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CAQ et immigration: le fédéral veut laisser du temps

Patrick Doyle / La Presse Canadienne Photo: Patrick Doyle/La Presse canadienne
Mélanie Marquis, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Les libéraux fédéraux évitent de se prononcer sur les propositions du premier ministre désigné François Legault en matière d’immigration, plusieurs ministres du gouvernement Trudeau suggérant que le chef caquiste ne livrera peut-être pas la marchandise.

Ottawa est concerné par ce débat, le dirigeant de la Coalition avenir Québec (CAQ) ayant affirmé à maintes reprises qu’il reviendrait au gouvernement fédéral de décider du sort des immigrants qui échoueraient des tests de français et de valeurs qu’il compte leur faire subir.

Au gouvernement fédéral, on avait généralement refusé (à une exception près) de s’inviter dans le débat, histoire de ne pas s’ingérer dans le processus électoral. Le triomphe caquiste de lundi soir n’a toutefois guère délié les langues, mardi, pas même celle de Justin Trudeau.

«On ne va pas toujours être d’accord sur tout; ce serait bien plate si tous les premiers ministres étaient toujours d’accord», s’est contenté d’offrir le premier ministre en marge d’une annonce à Vancouver, esquivant deux questions portant directement sur l’immigration.

Il n’a ainsi pas voulu indiquer s’il partageait le même malaise qu’avait exprimé sa ministre Diane Lebouthillier sur les velléités caquistes d’expulser les immigrants qui n’ont pas appris le français et réussi un test de valeurs dans un délai maximal de quatre ans.

La Gaspésienne avait été la seule à monter au front, alors que la campagne battait toujours son plein, mercredi passé: «La proposition de la CAQ, je ne peux pas être d’accord avec ça. Je pense qu’au Canada, il y a des règles au niveau de l’immigration».

Mardi, la ministre Lebouthillier a affirmé que le gouvernement fédéral allait «expliquer» au premier ministre québécois quelles sont les «règles», notant que «même lui (M. Legault) l’a dit, qu’il avait peut-être une méconnaissance au niveau de l’immigration».

Les contours du plan caquiste se définissaient au fur et à mesure que la campagne progressait. Dans la dernière portion du marathon électoral, le chef affirmait que les nouveaux arrivants pourraient passer les tests «autant de fois qu’ils le veulent», jusqu’à ce qu’ils les réussissent.

Après avoir commis deux impairs en deux jours alors qu’il répondait à des questions sur le fonctionnement du système d’immigration, François Legault s’était montré plus réticent à discuter de sa proposition, et il avait envoyé la balle dans le camp d’Ottawa.

Les ministres doutent

Dans les couloirs du parlement fédéral, en ce lendemain de victoire caquiste à Québec, des élus libéraux ont laissé entendre que le chef de la CAQ pourrait reculer sur cette promesse électorale controversée.

«Gouverner est différent que faire une campagne électorale», a commenté le ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, notant que le temps serait bientôt venu pour le futur conseil des ministres caquiste «de prendre des décisions et d’élaborer des politiques».

Il n’a pas plus voulu dire ce qu’il pensait des propositions de François Legault, plaidant qu’il souhaitait «comprendre exactement leur plan» et rencontrer «vite» la personne qui héritera du portefeuille de l’Immigration.

Sa collègue Mélanie Joly a fait part de son intention de profiter d’une rencontre au Sommet de la Francophonie, qui se tient la semaine prochaine, pour parler au premier ministre désigné «de l’importance de la Francophonie, mais aussi de la Francophonie dans toute sa diversité».

«Notre position a toujours été claire sur cette question-là: on valorise l’importance de la diversité», a-t-elle fait remarquer en entrevue.

Quant au ministre François-Philippe Champagne, il a exprimé des doutes sur l’adéquation entre la promesse caquiste de faire passer temporairement de 50 000 à 40 000 les seuils d’immigration et la situation de l’emploi au Québec.

