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ALENA: le Canada est là pour rester, juge Bachand

Jacques Boissinot / La Presse Canadienne Photo: Jacques Boissinot

STOWE, Vt. — Les divisions entre les gouverneurs des États-Unis concernant l’approche du président Donald Trump face aux négociations sur l’Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA) étaient bien visibles, lundi, dans une station de montagne du Vermont lors de la Conférence annuelle des gouverneurs des États de la Nouvelle-Angleterre et des premiers ministres de l’est du Canada.

Le gouverneur républicain du Massachusetts, Charlie Baker, a déclaré que les «hauts et les bas» des pourparlers en cours étaient normaux et qu’il était important de parvenir à un accord qui profitera à toutes les parties.

«J’ai rarement été impliqué dans des négociations ayant une certaine importance sans qu’il y ait des hauts et des bas, et où dans certains cas, il y a même eu des gens qui se retiraient, pour finalement trouver un moyen de revenir à la table», a fait valoir le gouverneur.

«La mesure ultime de toute négociation est sa conclusion», a-t-il ajouté.

Le gouverneur démocrate du Connecticut, Dannel Malloy, estime toutefois que les actions et les paroles de M. Trump ont nui à la relation canado-américaine, notamment lorsque le président Donald Trump invectivait le premier ministre Justin Trudeau sur Twitter.

«Nous ne devrions pas parler à nos homologues ou aux dirigeants de gouvernements fédéraux de la manière dont ces conversations se sont déroulées sur Twitter», a déclaré M. Malloy, qui ne sollicitera pas un nouveau mandat en novembre.

«Cela n’a pas de sens du tout et c’est au mieux, enfantin, et ça devrait s’arrêter.»

Le gouverneur du Vermont, Phil Scott, un républicain, a affiché un point de vue mitoyen, en disant qu’il pensait que «les têtes plus froides prévaudraient» et qu’une renégociation réussie de l’ALENA aurait lieu.

Couillard critique l’administration Trump
À un moment donné, M. Scott — qui se présente aux élections de novembre — s’est penché et a placé son bras tendrement sur M. Couillard et l’a serré dans ses bras après que le premier ministre du Québec eut déclaré qu’il ne pensait pas que les États-Unis devraient agir ainsi avec «un ami, un voisin et un allié».

«Nous avons combattu dans des guerres ensemble, a déclaré M. Couillard. Récemment, nos enfants ont lutté ensemble contre le terrorisme… Nous ne nous attendions pas à ce genre de relation de notre ami.»

«Ce qui provient de la Maison-Blanche ne représente pas tous les États-Unis. Nous admirons les États-Unis et les Américains, nous avons toujours été amis et nous voulons vraiment que cela reste ainsi», a ajouté M. Couillard.

Le premier ministre du Québec était accompagné de ses homologues de l’Île-du-Prince-Édouard, de Terre-Neuve-et-Labrador et du Nouveau-Brunswick à la rencontre, qui se tenait à Stowe, au Vermont.

Tous les dirigeants américains et canadiens ont signé des déclarations communes visant à renforcer leurs liens économiques et à lutter contre le changement climatique, mais le différend commercial entre les deux pays a occupé une place centrale des discussions.

Deux jours avant le début de la conférence, M. Trump menaçait de nouveau d’imposer des tarifs au Canada dans le secteur automobile, et en juin, il avait qualifié M. Trudeau sur Twitter de «très malhonnête et faible».

Divisions sur les tarifs
Charlie Baker, un gouverneur républicain populaire dans un État où la démocrate Hillary Clinton a remporté 60 pour cent des voix du scrutin présidentiel en 2016, a pris soin de ne pas critiquer M. Trump, même s’il n’a pas hésité à le faire par le passé.

Il ne voulait pas dire clairement s’il était en accord avec les tarifs imposés par l’administration Trump contre le Canada et d’autres alliés, qui ont été suivis par des mesures de représailles.

«J’espère que les gens reconnaîtront et comprendront que le renouvellement de l’accord actuel entre le Canada, les États-Unis et le Mexique les rendra tous meilleurs entre eux, mais fera également d’eux un acteur beaucoup plus important dans les discussions commerciales mondiales. Je ne pense pas que cela devrait être perdu», a dit M. Baker.

Dannel Malloy était moins réservé.

