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Un tueur a droit à l'assurance vie de sa victime

Colin Perkel - La Presse Canadienne

TORONTO – Un homme qui avait tué sa femme devrait pouvoir récupérer le montant de l’assurance vie parce qu’il a été reconnu non criminellement responsable du meurtre, a tranché mardi le plus haut tribunal de l’Ontario.

En renversant un premier jugement de la Cour supérieure, la Cour d’appel de l’Ontario a estimé que la règle empêchant normalement les meurtriers de bénéficier financièrement du décès de leur victime ne s’applique pas dans ce cas-ci. La cour a toutefois suspendu sa décision pour permettre au gouvernement de tenter de saisir la somme.

En juin 2006, Ved Parkash Dhingra a frappé sa femme Kamlesh Kumari Dhingra — dont il s’était séparé — plusieurs fois sur la tête avec une statue religieuse de marbre blanc alors qu’elle dormait dans sa maison de Richmond Hill, en Ontario. Il l’a ensuite poignardée à 24 reprises.

L’homme, alors âgé de 66 ans, a été jugé pour meurtre non prémédité. Il a été reconnu non criminellement responsable en 2008 en raison d’un trouble mental, et a ensuite été libéré sous conditions.

M. Dhingra, qui souffre d’un trouble mental depuis des années, a depuis tenté d’obtenir l’argent de la police d’assurance vie de sa femme, un montant de 51 000 $. Le fils de la victime s’est opposé au versement de la somme et réclamé que l’argent soit remis aux descendants de Mme Dhingra.

En juin dernier, la Cour supérieure de l’Ontario a jugé que le père ne pouvait recevoir l’argent de l’assurance vie, même s’il n’avait pas l’intention de tuer sa femme.

«M. Dhingra a commis un meurtre non prémédité, a déclaré la juge Andra Pollak. Bien qu’il n’ait pas été reconnu criminellement responsable, il a malgré tout physiquement commis le crime.»

Se basant sur une série d’affaires semblables, la Cour d’appel a décidé que la juge Pollak aurait dû tenir compte de la santé mentale de M. Dhingra.

«Si une personne reconnue non criminellement responsable en raison d’un trouble mental n’est pas ‘moralement responsable’ de son acte, il n’y a alors aucune logique d’appliquer la règle en matière d’assurance vie», a jugé la Cour d’appel. «C’était une erreur, pour la juge de première instance, de décrire le demandeur comme ayant ‘commis un meurtre non prémédité’.»

Dans un geste inattendu, toutefois, la Cour d’appel s’est également demandé si la Loi sur les recours civil de l’Ontario, adoptée par l’Assemblée législative en 2002, pourrait supplanter la règle du «common law» sur les bénéfices du crime.

Cette loi vise entre autres à offrir une compensation aux victimes d’actes criminels, et à empêcher que les criminels et d’autres personnes profitent d’actes répréhensibles. En vertu de la loi, le procureur général peut demander aux tribunaux de remettre au gouvernement les produits de la criminalité, même si une personne est reconnue non criminellement responsable en raison de trouble mental.

La cour a cependant la possibilité de refuser de reléguer ces «produits» si «cela ne serait clairement pas dans l’intérêt de la justice».

Même si la Cour d’appel a jugé que la Loi sur les recours civils ne supplante pas la règle du common law, elle a estimé que le procureur général pouvait malgré tout demander aux tribunaux de remettre les fruits de la police d’assurance au gouvernement.

Une décision devrait alors être prise à savoir si les intérêts de la justice seraient défendus ou non.

La Cour d’appel a donc ordonné que l’argent soit versé à M. Dhingra, mais a suspendu cette décision pendant 30 jours, afin de permettre au procureur général, qui n’a pas pris position lors de l’appel, de décidé s’il veut céder les produits de la police d’assurance.

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