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Jérôme Pruneau, diversificateur

Photo: Daphné Caron/Métro

Chaque année, le Mois de l’histoire des Noirs nous rappelle les étapes qui ont mené à l’émancipation des communautés noires. Pour souligner le chemin qui reste à parcourir, Métro publie tout au long du mois de février des portraits de Montréalais qui travaillent à ce que le racisme, la discrimination et les inégalités deviennent de l’histoire ancienne. Notre série se termine aujourd’hui avec le portrait de Jérôme Pruneau, directeur général de Diversité artistique Montréal (DAM).

Ce lundi avaient lieu les deuxièmes auditions de la diversité au Quat’sous. Calquées sur les auditions générales du Quat’sous, qui donnent la chance aux finissants des écoles de théâtre de se faire connaître, les auditions de la diversité donnent un coup de pouce à des acteurs issus des minorités ethnoculturelles. Elles empêchent les producteurs de fournir des excuses bidon pour ne pas mettre la diversité à l’écran ou sur les planches.

Des raisons loufoques, Jérôme Pruneau en entend des tas depuis qu’il est à la tête de Diversité artistique Montréal (DAM). «On nous dit que les auteurs ne connaissent pas assez la réalité culturelle et préfèrent ne pas en parler, ou que le jeu n’est pas de niveau. Ça me choque tellement! Un personnage est un personnage, pas besoin d’entrer dans sa communauté culturelle. Quant au talent des comédiens, ça dépend de celui qui juge. Il y a beaucoup d’ethnocentrisme dans notre façon de juger un acteur», dit-il.

Bien qu’il soit arrivé à la direction de DAM un peu par hasard en 2012, l’ethnologue de formation avait déjà le bagage académique pour prendre la défense des artistes issus de l’immigration. «Le milieu artistique est un milieu de travail comme les autres, avec les mêmes protectionnismes, et les mêmes taux de chômage plus élevés que dans les communautés noires, asiatiques et maghrébines, ex­plique Jérôme Pruneau, qui a lui-même galéré à son arrivée au Québec pour trouver du boulot. «J’étais docteur et… plongeur! On a tendance à oublier que les Français aussi sont des immigrants. On est une minorité audible.»

Les barrières d’inclusion ne sont pas aussi importantes en art que dans les milieux professionnels à ordre, mais elles sont différentes. «Si vous pensez que ça ne prend pas de diplôme en art, détrompez-vous!» dit Jérôme Pruneau. Plusieurs subventions requièrent des diplômes et, en sculpture comme en médecine, les équivalences ne sont pas toujours reconnues à leur juste valeur.

Récemment, des incidents comme le blackface (un comédien blanc qui se peint le visage pour ressembler à un Noir) au Rideau Vert ou l’embauche d’un comédien noir pour jouer l’acolyte de Ben Chartier dans la version anglaise de 19-2 ont remis en question les pratiques québécoises en matière d’inclusion.

«L’incident du blackface a été une étincelle, explique Jérôme Pruneau. Le problème, ce n’est pas qu’on se questionne sur l’embauche d’un comédien noir pour une scène de deux minutes, mais que dans une revue de l’année, on consacre seulement deux minutes à la diversité!» dit celui qui propose plusieurs pistes de solution, comme les color blind castings, des auditions où on ne spécifie pas que l’on cherche un comédien «caucasien».

«Il faut passer de la diversité culturelle à la culture de la diversité, croit Jérôme Pruneau. Sinon, c’est le phénomène du serpent qui se mord la queue: si les gens issus des minorités ethnoculturelles ne se voient pas à la télévision, ils ne s’identifient pas, et s’ils ne s’identifient pas, ils ne participent pas, car ils pensent que ce n’est pas pour eux.» L’ethnologue croit que les diffuseurs auraient tout avantage à faire place à plus de diversité. «Ça me fait rire quand j’entends qu’ils cherchent des auditoires. Montrez-les à l’écran, ça serait déjà ça!»

Communauté artistique
Diversité artistique Montréal vient en aide aux artistes de tous les milieux. Son répertoire compte plus de 260 artistes.

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La suite de notre série

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