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Percer un condom vicie le consentement dit la Cour

Photo: Getty Images/iStockphoto
Stéphanie Marin - La Presse Canadienne

OTTAWA – Percer des trous dans un condom à l’insu de sa partenaire constitue une agression sexuelle, a tranché la Cour suprême du Canada.

Dans une décision unanime rendue vendredi, le plus haut tribunal du pays a confirmé la culpabilité d’un homme accusé d’avoir saboté ses condoms afin que sa copine tombe enceinte, ce qui est effectivement arrivé.

La Cour suprême a ainsi fait le tour en long et en large de la notion de «consentement» à des relations sexuelles.

Elle trace aussi la ligne entre les comportements criminels et ceux qui ne le sont pas lorsque le consentement résulte d’une tromperie.

Dans cette affaire, un homme de la Nouvelle-Écosse a été accusé d’agression sexuelle grave pour avoir percé des trous à l’aide d’une épingle dans les condoms qu’il utilisait avec sa partenaire, tout en sachant fort bien qu’elle ne voulait pas se retrouver enceinte. Elle avait même insisté pour l’usage du préservatif.

À son premier procès, l’homme a été acquitté, mais la Cour d’appel a infirmé cette décision et ordonné un nouveau procès. Lors de second procès, Craig Jaret Hutchinson a été déclaré coupable d’agression sexuelle.

M. Hutchinson a porté en appel sa déclaration de culpabilité, plaidant que la plaignante avait librement et volontairement consenti à avoir des rapports sexuels avec lui. Il a de plus argumenté que sa tromperie au sujet des condoms, bien que répréhensible, ne suffisait pas à vicier le consentement. Les juges majoritaires de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse ont rejeté l’appel.

En Cour suprême, les sept juges de la Cour se sont entendus ici sur la culpabilité de l’homme, mais pas sur le raisonnement juridique qui a mené à cette conclusion.

Pour les quatre juges majoritaires, la jeune femme avait donné son accord à l’activité sexuelle, mais le sabotage des condoms constitue «une fraude» qui a vicié son consentement.

«Dans les cas où une plaignante a choisi de ne pas devenir enceinte, les tromperies qui l’exposent à un risque accru de grossesse peuvent constituer une privation suffisamment grave pour représenter une fraude viciant le consentement», écrivent les juges de la majorité.

Pour la Cour, le consentement est vicié lorsqu’il y a eu non seulement malhonnêteté, mais aussi un préjudice corporel (dont une grossesse) ou le risque de préjudice (comme le risque accru de devenir enceinte). Car ici, le préjudice est interprété de façon à inclure les «changements profonds subis par le corps d’une femme lorsque celle-ci est enceinte». Mais la charge financière, le stress ou la tristesse ne pourraient se qualifier de préjudice ici, souligne la Cour.

Avec ce raisonnement, le plus haut tribunal du pays semble exclure l’accusation d’agression sexuelle criminelle dans un cas où ce serait la femme qui percerait le condom dans le but de devenir enceinte. Cette question n’était toutefois pas en jeu devant la Cour.

Pour les trois juges minoritaires, il n’y a tout simplement pas eu consentement, et cela, dès le départ.

Car l’usage de protection, si désirée par l’un des partenaires, est un élément essentiel du consentement. Le condom est donc un aspect «de la façon dont se déroulent les contacts sexuels», et donc, de l’activité sexuelle en tant que telle.

«S’il n’y a pas eu dès le départ consentement à l’activité sexuelle, il est inutile de se demander si le consentement a été vicié par une fraude», écrivent ces trois juges qui contredisent leurs collègues du banc.

Les juges de la majorité critiquent cette approche: elle créerait beaucoup d’incertitude — car la définition de l’activité sexuelle et de ses éléments essentiels varierait selon chaque personne: bilan de santé parfait, usage de condoms, etc — et mènerait à une criminalisation excessive.

Pour le Regroupement des Centres d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS) la décision est une bonne nouvelle. Notamment parce qu’elle met le consentement au coeur de la décision de l’activité sexuelle et reconnaît qu’il peut être annulé par un abus de confiance.

Et aussi parce que le jugement aide à éliminer certains mythes, comme celui qui veut que la plupart des viols sont commis par des inconnus — ce qui est faux — et qu’une femme ne peut être agressée sexuellement par son conjoint, fait valoir sa porte-parole, Karine Tremblay.

«C’est normalement un grand obstacle à la dénonciation», souligne-t-elle au sujet du viol conjugal, espérant que le jugement aura un impact positif sur les victimes.

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