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Merlaine Brutus, grande kouzin’

Photo: Daphné Caron/collaboration spéciale

Chaque année, le Mois de l’histoire des Noirs nous rappelle les étapes qui ont mené à l’émancipation des communautés noires. Pour souligner le chemin qui reste à parcourir, Métro publie tout au long du mois de février des portraits de Montréalais qui travaillent à ce que le racisme, la discrimination et les inégalités deviennent de l’histoire ancienne. Notre série se poursuit avec le portrait de Merlaine Brutus, fondatrice de l’Entraide bénévole Kouzin Kouzin’*.

Dans le milieu communautaire, Merlaine Brutus n’est pas la seule bénévole à se coucher au petit matin pour remplir une demande de subvention ou répondre à un courriel de parent, mais on en connaît peu qui le font depuis autant d’années. La travailleuse sociale embrasse la cause des enfants haïtiens de Montréal depuis la fin des années 1960 et continue à le faire avec la même fougue à l’âge de 78 ans.

Mme Brutus a posé ses valises au Québec dans les années 1960, convaincue par son «kouzin», un pionnier de la psychiatrie communautaire, que la pratique du travail social au Québec l’intéresserait. «Dans la culture haïtienne, un “kouzin”, ce n’est pas un cousin de sang, c’est quelqu’un qu’on ne considère plus simplement comme un ami de la famille, mais comme un membre de la famille», explique-t-elle.

C’est en pleine Révolution tranquille que Merlaine Brutus fait sa maîtrise en travail social. Son mémoire, le premier remis par une Haïtienne à l’Université de Montréal, porte sur l’adaptation des enfants haïtiens à la culture québécoise. À l’époque, plusieurs familles haïtiennes arrivent au Québec dans les années 1970 et, avec la création de la DPJ, les valeurs de certaines d’entre elles se heurtent au désir du Québec de protéger ses enfants.

«Je ne voudrais pas revivre cette époque, se souvient Merlaine Brutus. Les cours étaient remplies de familles haïtiennes. Ces gens-là ne voulaient pas maltraiter leurs enfants, mais selon leurs valeurs, fouetter son enfant, c’était “bien l’élever”. Nous, comme travailleurs sociaux, on trouvait que c’était barbare, mais en même temps, on était déchirés de voir ces enfants être arrachés à leur famille en raison de cette loi qui était surtout faite pour la culture québécoise. Nous soupçonnions qu’il y avait du racisme là-dedans», se souvient Merlaine Brutus.

Inspirée du modèle des Grands frères/Grandes sœurs, la travailleuse sociale fonde avec des collègues l’Entraide bénévole Kouzin Kouzin’, dont le nom fait écho à ce lien informel qui unit les familles haïtiennes. «Pendant que nous intervenions auprès des parents, l’enfant avait un modèle, un grand kouzin ou une grande kouzin’.»

C’est encore le cas aujourd’hui. Des enfants de toutes les origines trouvent des mentors auprès de cet organisme situé dans le quartier Saint-Michel. «C’est important, un modèle, parce que si l’enfant est mêlé, il n’arrivera pas à se démêler de lui-même. Ça lui prend de l’aide. Et dans plusieurs cas, cette aide ne pourra pas venir des parents», explique Merlaine Brutus, qui continuera à donner du temps à l’organisme tant qu’elle le pourra. «Je mourrai avec le sentiment du devoir accompli, parce qu’il y a eu du changement sans qu’on ait à tout casser», dit-elle.

*En créole, l’apostrophe fait office de «e».

Pour les enfants et leurs parents
L’Entraide bénévole Kouzin Kouzin’ intervient auprès des enfants en offrant de l’aide aux devoirs, de l’accompagnement, des camps de jour et de la stimulation précoce pour les tout-petits.

  • L’organisme intervient auprès des parents en offrant des rencontres de groupe, du répit aux familles, des ateliers pour l’utilisation de l’internet, du soutien au développement des compétences parentales et de la médiation.
  • Pour en savoir plus: kouzinkouzin.ca

La suite de notre série
Les portraits à lire au cours des deux prochains mercredis:

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