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Diane De Courcy répond aux questions de lecteurs de Métro

Photo: Yves Provencher/Métro

La ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles du Québec, et responsable de la Charte de la langue française, a rencontré des lecteurs de Métro jeudi matin et a répondu à leurs questions. Compte rendu de la table ronde.

INVITÉ Jessica Major_c100 Jessica Major
Comment comptez-vous conju­guer dénatalité, immigration et intégration des nouveaux arrivants sur le marché du travail avec votre projet de charte des valeurs qui s’inscrit à l’opposé de ces mesures dans la sphère publique?
Ce qu’il faut mentionner d’abord, c’est que ce n’est pas contre les personnes immigrantes. La charte, c’est au contraire un geste d’ouverture et de clarification. On constate que, chez les personnes immigrantes, il y a un taux de chômage assez élevé. Pour certains entrepreneurs, la crainte, le manque de connaissances ou l’impression qu’il faut faire énormément de compromis les décourage d’engager des personnes immigrantes. La charte va clarifier les choses et permettre aux entrepreneurs du réseau privé, qui ne sont pas assujettis à la charte, de s’en inspirer. Est-ce qu’il y a des départs massifs de personnes immigrantes au Québec? Non. Est-ce qu’il y a eu diminution des demandes d’immigration provenant de pays qu’on pourrait associer à des mouvements religieux plus importants? La réponse, c’est non. Dans la vie de tous les jours, il faut avoir plusieurs antennes. Et les antennes que j’ai en ce moment m’indiquent un niveau d’intérêt, de préoccupation, mais pas d’alerte rouge.

INVITÉ Marie-Hélène Veinnant_c100Marie-Hélène Veinnant
Est-ce que le Québec a les moyens de ses ambitions? Je sens qu’il y a un décalage entre le discours et la réalité quand on arrive au Québec. Je sens qu’il est plus difficile de se faire reconnaître et que le niveau d’exigences est plus élevé pour un immigrant. J’ai aussi l’impression que les employeurs ne sont pas vraiment prêts à laisser leur chance aux personnes immigrantes.
Je suis peinée que vous ayez ce sentiment. Mais je pense que vous révélez un sentiment qui est présent chez plusieurs personnes immigrantes. J’ai souvent résumé ça en disant que, par moments, la grande séduction se termine par la grande déception quand on arrive ici. On a mis en place un certain nombre de mesures. D’abord, l’évaluation comparative est aidante, parce qu’elle permet à des entreprises de mieux comprendre les diplômes acquis à l’étranger. Mais c’est long avant de l’obtenir. Et il faudrait, en plus, avoir cette évaluation dès l’émission du certificat de sélection du Québec. Actuellement, on est en train de réduire les délais de façon très importante. Ensuite, dans certains cas, c’est vrai, les entreprises ne sont pas tout à fait prêtes. J’espère sincèrement que ce qu’on a mis en ligne pourra vous aider, comme le Service d’intégration en ligne (SIEL) et le guide d’apprentissage qui nous informe sur le Québec. Les séances autour de l’intégration à l’emploi et de nombreux organismes communautaires qui s’occupent de l’employabilité peuvent également vous aider.

INVITÉ Cynthia Cayer_c100 Cynthia Cayer
Quel type de ressources humaines offrez-vous dans le pays d’origine pour sensibiliser les futurs immigrants à la réalité de l’insertion à l’emploi au Québec avant qu’ils entament leur processus d’immigration? Quelles améliorations comptez-vous apporter à ce service?
Le contact le plus direct et le plus rapide possible dès le pays d’origine, c’est ce qui est souhaitable. Le rêve, pour moi, c’est que la personne arrive à l’aéroport avec son certificat de sélection, avec une lettre qui confirme son emploi, l’adresse de son logement et l’inscription des enfants à l’école. Ça, c’est le rêve. Mais ce qui est difficile, c’est le dédale gouvernemental. Dans ce sens-là, je le répète, le SIEL, la francisation en ligne, le guide sur l’apprentissage du Québec et les évaluations comparatives à l’étranger sont de bons alliés. De plus, dorénavant, dans les centres d’Emploi Québec, quand une personne immigrante va se présenter, il y aura des agents formés pour composer avec ses spécificités. Quand on est intégré après plusieurs années, il n’y a plus de différence, mais pour accéder à l’emploi, il faut par moments un petit coup de pouce supplémentaire. Il faudrait avoir cette capacité d’être directement en contact avec la personne immigrante.

