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Venir en aide aux hommes violents

Photo: Métro

Le mois de février a été lourdement marqué par trois tragiques cas de violence conjugale au Québec. Trois hommes ont été pointés comme étant les responsables de ces crimes. Si certains en viennent à l’irréparable, plusieurs hommes aux prises avec des comportements violents décident quant à eux de se prendre en main. Les thérapies pour hommes violents sont d’ailleurs offertes par trois organismes à Montréal et nombre d’autres partout au Québec. Dany Chrétien, un participant à ces rencontres, a parlé de son expérience avec Métro.

Entrevue avec Dany Chrétien

Dany ChrétienPourquoi avez-vous décidé d’aller en thérapie pour hommes violents?
Je ne m’aimais pas. C’est une accumulation de choses qui se sont produites après ma séparation. Mes enfants avaient peur de moi parce que je leur ai quasiment inculqué la peur. Ils sentaient qu’ils devaient constamment s’écraser dans le coin du mur et ne pas dire un mot. À chaque événement imprévu, ils étaient très nerveux. Ils tombaient en mode autodéfense, de peur que je m’énerve et que je défonce une porte.

Pourquoi avez-vous décidé de consulter?
C’est ma nouvelle conjointe qui m’a parlé du Groupe d’aide aux personnes impulsives (GAPI) [dans la région de Québec]. Leur dépliant d’information a traîné au moins sept ou huit mois à côté de mon ordinateur avant que je décide d’appeler. J’allais sur le site, mais je me disais que je n’avais pas de problème. Quand je les ai rencontrés pour la première fois, ils m’ont fait passé un questionnaire d’évaluation. Ça vient te donner un coup de poing dans le front et c’est assez drastique. Il n’y avait que trois ou quatre questions qui ne me diagnostiquaient pas comme étant violent. C’est là que je me suis rendu compte que j’avais un problème.

Quels comportements violents aviez-vous?
Mon attitude était très violente et très contrôlante. Quand je n’étais pas capable d’avoir ce que je voulais, je passais par un autre chemin pour l’avoir. Je frappais souvent sur les meubles. Si une situation ne me plaisait pas, je me mettais tout de suite à crier. On n’avait pas le droit de me dire non.

Qu’avez-vous découvert sur vous lors de ces thérapies?
Que j’étais un [salaud]! Que j’étais quelqu’un de centré sur lui-même, qui était prêt à outrepasser à peu près n’importe quoi pour arriver à ses fins. On réalise ce qu’on fait vivre aux autres. Je me suis donné à 100% et j’en suis sorti grandi et avec une meilleure estime de moi. Maintenant, avant de réagir à quelque chose, je prends le temps d’analyser la situation. Je me contrôle, ou alors je prends une pause.

Élément déclencheur

«Chez les hommes, la facilité à demander de l’aide est de plus en plus présente, mais on a encore beaucoup d’hommes qui arrivent à nos services en dernier recours», mentionne Rémi Bilodeau, directeur général du réseau d’aide À cœur d’homme, à Québec. Certains tristes événements de vie sont encore bien souvent les éléments déclencheurs qui mèneront ces hommes à se rendre en thérapie. Rupture, départ de la conjointe, signalement à la DPJ, comportement violent des enfants, perte d’emploi, problèmes de consommation, intervention policière; plusieurs hommes justifieront leur violence «jusqu’à ce qu’ils n’aient plus le choix», précise Valérie Meunier, directrice du Groupe d’aide aux personnes impulsives (GAPI), qui ajoute qu’environ 40% de sa clientèle participe à une thérapie à la suite de l’ordre d’un juge ou d’un avocat.

M. Bilodeau se dit toutefois optimiste. «De plus en plus d’hommes nous contactent, car ils sentent que quelque chose cloche dans leur comportement, ils se sentent toujours en colère et veulent changer. Il y a eu beaucoup d’amélioration chez les hommes depuis les cinq dernières années», se réjouit M. Bilodeau.

Thérapies
Trois organismes offrent un service de thérapie pour hommes violents à Montréal:

  • OPTION
  • S.A.C. Service d’aide aux conjoints
  • Pro-gam Centre d’intervention et de recherche en violence conjugale et familiale

Clientèle type

La clientèle de ces groupes de thérapie est plutôt variée, selon les intervenants. «Il n’y a pas juste des gens de la classe moyenne, souligne M. Chrétien. Certains hommes sont des hauts placés dans des compagnies ou aspirent à des postes de politiciens. Un peu comme une grande famille dysfonctionnelle.»

Mais psychologiquement, ces hommes se ressemblent. Les stéréotypes répandus dans la société constituent une barrière à l’entrée très répandue chez eux, constate Rémi Bilodeau. «L’homme fort, qui ne demande pas d’aide et qui ne parle par de ses problèmes, c’est une croyance encore très présente à travers la clientèle. Nous avons à travailler avec ces préjugés lors de nos rencontres.»

Valérie Meunier, croit toutefois que cette «honte d’aller chercher de l’aide» s’amenuise. Mais l’entourage reste toutefois très critique. «Sortir de cette image de salaud, de batteur de femmes, évidemment c’est difficile. Même après la thérapie, la méfiance peut toujours rester dans leur entourage», regrette Mme Meunier.

Apprentissage

En groupe de 8 ou 12 hommes, avec 2 intervenants, les participants à ces thérapies sont tous assis en rond, le long des murs, dans une petite pièce carrée, aussi grande qu’une chambre à coucher, comme le relate M. Chrétien. «On discute de ce qu’on veut. On repense à notre semaine et on analyse nos gestes», ajoute-t-il.

L’important, mentionne M. Bilodeau, c’est qu’ils apprennent à gérer leurs émotions et leurs comportements. «Pour eux, la justification de leurs comportements vient de l’extérieur: c’est les enfants, la conjointe, le travail. Donc on essaie de les responsabiliser», précise l’intervenant.

Pour ce faire, deux outils leur sont proposés. D’abord, «le thermomètre», les incite à connaître les signes avant-coureurs de la colère, qu’ils soient physiques ou psychologiques. Ensuite vient le «retrait préventif», où l’homme quitte la situation pour plusieurs minutes ou une heure afin de se calmer et reprendre la discussion normalement.

«Je sais maintenant qu’il faut que je prenne le temps de sortir lorsque ça ne va pas, parce que je sais que je vais retomber dans mes anciennes habitudes, et ne je veux pas», témoigne M. Chrétien.

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