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Culture extérieure du cannabis: Québec veut être plus sévère

Canopy Growth Corp., formerly Tweed Marijuana Inc., has signed a joint-venture deal with Les Serres Stephane Bertrand Inc., a large-scale tomato greenhouse operator in Quebec. Marijuana plants are pictured during a tour of Tweed Inc. in Smiths Falls, Ont., on Thursday, January 21, 2016. THE CANADIAN PRESS/Sean Kilpatrick Photo: Sean Kilpatrick / La Presse canadienne

OTTAWA — Le gouvernement du Québec pourrait être plus strict que le gouvernement fédéral concernant la culture commerciale extérieure du cannabis s’il en «sent le besoin», prévient la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois.

Ottawa a publié mercredi un cadre réglementaire confirmant qu’il sera permis de faire pousser des plants dans les champs, et non seulement en serre. Invitée à dire si Québec pourrait emboîter le pas au Nouveau-Brunswick, qui veut interdire la pratique, la ministre est demeurée prudente.

«Je n’ai pas parlé d’interdiction de production, a-t-elle insisté. Mais pour ce qui est de la culture qui va approvisionner l’ensemble du cannabis non thérapeutique (…) oui, on peut être plus sévères au Québec.»

Le gouvernement québécois a «le pouvoir réglementaire pour encadrer la production», a ajouté la ministre en entrevue téléphonique, jeudi. De hauts fonctionnaires fédéraux avaient laissé entendre la veille que cela pourrait plutôt être du ressort des municipalités.

La production du cannabis à des fins récréatives est un enjeu litigieux entre Ottawa et Québec — rappelons que la loi fédérale permet de faire pousser jusqu’à quatre plants par unité d’habitation tandis que la loi québécoise interdit la culture à domicile.

Pour la culture commerciale, quoi qu’il advienne, l’objectif poursuivi par Québec ne sera pas de «désavantager les producteurs québécois», mais bien de «trouver un équilibre entre ce que les producteurs peuvent faire et la sécurité des gens», a insisté Mme Charlebois.

«Il ne faut pas non plus créer un autre marché illicite, mettre des agriculteurs en danger», a-t-elle fait valoir.

Le fédéral a entendu des inquiétudes de cette nature pendant les consultations publiques menées dans la cadre de l’élaboration de son cadre réglementaire.

«Certains répondants craignaient (…) que la culture extérieure du cannabis présente un risque plus élevé en ce qui a trait au vol et au détournement du cannabis», est-il écrit dans le sommaire des consultations publié en mars dernier.

Incertitude à l’UPA
L’Union des producteurs agricoles (UPA) se dit prise de court par la disposition du cadre fédéral sur la culture à l’extérieur, car ce débat avait été tué dans l’oeuf par une sortie du ministre québécois de l’Agriculture, Laurent Lessard, a fait remarquer le porte-parole Patrice Juneau.

Il fait référence à des propos remontant à septembre 2017. En entrevue avec La Terre de chez nous, une publication spécialisée en agriculture, le ministre avait affirmé que la production serait circonscrite à des endroits clos. «Je ne veux pas donner l’impression au monde qu’on va se mettre à avoir des champs de production de cannabis au Centre-du-Québec ou en Montérégie», lançait-il.

L’UPA devra donc «aller aux informations», car «jusqu’à maintenant, avec cette déclaration-là, il y avait uniquement les producteurs en serre du Québec qui suivaient très attentivement ce dossier-là», a expliqué M. Juneau en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.

«On passe de deux ou trois points d’interrogation à d’innombrables points d’interrogation», a-t-il résumé.

Au bureau de Laurent Lessard, on a précisé que la position du ministre était «toujours la même», jeudi après-midi. «On va prendre connaissance de ce que le gouvernement fédéral a publié, et on verra avec la suite s’il y a des ajustements à faire», a exprimé son directeur de cabinet, Pierre-Luc Daigle.

Occasion d’affaires
Le producteur québécois Hydropothicaire voit en cette ouverture à la culture en plein air une occasion «très intéressante» pour la future industrie du cannabis récréatif au Québec.

«Ça peut faciliter l’accès, pour les sociétés ou les personnes qui veulent rentrer dans l’économie du cannabis», a commenté en entrevue Pierre Killeen, vice-président aux relations gouvernementales de l’entreprise située à Gatineau.

L’entreprise, dont la branche récréative a été baptisée Hexo, n’a pas encore de plan précis en cette matière.

«Pour le moment, nous sommes exclusivement une serre intérieure, mais nous sommes ouverts à la possibilité de rentrer dans le marché de la culture à l’extérieur», a cependant avancé M. Killeen.

Mais faire pousser des plants dans un environnement qui n’est pas aussi contrôlé qu’une serre ne vient pas sans son lot de difficultés.

«Ça va être un défi pour la culture à l’extérieur de répondre aux mêmes obligations en termes de qualité de produit. C’est difficile d’avoir un produit conforme où les taux de THC (tétrahydrocannabinol) et de CBC (cannabichromène) sont les mêmes d’un plant à l’autre», a exposé M. Killeen.

Pas de pénurie de cannabis

La question de la culture à l’extérieur, comme bien d’autres, sera tranchée au cours des prochaines semaines. La ministre Lucie Charlebois prévoit clarifier les intentions du gouvernement en août, alors que la date de la légalisation du cannabis approchera à grands pas.

Au jour J, le 17 octobre 2018, le Québec sera prêt, et il y aura assez de cannabis dans les 20 succursales de la Société québécoise du cannabis (SQC) pour suffire à la demande, a assuré Mme Charlebois.

«Je n’ai pas de doute qu’on va avoir suffisamment de cannabis, parce que des ententes ont été conclues avec des producteurs qui vont nous approvisionner suffisamment pour le départ. (…) Et on va ajuster nos commandes au fur et à mesure», a-t-elle signalé.

Le son de cloche est sensiblement le même au fédéral.

«Il y a un niveau de confiance qui nous permet de croire que les attentes au 17 octobre seront rencontrées», offrait mercredi en séance d’information technique un haut fonctionnaire fédéral.

Il demeure toutefois difficile de prévoir avec exactitude l’ampleur de la demande, selon Santé Canada. Mais «les estimations de la demande prévue faites par le secteur privé et le secteur public varient entre 400 000kg et 1 000 000kg de cannabis par année (à l’échelle du Canada)», a spécifié dans un courriel une porte-parole du ministère fédéral, Tammy Jarbeau.

La demande pour le cannabis licite pourrait suivre une tendance «de croissance graduelle» au cours des premières années de la mise en oeuvre de la Loi sur le cannabis, si l’on se fie à l’expérience des États américains qui ont légalisé le cannabis à des fins récréatives, a-t-elle mentionné.

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