INVITÉ Mejda Ben Rhouma_c100Mejda Ben Rhouma
Que pensez-vous du programme d’enseignement des langues d’origine (PELO)? Dans tous les milieux scolaires que j’ai côtoyés, je constate que c’est un programme gagnant. Mais depuis plusieurs années, chaque fois qu’il y a de nouveaux budgets, on coupe dans nos subventions, et ça devient alarmant. Nous sommes inquiets que le programme puisse être éliminé.
Le PELO a été mis en place à l’époque parce que, selon certaines études, quand un enfant possède bien sa langue d’origine, il apprend mieux le français. Je pense que ça demeure vrai. Est-ce que c’est par le PELO, par les Centres de la petite enfance? C’est une question à laquelle la ministre de l’Éducation pourra répondre. Par ailleurs, ce que je juge important, c’est qu’on s’assure que les enfants venus d’ailleurs maîtrisent le français le plus rapidement possible pour éviter qu’ils aient des retards scolaires importants. Alors je ne peux que saluer le travail des gens du PELO, et vous dire que je comprends que, dans ces programmes, on peut se sentir dans la précarité.

INVITÉ Anny Schneider_c100 Anny Schneider
Je suis alsacienne d’origine. Je suis au Québec depuis 33 ans. Je suis auteure. Je connais bien le Québec, mais j’ai toujours été pauvre. Je n’ai jamais été prestataire de l’aide sociale, mais je n’ai jamais bien gagné ma vie. Y a-t-il des services personnalisés, d’aide et d’orientation, pour les femmes immigrantes âgées et peu diplômées?
Trente-trois ans plus tard, vous n’êtes plus une immigrante. Dans ce contexte, il y a beaucoup de services gouvernementaux qui existent. Si vous habitez Montréal, il y a la Corporation de développement économique communautaire (CDEC) qui va pouvoir vous aiguiller dans votre secteur. La meilleure place, aussi, c’est Emploi Québec. C’est maintenant là que convergent sur le plan gouvernemental toutes les possibilités en emploi. Il y a aussi les organismes communautaires, qui s’occupent plus particulièrement de l’employabilité des personnes. Vous avez donc trois voies potentielles qui peuvent vous aider.

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INVITÉ Audrey Senanou_c100Audrey Senanou
Je suis française, actuellement en processus d’immigration. Pourquoi les délais sont-ils aussi longs pour la sélection des candidats qui sont en attente de résidence permanente? Comment comptez-vous favoriser les conditions d’intégration à l’emploi pour les jeunes étrangers?
Nous avons besoin de patience mutuelle. De notre côté, il faut comprendre que, quand on est une personne immigrante, on ne comprend pas automatiquement le fonctionnement de l’entreprise, et que ce n’est pas vrai qu’on peut avoir de l’expérience en emploi quand on vient d’arriver. Et de votre part, il faut que vous ayez la patience de vous réseauter. Là-dessus, en matière de programmes gouvernementaux, il y a le Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Ça accélère le processus. Si vous avez la reconnaissance du PEQ, c’est une voie rapide pour accéder à la résidence permanente. Par rapport à la France, il y a eu des efforts très particuliers qui ont été faits en ce qui concerne la mobilité des personnes. On a une entente très récente sur cette question, et il y en aura d’autres.

INVITÉ Cyril Owona Essomba_c100Cyril Owona Essomba
Je suis arrivé il y a 11 mois. Je me suis marié ici le 31 mars dernier avec mon épouse, qui est citoyenne américaine et qui vit aux États-Unis. J’ai entrepris des démarches pour le programme de parrainage. La demande a été faite, et tous les détails administratifs et financiers ont été réglés. Mais il y a déjà eu un changement de délai au bureau de New York. À la base, il était de 16 mois; aujourd’hui, il est de 22 mois. Je voudrais savoir ce qui justifie ce délai très long.
Je comprends que l’amoureux que vous êtes ait bien hâte qu’elle arrive. Je comprends que c’est difficile. Je veux par ailleurs dire que ce délai n’appartient pas à Immigration Québec. Chez nous, dans le cas de demandes de parrainage, c’est 20 jours ouvrables. On vérifie seulement la solvabilité, l’engagement et la capacité financière. Mais nous ne sommes pas souverains. Alors, c’est le gouvernement canadien qui décide. Et ces délais dont vous parlez, c’est très clairement le gouvernement canadien qui doit s’en occuper. Je dois vous dire que votre cas et celui des autres me préoccupent. À l’ordre du jour de mes rencontres avec le ministre de l’Immigration fédéral, il est très clair que chaque fois, nous parlons des délais. Nous allons parler de ces délais pour vous, mais nous parlerons aussi des décisions à prendre par rapport aux communautés haïtienne, syrienne et d’autres types de problématiques qui dépendent du gouvernement canadien. Ce que je vous dis ne vous rassure pas. Ce que je vous dis vous permet d’aller vers votre député fédéral et de lui poser cette question.

