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Mères porteuses: appuis libéraux à Housefather

Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le projet de loi qui décriminaliserait les grossesses payées et la rétribution des dons de sperme et d’ovules semble jouir d’un bon appui à Ottawa.

Sur la colline, mercredi, nombreux sont les députés qui ont accueilli avec ouverture la mesure d’initiative parlementaire déposée la veille par le député libéral Anthony Housefather. Certains l’ont fait plus clairement que d’autres.

«Ça se fait déjà de toute façon. C’est comme le cannabis; ce n’est pas parce qu’on garde les choses dans le marché noir qu’elles ne se font pas», a fait valoir l’élue québécoise Alexandra Mendès en sortant de la réunion hebdomadaire du caucus libéral.

Elle voit aussi un avantage pour les «femmes qui ont recours à cela comme une façon de peut-être faire un peu d’argent — parce que fondamentalement, c’est ce qui se passe». Selon Mme Mendès, «il y a plusieurs femmes qui le font strictement pour faire de l’argent».

Sa collègue manitobaine MaryAnn Mihychuk a aussi signalé qu’elle accueillait favorablement la mesure législative d’initiative parlementaire C-404. «Absolument. Je pense que c’est le moment opportun», a-t-elle tranché à son arrivée au parlement, mercredi matin.

La chef du Parti vert, Elizabeth May, a aussi donné son sceau d’approbation à l’initiative. «Absolument, oui! Je pense qu’il est vraiment important de commencer le débat à ce sujet. Les lois sont trop strictes pour les femmes», a-t-elle tranché en entrevue.

Le Parti conservateur du Canada n’a pas encore fait son nid sur cette question, a indiqué la porte-parole du bureau du chef Andrew Scheer. «Ça doit être discuté en caucus», a écrit Virginie Bonneau dans un courriel.

Normalement, les élus conservateurs votent librement sur les projets de loi qui touchent des questions de conscience. La députée Marilyn Gladu, pour sa part, est favorable à C-404. «Je peux dire que je l’appuierai», a-t-elle signifié.

La mesure législative mise de l’avant par Anthony Housefather modifierait la Loi sur la procréation assistée afin de décriminaliser le fait de payer pour un don de gamètes et celui de rémunérer une femme pour porter un enfant.

Elle prévoit que les donneurs de spermatozoïdes et d’ovules ne peuvent avoir moins de 18 ans et être forcés à faire le don, et que les mères porteuses ne peuvent être âgées de moins de 21 ans et être contraintes par un tiers à le devenir.

Enjeu familial vs enjeu féministe?

Beaucoup d’élus à Ottawa, surtout libéraux et néo-démocrates, citent les nouvelles réalités familiales du 21e siècle — les couples infertiles, les couples d’hommes gais — comme motifs pour aller de l’avant avec la décriminalisation.

C’est ce qu’a fait mercredi le chef néo-démocrate Jagmeet Singh.

«C’est clair que c’est une situation très complexe, et il faut comprendre la complexité et la réalité des familles qui ont des obstacles. Créer un climat où on ne criminalise pas les gens sans raison, c’est quelque chose auquel il faut réfléchir», a-t-il offert en point de presse.

Mais au sein du Nouveau Parti démocratique (NPD), l’ouverture du chef n’est pas partagée par tous. Son député québécois Alexandre Boulerice affirmait en avril dernier que «le fait de payer pour des échanges de tissu humain, on a une certaine réticence».

Le porte-parole en matière de justice, Murray Rankin, a fait écho à ces propos, mercredi.

«Il y a un principe auquel le NPD n’adhère pas: celui de faire de l’argent avec la vente d’organes. Vendre un rein, comme cela est permis dans certains pays, est quelque chose que nous trouvons odieux», a-t-il relevé en entrevue.

«Alors vendre votre corps pour porter l’enfant de quelqu’un d’autre, vendre des ovules et du sperme pour faire de l’argent? Ce sont des choses que nous devons étudier attentivement», a ajouté celui qui a confié avoir été abondamment approché par des lobbyistes des deux camps.

Chez les libéraux, un projet de loi émanant d’un député d’arrière-ban ne lie généralement pas le gouvernement. Chaque élu devrait donc pouvoir voter comme bon lui semble si le C-404 est mis aux voix sous le gouvernement actuel.

Au cabinet, on peut déjà deviner un appui de taille: le ministre Scott Brison qui, avec son conjoint, ont fait affaire avec une mère porteuse. Et c’est sans compter que Justin Trudeau a déjà signalé qu’il s’agissait d’«une réflexion que nous devons avoir en tant que société».

La réflexion sera sans doute alimentée par le son de cloche de groupes féministes et d’organisations qui, comme le Conseil du statut de la femme (CSF), craignent que la décriminalisation des grossesses payées mène à une marchandisation du corps des femmes.

Dans un avis produit en février 2016, le CSF soulignait qu’il demeurait «fermement opposé à l’idée de porter un enfant pour autrui quand il y a rémunération ou présence d’intermédiaires qui en tirent profit», car «il s’agit là d’une forme d’exploitation du corps des femmes».

Sur cette question d’une possible dérive vers la marchandisation du corps des femmes, les ministres féminines du cabinet libéral croisées dans les couloirs du parlement ont généralement préféré garder leur avis pour elles, mercredi.

La députée Hedy Fry, qui avait émis un avis divergent lorsque le député Housefather avait fait part de ses velléités législatives, en avril dernier, n’a pas voulu se prononcer sur le projet de loi C-404, mercredi.

La Britanno-Colombienne avait sursauté devant l’idée de décriminaliser les grossesses payées qui avait, disait-elle, des «relents de la Servante écarlate», ce célèbre roman de Margaret Atwood récemment présenté en série télévisée.

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