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Rapport Robillard: coupes de 2,3 milliards $

Photo: Archives La Presse Canadienne

QUÉBEC – Le Québec vit au-dessus de ses moyens et doit s’imposer de livrer les services publics à moindre coût pour ne pas s’endetter davantage, a plaidé la présidente de la Commission de révision permanente des programmes, Lucienne Robillard, en rendant public son rapport d’étape, dimanche.

Elle a rappelé que le Québec devait débourser chaque année 11 milliards $ en paiements d’intérêts sur notre dette collective, une situation «inacceptable» qui ne peut plus durer, selon elle.

«C’est le troisième poste de dépenses du gouvernement», a déploré la présidente, en conférence de presse, en présentant les conclusions de son comité.

Pour vivre davantage selon ses moyens, le Québec devrait dans un premier temps revoir à la baisse le soutien financier public apporté aux municipalités et au monde agricole pour atteindre l’équilibre budgétaire en 2015-2016, conclut le comité présidé par Mme Robillard.

Québec a estimé à 3,2 milliards $ les coupes budgétaires à identifier dans l’appareil d’État pour respecter cet engagement à éliminer le déficit l’an prochain.

Depuis sa création en juin, la commission Robillard a déjà réussi à identifier 2,3 milliards $ de compressions possibles pour y arriver.

Si Québec donne suite au rapport, l’essentiel des coupes proviendra d’une importante diminution — de l’ordre de 1,3 milliard $ — des transferts versés par le gouvernement aux municipalités.

«Quand on regarde l’ensemble des moyens que les municipalités ont, on pense que c’est réalisable sans hausse de taxes», selon Mme Robillard, si les municipalités acceptent de se serrer la ceinture, et mieux contrôler la hausse de leurs dépenses, incluant la rémunération de leurs employés. Sur ce dernier point, elle réclame au gouvernement qu’il donne de meilleurs outils aux villes pour établir un meilleur rapport de forces avec leurs syndicats.

Quant à eux, les producteurs agricoles devraient se passer du principal programme gouvernemental devant leur garantir un revenu acceptable quels que soient les prix du marché, soit le Programme d’assurance stabilisation des revenus agricoles (ASRA). L’épargne ainsi créée est évaluée à 300 millions $.

Dorénavant, les assurés devraient donc être les seuls à assumer le risque. «On ne peut pas demander à ce que les primes de l’assuré soient payées par l’assureur», a résumé un des commissaires, l’économiste Claude Montmarquette.

De façon plus générale, la commission juge que le Québec se montre trop généreux envers ses producteurs agricoles, son soutien financier étant supérieur à ce qui se fait ailleurs au Canada et dans les pays développés.

Actuellement, le soutien financier au secteur agricole est estimé annuellement à 1 milliard $ de fonds publics.

Pour ce qui est des services de garde, qui grugent 2,3 milliards $ de fonds publics par année, on suggère de faire grimper le coût d’une place à 35 $ par jour, en s’assurant que le coût final sera moindre, grâce aux déductions fiscales et crédits d’impôts prévus par Québec et Ottawa. L’économie anticipée serait de 263 millions $.

Mais Québec a préféré une autre formule, jugée plus acceptable politiquement, avec un tarif modulé selon le revenu parental, et pouvant atteindre 20 $ par jour. L’annonce gouvernementale a été faite jeudi, donc juste avant que le rapport Robillard soit rendu public.

Pressée de questions sur la façon de procéder du gouvernement dans ce dossier et son choix de ne pas aller dans le sens des recommandations de son groupe, Mme Robillard ne s’est pas montrée offusquée. «Le gouvernement est libre de ses choix», a dit Mme Robillard, clamant l’indépendance de la commission.

Le comité recommande aussi au gouvernement de réévaluer la pertinence de créer 30 000 nouvelles places, une économie à terme de 511 millions $.

Le ratio éducatrices-enfants devrait selon lui être ramené à une éducatrice pour 10 enfants, une économie additionnelle de 65 millions $.

Il faut aussi s’attendre à une hausse du tarif du transport ambulancier, si Québec entérine le rapport. On suggère de faire grimper le tarif, pour aller chercher 12 millions $ de plus dans la poche des utilisateurs. On veut aussi annuler la gratuité offerte aux personnes âgées de 65 ans et plus qui ne bénéficient pas du supplément de revenu garanti, une rentrée d’argent supplémentaire estimée à 30 millions $.

La commission Robillard propose également d’abolir les budgets discrétionnaires confiés aux ministres, une somme de 14 millions $ d’argent public dispersée sans aucune reddition de comptes et sans critères établis. La même réflexion s’impose pour le programme de soutien à l’action bénévole, qui gruge 10 millions $ de fonds publics.

Prochaine étape pour la commission: un autre rapport, attendu en juin 2015, qui pourrait cette fois remettre en cause les programmes reliés aux réseaux de la santé et de l’éducation, qui accaparent à eux seuls les trois quarts du budget du Québec.

Les orientations prises par le comité n’ont pas tardé à susciter de vives réactions.

Le président de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Marcel Groleau, s’est dit «abasourdi» par la recommandation «farfelue» visant à éliminer l’ASRA.

L’opposition péquiste parle d’un travail «bâclé», une «mascarade», selon le député de Sanguinet, Alain Therrien. Il croit que la commission Robillard, loin d’être indépendante, est de mèche avec le gouvernement pour imposer des coupes «dogmatiques» dans tous les secteurs, sans avoir fait «aucune étude d’impact».

La porte-parole de Québec solidaire, la députée de Gouin, Françoise David, a dénoncé les coupures «hallucinantes» proposées dans les transferts aux municipalités. Selon elle, Québec cherche, dans un geste «lâche», à laisser l’odieux aux municipalités de procéder à des réductions de services et des coupes budgétaires. Le gouvernement chercherait ainsi à éliminer son déficit sur le dos des municipalités.

Le porte-parole de la Coalition avenir Québec, le député de Groulx, Claude Surprenant, retient de l’exercice que le gouvernement «n’hésite pas à piger dans les poches des Québécois» une fois de plus.

La commission est formée de l’ex-ministre Lucienne Robillard, de deux économistes, Claude Montmarquette et Robert Gagné, et deux ex-cadres de la haute fonction publique québécoise, Michèle Bourget et Mireille Fillion.

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