«Je respecte les choix qui seront faits par M. Legault et son équipe, mais ce que je leur dis, c’est que nous, ce qu’on entend, c’est que la préoccupation des Québécois, c’est d’avoir des gens qui peuvent être là (pour pallier) un besoin criant de main-d’oeuvre», a-t-il exposé.

L’immigration, «un enjeu»

Mais les déboires qu’a connus le chef en parlant immigration n’entament pas la détermination des conservateurs fédéraux d’en discuter eux aussi, si besoin est, pendant la campagne électorale fédérale, a indiqué le député Alain Rayes.

«Je considère que l’immigration est un enjeu en ce moment, pas juste au Québec, mais partout», a fait valoir le lieutenant québécois du Parti conservateur du Canada en entrevue avec La Presse canadienne, mardi.

«Il y a un enjeu d’intégration, et il y a à travers tout ça les questionnements que plusieurs Québécois et Canadiens se posent par rapport à la religion», a ajouté M. Rayes, dont la formation a fait du sujet des traverses irrégulières à la frontière un enjeu prépondérant.

«C’est un sujet qui est délicat parce que l’objectif n’est pas de nourrir de la haine, mais plutôt de voir comment on peut bien faire notre travail», a-t-il soutenu.

Victoire saluée… et nuancée

Chose certaine, l’élu de Richmond—Arthabaska estime que la retentissante victoire électorale des troupes caquistes de François Legault est de bon augure pour celles d’Andrew Scheer, au fédéral, à environ un an du prochain scrutin.

«Je pense que le terrain est fertile pour nous. Le discours de centre, centre droit, économique, où les gens veulent une meilleure gestion des finances publiques, moins d’impôt, moins de taxes, a une oreille de la part de plusieurs citoyens, dont au Québec», a-t-il suggéré.

«Ce qu’on constate, et on le voit un peu partout au Canada lorsqu’on regarde la carte électorale en 2015 et la carte électorale aujourd’hui, on se rend compte qu’il y a beaucoup de gouvernements libéraux qui ont changé», a noté le député Rayes.

Les libéraux ont eu la vie dure ces derniers temps: après avoir été pratiquement rayés de la carte en Ontario, ils ont perdu leur majorité au Nouveau-Brunswick. Et lundi soir, ceux de Philippe Couillard ont été chassés par les Québécois.

Selon le ministre LeBlanc, on ne peut forcément «tirer d’un résultat provincial une leçon et un momentum fédéral». Et il a servi cette mise en garde en établissant un parallèle entre la victoire des néo-démocrates en Alberta et la déconfiture qui a suivi sur la scène fédérale.

Cinglant, il a fait valoir que l’ancien chef fédéral du Nouveau Parti démocratique Thomas Mulcair était «rentré à la Chambre des communes (en se pensant déjà) devenir premier ministre du Canada parce que Rachel Notley (avait) gagné une élection en Alberta» en mai 2015.

«Et voir les visages de ses 100 et quelques députés NPD il y a trois ans et demi, tout excités parce que Mme Notley a remporté une victoire surprise en Alberta… je pense que la leçon, c’est dire où est le NPD maintenant, et où est M. Mulcair?», a raillé le libéral.

Le député néo-démocrate Alexandre Boulerice est aussi d’avis qu’on ne peut faire de prédictions sur l’issue du scrutin fédéral qui se tient dans environ 12 mois à partir des résultats de l’élection québécoise.

Il s’est tout de même réjoui du score record de la formation de gauche Québec solidaire — qui a récolté 10 sièges lundi soir — et de sa percée à l’extérieur de l’île de Montréal.

«Le vote progressiste, quand il croît, c’est une bonne nouvelle pour les progressistes, et on est un parti progressiste. Voir que ça sort de la ligne orange de Montréal, moi je pense que ça peut être une bonne nouvelle», a-t-il dit en point de presse.

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