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L'action collective contre Rozon a été autorisée

Gilbert Rozon
Gilbert Rozon a témoigné aujourd'hui à son procès pour se défendre. Photo: Josie Desmarais/Métro
Stéphanie Marin, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

MONTRÉAL — L’action collective des «Courageuses», ce groupe de présumées victimes d’agressions sexuelles et de harcèlement par le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, peut maintenant aller de l’avant.

Dans une décision rendue mardi, le juge Donald Bisson de la Cour supérieure a autorisé le recours civil dirigé contre l’homme d’affaires bien connu.

Il accorde au groupe «Les Courageuses» le droit de réclamer, au nom de toutes «les personnes agressées et/ou harcelées sexuellement par Gilbert Rozon», jusqu’à 10 millions $ en dommages punitifs, en plus des dommages moraux et pécuniaires.

Le magistrat autorise aussi l’utilisation de pseudonymes pour protéger l’identité des femmes. On ne connaît pas leurs noms, sauf celui de la représentante du groupe, la comédienne Patricia Tulasne.

Il s’agit ici d’une bonne façon de procéder, estime le magistrat, selon qui «le véhicule procédural de l’action collective a démontré son efficacité dans les dossiers d’agressions sexuelles puisqu’il a permis à des centaines de victimes d’avoir accès à la justice au Québec».

Si «Les Courageuses» n’étaient pas autorisées à intenter la présente action, «il est fort probable que de très nombreuses victimes seraient privées de l’exercice de leurs droits», ajoute-t-il dans son jugement de 40 pages.

Selon «Les Courageuses», le nom que s’est donné le groupe de femmes qui accusent Gilbert Rozon, ce dernier aurait fait au moins 20 victimes sur une période de 34 ans, de 1982 à 2016. Ce nombre ne serait que «la pointe de l’iceberg», est-il allégué dans leur demande en justice.

La cause est inhabituelle, souligne le juge, car elle se distingue des autres actions collectives intentées dans le passé pour agressions sexuelles, dirigées vers des institutions religieuses ou d’enseignement.

«La particularité du présent dossier est que la demande ne vise pas une institution au sein de laquelle travaillait l’agresseur, mais bien uniquement l’agresseur allégué seul», écrit-il.

M. Rozon a d’ailleurs tenté d’empêcher que le recours soit autorisé, plaidant qu’il ne respectait pas les critères de la loi. Le juge a rejeté tous ses arguments.

L’ex-producteur de 63 ans a notamment fait valoir au juge que l’action collective n’était pas le véhicule procédural approprié et que les femmes auraient plutôt dû le poursuivre indépendamment, car il s’agit de situations individuelles, qui ne sont pas reliées entre elles.

Il prétend aussi que l’action de la représentante du groupe — Patricia Tulasne, qui rapporte avoir été agressée en 1994 — n’a pas été intentée dans les délais requis et qu’elle n’a pas démontré qu’elle était incapable d’intenter une poursuite avant 2017.

Pour le juge Bisson, ces questions de prescription et d’impossibilité d’agir sont complexes et n’empêchent pas l’autorisation de l’action collective: le débat pourra se faire plus tard, écrit-il.

Et alors que M. Rozon prétend que Mme Tulasne s’est contredite en racontant son agression et qu’elle n’apporte aucune preuve spécifique, le juge indique que sa version des faits est suffisante pour appuyer son recours à cette étape-ci. Pas besoin de corroboration des agressions par un tiers pour qu’une action collective soit autorisée, tranche le juge Bisson.

De plus, «M. Rozon n’a pas formellement tenté de nier ces événements ni ne les a formellement niés. C’est plutôt leur interprétation qu’il a remise en cause», est-il écrit. Il pourra toutefois contredire les allégations des femmes lors du procès.

Lors de l’audience pour l’autorisation, l’ex-producteur avait aussi plaidé, par la bouche de ses avocats, que «charmer en utilisant son pouvoir n’est pas une faute en soi». Il avait aussi mentionné qu’il faut se questionner sur le consentement des victimes alléguées, qui est quelque chose, selon lui, «qui se passe dans leur tête» et pour laquelle il ne peut être tenu responsable.

À ce sujet, le juge écrit que l’agression rapportée par Mme Tulasne «ne correspond aucunement à la banalisation grossière et déformée que présente M. Rozon».

Ce jugement d’autorisation peut être porté en appel par M. Rozon, en demandant la permission d’un juge.

Les allégations des «Courageuses» n’ont pas été prouvées en cour et aucune accusation criminelle n’a été déposée contre M. Rozon.

Dans la foulée des allégations d’agression rapportées dans des médias en octobre dernier, il a démissionné de ses fonctions de président du Groupe Juste pour rire et son entreprise a depuis été vendue.

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