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Les CA manquent-ils de jeunes?

Business people having on presentation at office Photo: Métro

Après avoir mené la bataille pour assurer une plus forte présence des femmes sur les conseils d’administration privés et publics, serait-il temps d’en faire autant pour augmenter le nombre de jeunes administrateurs de moins de 35 ans? Des jeunes impliqués, déçus de la situation actuelle, croient qu’il est temps de penser à des mesures coercitives pour assurer une diversité.

«C’est simple, les jeunes ne sont pas dans les lieux décisionnels au Québec», résume le porte-parole de l’organisme Force Jeunesse, Éloi Lafontaine Beaumier. Pourtant, l’organisme qui milite pour l’amélioration des conditions de travail et des perspectives d’emploi des jeunes estime que la présence de ceux-ci sur les CA des sociétés d’État est importante non seulement pour assurer une diversité des visions sur les instances décisionnelles, mais également pour assurer la relève des administrateurs.

L’organisme a réalisé un sondage en 2013 auprès des administrateurs des conseils d’administration (CA) des 22 sociétés d’État du Québec, telles qu’Investissement Québec, la Régie de l’assurance maladie du Québec, Hydro-Québec ou encore la Caisse de dépôt et placement du Québec. Résultat: seulement 0,07% de tous les administrateurs avaient moins de 35 ans. La Régie des rentes du Québec est l’une des rares sociétés d’État ayant un administrateur de moins de 35 ans. L’âge moyen d’entrée sur ces CA était de 51 ans, au moment du sondage.

«Le regard des jeunes face à l’avenir est nécessaire à une discussion riche, à une prise de décision plus éclairée et au débat sain autour d’une table», fait valoir M. Lafontaine Beaumier qui regrette la réalité dépeinte par ces résultats de sondage.

L’ex-député du Parti québécois et adjoint parlementaire à la jeunesse Léo Bureau-Blouin note quant à lui que le débat pour l’équité entre les générations doit également inclure l’intégration des jeunes sur les lieux décisionnels. «Pensons à la question des régimes de retraite. Comment se fait-il qu’il n’y ait presque pas de jeunes sur ces CA alors qu’ils pourraient apporter un regard différent, anticiper certaines tendances, certains changements sociaux à ce sujet?», fait remarquer l’ancien leader étudiant.

«Dire que les jeunes de moins de 35 ans n’ont pas d’expertise, ce n’est pas vrai. Il y en a plein qui ont des compétences, des expériences diverses, mais surtout qui ont une vision de la société, des orientations.» – Éloi Lafontaine Beaumier, porte-parole de l’organisme Force Jeunesse

Réserver une place aux jeunes
Le problème, précise Force Jeunesse, c’est la difficulté pour ces jeunes avec peu d’expérience à rejoindre ces instances et intégrer son processus de sélection qui se fait bien souvent en réseau fermé. «La sélection des administrateurs se fait plus par de la sollicitation que des appels à candidature», indique Éloi Lafontaine Beaumier.

La solution: que le gouvernement crée un poste dédié exclusivement à un administrateur de moins de 35 ans sur chaque CA des sociétés d’État, font valoir les deux jeunes hommes. «On pourrait même aller jusqu’à de la reddition de compte: quelles démarches ont été faites, pourquoi ils n’ont pas réussi à trouver une jeune candidature?», ajoute le porte-parole de Force Jeunesse

Léo Bureau-Blouin donne également en exemple le programme Jeunes dirigeants de la relève des caisses Desjardins, où chaque administrateur est associé à un «junior» qui, après un certain temps, aura une place en bonne et due forme sur le CA. «Ils se sont rendus compte que s’ils ne faisaient rien, il n’y aurait tout simplement plus d’administrateurs sur leur CA bientôt», note-t-il.

De son côté, Danièle Henkel, femme d’affaires et administratrice sur plusieurs CA, dont celui de la Société du parc Jean-Drapeau qu’elle préside, est d’avis qu’il faut impliquer davantage les jeunes et «apprendre de leur vision», mais «sans passer par l’imposition». «La nature humaine étant ce qu’elle est, plus on contraint, plus le braquage est fort et instantané», a-t-elle affirmé à Métro. Elle dit plutôt fonctionner par «besoins spécifiques». Pour combler un poste vacant sur son CA, son équipe et elle évaluent les compétences de leurs membres et quelle serait l’expertise manquante. «Si un jeune de 35 ans ou moins détient ces compétences, je n’hésiterai pas un instant», répond-elle.

Métro a contacté plusieurs administrateurs de CA des sociétés d’État et de grandes entreprises privées du Québec pour connaître leur opinion sur cette idée d’ajouter un poste d’administrateur dédié aux jeunes de moins de 35 ans. Seuls Loto-Québec et l’épicerie Métro inc nous ont répondu, précisant tous les deux qu’ils ne désiraient pas commenter ce sujet.

Témoignage d’une jeune administratrice à la STM
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Bien qu’elle ne soit pas une société d’État, la Société de transport de Montréal (STM) est l’un des rares organismes publics à avoir un poste dédié exclusivement à un administrateur entre 18 et 35 ans sur son CA. Claudia Lacroix Perron occupe ce poste depuis sa création, en 2011. «J’amène un point de vue complètement différent des autres personnes plus âgées autour de la table. Je ne la vie pas l’expérience client de la même façon qu’eux», témoigne la jeune administratrice. Elle dit notamment avoir été une référence pour ses collègues lors de discussions sur des sujets tels que l’utilisation du cellulaire et de la voiture chez les jeunes ou le développement durable. «Avoir quelqu’un de jeune autour de la table, c’est sûr que c’est toujours plus convainquant que de se faire rapporter les faits par un conseiller ou un intermédiaire», souligne-t-elle. Elle n’hésite pas une seconde à recommander au gouvernement de faire une place aux jeunes sur les instances décisionnelles. «Nous serons là dans 30 ou 40 ans, ce qui n’est pas nécessairement le cas de tout le monde autour de la table», souligne Mme Lacroix Perron.

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