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Suzanne Roy, présidente de l’UMQ: «l’été des négociations»

UMQ Suzanne Roy
La présidente de l'UMQ, Suzanne Roy. Photo: Denis Beaumont/Archives Métro

Les municipalités du Québec négocient avec le gouvernement provincial un nouveau pacte fiscal ainsi que plusieurs changements dans les compétences entre le provincial et le municipal. De telles négociations en profondeur n’ont pas eu lieu depuis les vingt dernières années, soutient Suzanne Roy, présidente de l’Union des municipalités du Québec. Elle a expliqué à Métro les changements qu’elle aimerait obtenir.

Vous désirez apporter des changements en termes de fiscalité entre Québec et les municipalités. Vous souhaitez, entre autres, que les municipalités obtiennent un point de pourcentage de la TVQ. Pourquoi est-ce que ce serait nécessaire?
Pas moins de 71% de nos revenus proviennent de la taxe foncière. Ça sert au service à la propriété : de l’asphalte, des panneaux d’arrêt, des égouts, de l’épuration des eaux, etc… Mais dans les faits, 50% des services de la municipalité sont du service à la personne: pour les aînés, les enfants, les personnes handicapées, le logement social, l’itinérance, etc… Mais c’est régressif, parce qu’on a une population vieillissante. Donc, les gens arrivent avec moins de revenus, la maison prend de la valeur, et les résidants sont donc plus taxés. Il faut rééquilibrer. On travaille beaucoup à la croissance économique dans chacun de nos milieux. Mais quand on investit, par exemple, pour que nos commerces continuent à avoir des clients, qu’on soit plus attractif, pour que les familles viennent vivre chez nous, nous n’avons pas de retombées, ni en taxes ni en impôts. On vie beaucoup de l’espoir que ça permette à nos commerces de rester ouverts et qu’on continue à recevoir la taxe foncière. Ça entraîne une pression sur le développement parce que c’est la seule façon de financer les services.

Aussi, chaque fois que le gouvernement impose de nouvelles normes, ça a un impact direct sur nos dépenses. Juste en terme d’environnement – nous ne sommes pas contre ces nouvelles normes – mais dans les 4-5 dernières années, c’est plus de 7% de nos dépenses qui sont dues à ces nouvelles normes exigées par le gouvernement du Québec, comme sur le rejet des eaux, ou l’objectif 2020 d’enfouissement zéro…Pour y répondre, il faut mettre des choses en place, il faut faire les choses différemment, il faut aller chercher plus de matière, donc c’est des coûts de plus. Et ça se transforme en taxes, parce qu’on n’a pas encore réussi à faire pousser des arbres avec de l’argent (rires).

On ne veut pas d’un fardeau supplémentaire pour les citoyens. On veut tout simplement qu’il y ait un lien entre ce qu’on fait et le mode de financement.

À quel moment est-ce devenu nécessaire?
Les services à la personne sont beaucoup plus présents. Avant, on était vraiment à la base des services à la propriété. Tranquillement, [Québec] a cru bon que les municipalités prennent en charge, par exemple, certains éléments au niveau des saines habitudes de vie, du soutient à l’enfance, aux aînés, mais sans que l’argent vienne avec. En 2012, avec le Livre blanc sur l’avenir des municipalités, on s’est rendu compte qu’il y avait un déséquilibre fiscal qu’il fallait corriger.

L’avantage, pour les municipalités, d’obtenir un point de pourcentage de la TVQ, c’est que c’est proportionnel aux investissements?
Oui. Chaque fois que le fédéral met 1$ dans un programme tripartite [comme en infrastructures], il retire 30¢ en taxes et en impôts. Le gouvernement du Québec retire 27¢ de son dollar, et les municipalités, généralement, empruntent leur dollar pour faire ces projets et n’ont pas de retour.

Pour les municipalités, c’est un impact important sur la dette. On doit travailler au niveau de nos infrastructures, on va continuer de participer à des programmes tripartites, mais on en voit vraiment l’impact.

Au dernier pacte fiscal, les municipalités ont accepté d’absorber 300M$ de compressions budgétaires. Avez-vous plus de poids, aujourd’hui, après avoir fait des concessions, pour négocier vos demandes?
On espère, effectivement. On a dit, au moment de la signature du pacte transitoire, que les municipalités avaient beaucoup donné. C’est malheureusement un réflexe courant, tous partis politiques confondus à Québec. Quand il y a des difficultés financières, le gouvernement se tourne de bord et pige dans la poche des municipalités. On a eu nombre de responsabilités sans avoir l’argent pour les respecter – qu’on pense au schéma de risques ou aux nouvelles normes environnementales – et on les a quand même respectées. De là l’importance, maintenant, de véritablement redéfinir les compétences et les finances.

