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Les effets pervers de l’humour expliqués

Photo: Archives Métro

Si l’humour peut détendre une atmosphère et gagner les foules, il peut aussi se retourner contre la personne qui l’utilise maladroitement. Personne n’est à l’abri de la mauvaise blague. C’est ce qu’a appris Jean Charest il y a quelques semaines.

Jean-Marie Lafortune, professeur au département de communication sociale et publique de l’Université du Québec à Montréal, se penchera sur les effets pervers de l’humour dans le cadre du congrès de l’ACFAS.

Est-ce que l’humour est trop valorisé au Québec?
L’humour est sans doute valorisé au quotidien dans toutes les cultures, car c’est un trait d’esprit. Ça réfère à une capacité de l’esprit humain de s’emparer d’une situation tout en démontrant une compréhension des dynamiques de fond.

L’humour prend t-il plus de place qu’avant?
La communication veut qu’on établisse une relation par delà le message. Les hommes d’affaires commencent toujours leurs discours par des anecdotes. Il y a une exigence d’établir une relation et il y a un engouement vers l’humour. Maintenant, l’humour est plus qu’attendu, il est requis.

Les discours politiques n’y échappent pas, on l’a vu avec le discours de Jean Charest au salon du Plan Nord…
M. Charest estimait qu’en blaguant sur ce sujet il allait se rallier les gens d’affaires présents. Il aurait pu utiliser d’autres formes. Mais de nos jours, c’est l’humour. La blague est tombée à plat pour les gens à l’extérieur [qui manifestaient devant le Palais des Congrès] alors que pour ceux réunis à l’intérieur, elle était sans doute bonne.

Qu’est ce qui fait une mauvaise blague?
Une mauvaise blague dépend de la blague, mais aussi des contextes. Il faut prendre en compte le public dans la mesure où on est capable de le faire. C’est pour cette raison que l’humour médiatisé n’est pas toujours évident, car c’est le public en général qui est intéressé. Et l’opinion publique générale a désapprouvé la blague de M. Charest

Est-ce une maladresse, un dérapage?
Jean Charest est un communicateur de longue date. Mais il n’a pas bien évalué le fait qu’il ne s’adressait pas à un seul public. Pour un politicien, c’est sans doute une erreur. Il a été maladroit. Mais dire qu’il est cité hors contexte, je ne vois pas comment ça peut être possible. C’est exactement le type d’hameçon qu’il voulait. Il savait que les étudiants réagiraient mal. Mais que l’opinion publique considère que ce n’est pas digne d’un premier ministre… C’est pour cela que ses conseillers lui ont sans doute demandé de faire une mise au point.

Doit-on prendre ces propos pour ce qu’ils sont: une blague? Ou y a-t-il un sens plus profond?
Il nous dit qu’il considère que ces gens n’ont pas leur place au centre-ville de Montréal et seraient mieux dans le nord à creuser dans le fin fond d’une mine. Des travaux forcés dans le Grand Nord. L’URSS avait le Goulag… c’est un peu cela que ça laisse entendre. Dans une soirée privée avec quelques verres, ça peut passer, mais M. Charest savait que son discours était filmé et relayé par la télé. C’est un message grave.

La blague de Jean Charest en vidéo:
[youtube http://www.youtube.com/watch?v=xcVMe5HLF_Q&w=640&h=360]

La blague en question
«Le Salon Plan Nord, que nous allons ouvrir aujourd’hui, est déjà très populaire; les gens courent de partout pour entrer [en référence aux manifestations qui se tenaient à l’extérieur]. À ceux qui frappaient à notre porte ce matin, on pourrait leur offrir un emploi — dans le Nord si possible —, ce qui va tous nous permettre à continuer de travailler fort». -Jean Charest, premier ministre du Québec.

La justification de M. Charest quelques heures plus tard : «Les propos que j’ai tenus lors de mon discours ont été cités hors contexte et interprétés par certains comme si je prenais la situation à la légère. Ce n’est pas le cas. Les gens dans la salle l’ont très bien compris.»

Le Fou du roi
On voit apparaître dans les entreprises des fous du roi. Ce sont des gens qui présentent les PDG sous un certain jour, avec dérision, mais pour mieux les conforter en tant que personnes qui détiennent le pouvoir. Comme un fou du roi au Moyen-Âge, qui contribuait à asseoir le pouvoir en place. Il y a des gens dans les entreprises qui sont, grâce à l’humour, des faire-valoir à cet égard. Le pouvoir du dirigeant n’est pas inquiété, il s’agit d’une dérision contrôlée.

C’est notamment le cas avec Jean Charest quand il participe à l’émission Infoman. Jean Charest utilise Infoman comme un révélateur de pouvoir. À travers ce vecteur, il va se chercher un capital de sympathie. Il nous apparaît plus humain, il est capable de faire preuve d’humour et même d’accepter une certaine critique humoristique… mais il ne faut pas aller trop loin.

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