«Je pense qu’il est important de noter que les tarifs actuellement en vigueur produisent de réels dégâts et je ne pense pas que nous devrions tourner autour du pot», a-t-il déclaré.

«Bien que je pense qu’on s’attendait à ce que cela dure encore un peu, cela dure plus longtemps que quiconque aurait pu raisonnablement prédire.»

Bachand «aucunement inquiet»
Plus tôt dans la journée, le négociateur en chef du Québec pour l’ALÉNA, Raymond Bachand, avait déclaré que l’administration Trump n’avait pas l’autorité pour contourner le Canada pour signer un accord commercial bilatéral avec le Mexique.

M. Bachand, un ancien ministre des Finances du Québec, a affirmé qu’il n’y avait «aucune inquiétude» de voir les pourparlers bilatéraux entre les États-Unis et le Mexique se conclure par un accord commercial signé sans le Canada.

Les négociations sur l’ALÉNA entre les deux pays ont pris de l’ampleur au cours des dernières semaines, tandis que le Canada n’est pas encore retourné à la table cet été.

Le président des États-Unis, Donald Trump, a récemment déclaré qu’un accord avec le Mexique «progressait bien» et que «le Canada devait attendre».

Le président a également affirmé qu’il serait prêt à signer des accords séparés avec les deux pays.

Mais même si M. Trump voulait vraiment cela, a dit M. Bachand, il ne pourrait pas l’obtenir.

«Et les États-Unis, s’ils voulaient faire une entente bilatérale — en fait ils ne le veulent pas, ils continuent à répéter que c’est trilatéral —, ils n’ont pas l’autorité juridique pour le faire, ils ont l’autorité du Congrès de renégocier l’ALÉNA trilatéral. Ils n’ont pas l’autorité du processus accéléré pour une entente bilatérale», a-t-il fait valoir.

Pas un seul gouverneur ou sénateur américain n’a demandé que les États-Unis sortent de l’ALÉNA, ce qui est un véritable atout pour le Canada dans les négociations, a souligné M. Bachand.

«Quelles que soient les tentatives de modernisation, soyons polis, que le président Trump fait, il y a comme une ligne rouge qui fait que l’ALÉNA va continuer, parce qu’à la fois le pouvoir du Sénat est très fort dans des décisions commerciales et les gouverneurs ont un grand pouvoir d’influence», a-t-il souligné.

Une déclaration d’unité
Dimanche, le gouverneur du Vermont, Phil Scott, et le premier ministre du Québec, Philippe Couillard, ont signé une déclaration commune sur la coopération économique, malgré les tensions commerciales entre les deux pays.

M. Scott a affirmé que l’accord «confirme que les économies (des deux pays) sont étroitement liées et renforce notre engagement à développer le commerce transfrontalier».

Le premier ministre Couillard a déclaré lundi que «les États limitrophes de la frontière comprennent très bien (…) le niveau d’intégration des économies».

«Ces États-là, on n’a pas besoin de les convaincre, au contraire, ils le savent très bien que cela a une influence sur leurs économies. C’est le reste des États-Unis et la Maison-Blanche avec lesquels il faut travailler également», a-t-il fait valoir en mêlée de presse au Vermont.

M. Couillard a dit avoir pris le petit-déjeuner avec les premiers ministres de l’Est et les gouverneurs de la Nouvelle-Angleterre lundi, affirmant qu’ils avaient parlé «presque exclusivement» de l’ALÉNA.

Concernant les propos du président Trump selon lesquels le Canada «doit attendre» durant les discussions avec le Mexique, M. Couillard a affirmé qu’il faut «faire attention à la manière particulière de M. Trump de mener les choses».

«En fait, ça ne change rien pour nous, et pour le Québec particulièrement», a-t-il affirmé.

«Je vais le répéter: s’il y a des gens qui pensent qu’on va réussir à avoir un accord aux dépens des agriculteurs du Québec et de la gestion de l’offre, oubliez ça. Moi, je vais continuer à défendre bec et ongles la gestion de l’offre de nos producteurs laitiers qui produisent 50 pour cent du lait canadien», a ajouté M. Couillard.

Sur ce dernier point, M. Bachand lui a fait écho, soutenant que «même les Américains ne demandaient plus l’abolition de la gestion de l’offre».

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