INVITÉ Eben Senaya_c100Eben Senaya
Je suis originaire du Togo, mais j’ai passé 15 ans en France. J’ai une maîtrise en littérature, mais je travaille dans un centre d’appels. Après tous ces efforts fournis lors des études, nous sommes bien souvent obligés, en arrivant ici, de prendre un «emploi de survie». Le gouvernement nous en fait d’ailleurs la suggestion sur son site internet. Qu’en pensez-vous?
Il ne faut pas que ça dure trop longtemps. C’est sommes toute une bonne suggestion, en ce sens qu’il faut bien commencer quelque part et avoir un peu d’expérience québécoise. Mais souvent, ça dure trop longtemps. C’est un problème, et un problème réel. Je crois beaucoup aux mesures d’appui aux immigrants, au microcrédit, et j’essaie de voir avec le ministère et le gouvernement comment on peut l’appliquer. Ça peut être un dépannage de trois ou six mois en subvention, ce qui permet à la personne immigrante de suivre une formation d’appoint ou un stage et de voir en même temps à la survie de sa famille. Bien sûr, il faut être en lien avec Emploi Québec. On va faciliter ça dans les séances d’intégration, ce qui ne se faisait pas avant. Auparavant, la personne arrivait à la séance d’intégration et il fallait qu’elle recommence tout avec Emploi Québec, comme si elle n’existait pas aux  yeux des interlocuteurs. Ça ne se fera plus. Maintenant, nos systèmes gouvernementaux commencent à donner un message très clair : on a besoin de vous, on est content que vous soyez là, on reconnaît vos compétences.

INVITÉ Hassen Trabelsi_c100Hassan Trabelsi
Depuis mon arrivée au Québec il y a deux ans, j’ai remarqué la présence d’un grand nombre d’organismes communautaires ayant pour mission d’aider le nouvel arrivant. Néanmoins, je me suis senti perdu devant les nombreux organismes qui ont tous des objectifs similaires. Cela a eu pour conséquence la perte de confiance des nouveaux arrivants envers leurs missions. Quels sont vos projets pour redonner confiance aux nouveaux arrivants?
Vous faites écho à ma première préoccupation à la suite de ma rencontre avec les organismes communautaires partout au Québec. J’ai confiance en ces services, surtout en ceux que nous avons accrédités. Je peux vous assurer que ce sont des organismes de grande qualité. Mais ce que j’ai constaté aussi, c’est que pour la personne immigrante, il faut qu’il y ait un agent gouvernemental du ministère de l’Immigration clairement identifié. Ça permet d’établir la confiance. Actuellement, le visage des agents gouvernementaux présents dans les organismes communautaires, on le voit moins bien. Même si ces derniers ont un mandat du gouvernement, ce n’est pas la même chose pour une personne immigrante que d’être devant un agent de l’immigration. Elle a l’impression que ça ne provient pas du gouvernement. Je pense qu’il y a un équilibre à atteindre, et c’est à ça qu’on travaille.

INVITÉ David Risse_c100David Risse
Prenons deux minutes et rêvons de Mont­réal comme d’un modèle mondial de diversité et d’intégration sociale. Par quels mots promouvriez-vous cette idée à l’étranger et auprès des Montréalais?
C’est un Montréal métissé serré et un Montréal francophone, parce que ce qui nous unit tous, c’est notre langue commune, le français. Il y a quelques années, j’ai eu la chance d’aller à Barcelone. Cette ville est reconnue comme la ville des langues. Elle est espagnole, mais elle est aussi cosmopolite. Montréal, c’est la grande ville francophone, cosmopolite, où on parle plusieurs langues, mais où on se rassemble autour du français. Nous sommes métissés serré.

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