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Un portrait de la répression des manifestations au Québec

Photo: Archives Métro

Nombre important d’arrestations, conditions de détention difficiles, utilisation d’armes dangereuses, profilage politique, la Ligue des droits et libertés (LDL) dresse un bilan sombre des interventions policières à l’endroit des manifestants depuis 2012 dans un rapport publié mercredi. En se basant sur des données récoltées auprès de chercheurs, de personnes arrêtées, d’organismes publics et de groupes militants, les auteurs du rapport dénoncent un «système de répression politique».

Depuis 2012, près de 7000 personnes ont été arrêtées lors de manifestations au Québec, dont 1006 en moins de deux mois en 2015. «C’est alarmant. La majorité de ces gens n’ont fait qu’exercer un droit constitutionnel», a estimé Ann Dominique Morin, coauteure du rapport.

Plus de 75% des personnes arrêtées l’ont été en vertu de règlements municipaux ou du Code de la sécurité routière. Seulement 13,5% l’ont été en vertu du Code criminel.

La LDL a aussi documenté la violation des droits lors des arrestations de masse. «Certaines arrestations durent plusieurs heures, sans que les personnes aient accès à de l’eau, de la nourriture et des toilettes. Elles sont menottées, fouillées, prises en photo sans leur consentement, brutalisées verbalement et physiquement. Les manifestants sont traités comme des criminels. Il est clair que ces arrestations ont un caractère punitif et humiliant. Est-ce qu’on traiterait de la même façon quelqu’un qui n’aurait pas payé son stationnement?» s’est demandé Mme Morin.

«On fait sorte à une sorte d’indifférence sociale. On appelle la population à refuser la banalisation de violations de droits fondamentaux.» – Nicole Filion, coordonnatrice de la LDL

La LDL dénonce l’utilisation par les forces policières d’armes considérées comme dangereuses afin de disperser les foules. Il y a d’abord les armes intermédiaires d’impact à projectiles (AIIP), pour projeter des balles de plastique ou de caoutchouc, dont l’utilisation n’est pas réglementée par les grands organismes policiers de la province. Malgré tout, un rapport de l’École nationale de police datant de 2005 recommande que les policiers n’utilisent ce type d’armes «que pour se protéger [eux-mêmes] ou toute autre personne contre une menace imminente de mort ou de lésions corporelles graves», étant donné qu’elles sont «susceptible de causer des lésions corporelles graves ou, exceptionnellement, la mort».

Les bombes lacrymogènes et le poivre de Cayenne comportent aussi des risques de blessures graves et même de mort si ils sont dirigés vers une personne, selon des documents internes du SPVM obtenus par la LDL.

Tolérance à géométrie variable
Entre 2013 et 2014, les organisateurs de 134 manifestations montréalaises ont fourni leur itinéraire à la police, selon les données compilées par la LDL. Parmi celles dont le itinéraires n’avaient pas été fournis, 118 ont été tolérées et 23 ont donné lieu à des interventions policières.

«Ça détruit le mythe qu’un itinéraire est nécessaire pour qu’une manifestation se déroule bien», a commenté Lynda Khelil, coauteure de l’étude.

La LDL croit que les policiers basent régulièrement leur décision d’intervenir ou non sur du profilage politique. «Les manifestations tolérées concernaient le logement, le service postal, les droits des femmes, alors que les manifestations réprimées portaient sur la cause étudiante, la brutalité policière, les luttes écologistes ou anticapitalistes», a souligné Mme Khelil.

Ni un porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal ni la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault n’étaient disponibles pour réagir au rapport.

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