Vous souhaitez également une meilleure reconnaissance des gouvernements de proximité (les municipalités) à travers une loi-cadre en allégeant les règlements que doivent respecter les municipalités. Qu’est-ce que cette loi pourrait changer dans leur pouvoir?
Je dirais qu’elle peut tout changer. Actuellement, on nous reconnaît des compétences, mais dans les faits, on fait plus souvent la traduction des normes du ministère. Comme élus municipaux, si on voit une courbe dangereuse sur nos routes, on est à même de savoir si elle doit être à 30 ou à 40km/h, selon les témoignages des citoyens. Mais même si les normes du ministère disent qu’une courbe, pour être à 30km/h, doit être à proximité d’une garderie, d’un parc ou d’une école, ça ne rend pas la courbe moins dangereuse, même si elle n’est pas à côté d’un parc. Il faut avoir les mains libres. Je suis tannée de répondre aux citoyens en séance publique: «C’est parce que la norme du ministère ne le permet pas.» Je suis élue, je veux rendre des comptes à ceux qui ont mis un X pour m’élire. Pour le citoyen, ce sera plus facile. Quand il va s’adresser à nous, avec les compétences que nous avons, il aura réellement l’impression que la personne élue est là pour répondre.

Est-ce qu’il y a des risques, tout de même, à donner plus de responsabilités aux municipalités, des risques d’abus, par exemple, ou de mauvaise gestion?
Il y a des risques partout, et si un élu ne fait pas ce qu’il doit faire, il va être mis dehors. Il y a des règles qui nous régissent à tous les niveaux et les élus ont l’obligation de suivre ces règles. C’est vrai au municipal, comme au provincial et au fédéral.

Le processus de reddition de comptes entre Québec et les municipalités doit également être revu, selon vous. Qu’est-ce qui doit être changé?
On dédouble le travail, on dédouble les dépenses pour le citoyen. Par exemple, pour certains programmes de subvention, [Québec n’accepte pas] que nos employés municipaux réalisent certains rapports d’analyse. Si on prend nos propres employés, on ne sera pas subventionnés. Alors, on continue à payer nos employés, et en même temps, il faut engager des firmes extérieures. Donc, le citoyen paie deux fois. Il faut reconnaître cette qualification de nos employés, et qu’on ne soit pas pénalisés de le faire.

Le gouvernement du Québec cherche l’équilibre budgétaire. Nous, ce qu’on dit, c’est: «Soyons plus efficaces et plus efficients, et là, le citoyen va en avoir plus pour son argent.» C’est normal qu’il y ait une reddition de comptes, mais quand on prend 30% d’une subvention juste en reddition de comptes, je pense que le citoyen n’en a pas pour son argent. Quand ils refont l’étude qu’on a déjà faite pour la certifier, je pense qu’il y a bien de l’argent qui se gaspille.

Vous avez déjà annoncé que les municipalités vont s’inviter aux prochaines élections fédérales. Une intervention des municipalités n’est pourtant pas commune au cours de ces élections…
C’est un signe du temps que les municipalités ressentent le besoin, dans l’élection fédérale, de dire «on est là, comme un véritable gouvernement». Vous [les partis fédéraux] êtes en train de déterminer quelles vont être nos priorités pour les cinq prochaines années et vous allez l’annoncer en grand vent partout au Québec… On parle, par exemple, de tout ce qui est transport des matières dangereuses. Il ne faut pas arrêter de penser à la tragédie de Lac-Mégantic, parce que la journée où on arrêtera d’y penser, il va en arriver une autre. De là l’importance pour nous de présenter nos questionnements et ceux de la population.

Concernant la décision de Postes Canada de mettre fin à la livraison à domicile en zone urbaine, vous avez déjà demandé un moratoire. Entreprendrez-vous des actions supplémentaires?
Il y a certaines aberrations qui se sont produites dans les premières installations des boîtes communautaires qui nous aident à démontrer que ça n’a pas de bon sens. Des graffitis, mais aussi des boîtes communautaires installées sur des ponceaux qui créent des nuisances d’écoulement d’eau. Et ce n’est pas parce que Postes Canada continue d’aller de l’avant que nous on va se taire. La façon dont ça s’est déroulé dans plusieurs communautés nous démontre qu’on a raison d’intervenir, de demander ce moratoire.

La Ville de Montréal s’est jointe au recours judiciaire contre Postes Canada avec plusieurs autres syndicats. Est-ce que l’Union des municipalités compte se joindre à eux?
Pas pour le moment, mais il n’y a rien qui est exclu, parce que c’est un dossier où les élus nous interpellent partout, dans toutes les régions du Québec. On utilisera toutes les voies nécessaires pour protéger nos citoyens.

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