant cette possibilité de fermeture, des villes comme Sainte-Sophie se demandent ce qui arrivera au cimetière, et ce qu’il adviendra de l’espace qui était occupé par l’église — à savoir s’il pourrait être reconverti en condominiums ou en pharmacie.

M. Filion s’inquiète aussi des fidèles plus âgés, qui pourraient être tentés de manquer la messe, au lieu de se rendre dans d’autres villes.

Selon Mgr Tremblay, les paroissiens s’adapteront.

«L’Église catholique, à ses débuts de l’histoire, elle n’avait pas d’église, puis elle fonctionnait, alors c’est sûr qu’on n’en a pas besoin de fonctionner, on a simplement besoin d’un endroit pour se rassembler», a-t-il conclu.

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