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Québec resserre le filet de l'aide sociale

Photo: Facebook

QUÉBEC – Le gouvernement Couillard resserre les mailles du filet de l’aide sociale pour des milliers de prestataires.

Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, François Blais, a annoncé mercredi une série de propositions réglementaires grâce auxquelles il espère dégager des économies de 11 millions $ à 15 millions $ par année pour l’État.

«Ça peut aller peut-être même un peu plus, a précisé le ministre en conférence de presse. Dans l’évaluation, il faut parfois considérer des changements de comportement, et ces changements de comportement pourraient apporter des économies de plus.»

En outre, le gouvernement a les prestataires «voyageurs» dans le collimateur. En vertu de la proposition, les prestataires ne seront plus admissibles à l’aide sociale, à compter du 1er mai, s’ils séjournent plus de 15 jours à l’extérieur du Québec au cours d’un même mois.

«On n’a pas comptabilisé ces situations, mais les agents d’aide sociale nous ont dit que c’est une réalité», a affirmé M. Blais.

À l’heure actuelle, un individu peut recevoir une aide financière de dernier recours de l’État même s’il passe l’essentiel de son temps à l’extérieur du Québec. Il importe de resserrer la règle, a fait valoir le ministre.

«L’état de la loi (fait en sorte que) vous pouvez sortir mais revenir à l’intérieur de chaque mois. Donc, vous pouvez allonger à la limite jusqu’à deux mois, donc une seule journée de présence par mois, c’est la loi. Personne n’enfreignait la loi, on n’est pas en train de poursuivre des fraudeurs, on est en train de resserrer une règle qui aujourd’hui est difficilement justifiable», a-t-il expliqué.

Le ministère estime qu’environ 460 personnes seront touchées annuellement par cette mesure.

Québec compte aussi accroître les pénalités financières pour les prestataires qui n’ont pas déclaré la totalité de leurs revenus au ministère. Pour l’heure, les fautifs ne doivent rembourser que le montant excédant l’exemption de 200 $ par mois. Le nouveau règlement prévoit qu’ils devront remettre la somme non déclarée en totalité.

«Si vous ne déclarez pas vos revenus, vous allez avoir à rembourser ce qui était l’excédent de l’exemption auquel vous avez droit, mais aussi la valeur de cette exemption, pour resserrer le message selon lequel il y a vraiment une pénalité à ne pas déclarer ses revenus», a soulevé le ministre.

En 2013-2014, près de 5000 prestataires n’ont pas déclaré «avec diligence» des revenus de travail, selon les données fournies par le ministère.

Objet d’un moratoire depuis 2007, la valeur nette de la résidence — révisée à 142 000 $ — sera de nouveau prise en compte pour l’admissibilité à l’aide sociale.

Québec veut aussi récupérer une part des revenus de colocation des prestataires désirant vivre en commun pour arrondir leurs fins de mois. Les revenus de location des ménages prestataires seront comptabilisés à partir de deux chambres plutôt que trois. De même, en vertu de la proposition réglementaire, le montant mensuel comptabilisé dans la prestation sera porté de 85 $ à 125 $ par mois.

Ces mesures ne visent pas à pénaliser les plus pauvres, mais plutôt à corriger «des incohérences» et des «iniquités» entre les bénéficiaires de l’aide sociale et les travailleurs à faible revenu, a soutenu le ministre.

«Des incohérences ou des problèmes d’équité entre les bénéficiaires de l’aide sociale et les pauvres qui travaillent, qui ont de petits revenus, et qui peuvent parfois se poser des questions sur les avantages d’aller travailler plutôt que d’être dans une situation de prestataires d’aide sociale», a-t-il dit.

M. Blais considère que les nouvelles dispositions sont moralement acceptables, dans le contexte économique actuel.

«On a retourné toutes les pierres, j’ai conservé ces propositions et il me semble que du point de vue moral, du point de vue intuitif, du point de vue de la situation économique du Québec, ce sont des propositions qui vont bien passer dans la population», a-t-il avancé.

Ce n’est pas l’avis de Québec solidaire qui, loin d’appuyer les compressions, réclame un «rehaussement substantiel des prestations à la sécurité du revenu».

En point de presse, la cochef de la formation de gauche, Françoise David, a accusé le ministre d’entretenir les pires préjugés envers les prestataires de l’aide sociale.

«À croire qu’ils sont nombreux à se précipiter dans le Sud l’hiver. Mais avec quel argent, grands dieux? Ils ne seraient même pas capables de se payer un billet d’autobus pour la Floride», a pesté la députée de Gouin.

«On parle de quoi ici? Des gens qui auraient oublié, un mois, de déclarer qu’ils ont pu travailler. Ils ont droit à 200 $ de gains permis, ils le déclarent le mois suivant, bien, « too bad », ils vont se faire couper. Écoutez, ce n’est pas sérieux», a-t-elle ajouté, invitant les groupes à se mobiliser contre les propositions du gouvernement.

Du côté de l’opposition officielle, le porte-parole du Parti québécois en matière de lutte contre la pauvreté, Harold Lebel, s’est désolé de voir le ministre Blais, un progressiste, retourner sa veste aussi vite.

«On voyait quelqu’un de sensible à la pauvreté, quelqu’un qui avait même déjà publié un livre sur le revenu minimum garanti, qui avait une certaine sensibilité. Maintenant, cet homme sensible, il s’est transformé en serviteur du président du Conseil du trésor», a dit M. Lebel, enjoignant à son tour aux citoyens de monter aux barricades contre les propositions du gouvernement.

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